Une nouvelle découverte réalisée par une équipe internationale coordonnée par le professeur Abderazzak El-Albani de l’Université de Poitiers/CNRS a mis en évidence dans le bassin de Franceville, au Gabon, les plus vieux fossiles de protistes eucaryotes, qui vivaient dans l’eau de mer il y a 2,1 milliards d’années. Cette découverte fait reculer le curseur de l’émergence des organismes eucaryotes de plus de 300 millions d’années.

Représentation artistique de la morphologie et de l’environnement de vie des spécimens protistes étudiés, qui font partie des gabonionta. La forme est lenticulaire à symétrie radiale et la cavité est segmentée en différentes chambres. Ils peuvent atteindre de grandes tailles, jusqu’à 4,5 cm. © A. El Albani

 

Identifiés dans le fameux gisement gabonais de Moulende, à Franceville, dans la province du Haut-Ogooué, qui avait déjà livré les plus vieux organismes multicellulaires «Gabonionta», ces eucaryotes planctoniques de 2,1 milliards d’années viennent faire reculer le curseur de l’émergence des organismes eucaryotes de plus de 1.5 milliard d’années. Cette nouvelle découverte a fait l’objet d’une publication scientifique le mardi 2 mai dans la revue Earth Planetary Sciences Letter.

Cette découverte réalisée dans le cadre d’une coopération inter-universitaire organisée par l’ambassade de France au Gabon en lien avec les autorités gabonaises permet d’apporter un éclairage nouveau sur le début de l’émergence des eucaryotes (organismes composés d’une ou plusieurs cellules qui se caractérisent par la présence d’un noyau et d’organites délimités par des membranes cellulaires), deux ans après la mise en évidence par la même équipe du scientifique poitevin, des plus vieilles traces fossiles de déplacement au monde, datées de 570 millions d’années. «C’est la découverte du moment où l’on bascule vers un monde où la vie devient sophistiquée avec des cellules et un noyau», explique le professeur Abderazzak El-Albani.

Selon le professeur, leur milieu de vie semble avoir été dans l’eau et non sur le fond marin. Dans cet écosystème marin primitif, certains organismes eucaryotes étaient donc déjà biologiquement suffisamment sophistiques pour pouvoir vivre de façon planctonique. Ce résultat a été obtenu grâce à l’usage du zinc, considéré comme un élément indispensable pour le métabolisme biologique. «Des analyses chimiques extrêmement pointues des fossiles ont révélé la présence, à l’intérieur du fossile, de deux fois et demie plus de zinc que sur la roche autour. Le zinc, c’est un élément nutritif qui entre dans la composition des protéines et de l’ADN, c’est indispensable pour le métabolisme biologique» explique-t-il. Une présence du zinc qui distingue définitivement ces organismes des bactéries.

Pour les membres de cette équipe internationale de douze chercheurs, cette nouvelle découverte met en évidence une innovation biologique qui soulève de nouvelles questions sur l’histoire de révolution, à savoir : des formes de vie planctonique perfectionnées existaient-elles déjà, il y a 2,1 milliards d’années ?

«Parler d’une vie sophistiquée, complexe, à -2,1 milliards d’années, c’était inimaginable jusque-là. Ces découvertes ont vraiment bouleversé nos connaissances sur l’apparition de la vie multicellulaire sur Terre. Et ça n’a pas été simple de le faire admettre à la communauté scientifique qui peut se montrer dogmatique. Nos résultats ont été contestés au départ. Après 15 années de production scientifique, les faits sont là, les plus retissants s’y sont rangés et nous sommes très sollicités pour visiter nos collections à Poitiers, ou exposer nos spécimens de fossiles dans les musées du monde entier» se réjouit le professeur, Abderazzak El-Albani.

Protéger le site par un classement au patrimoine mondial de l’Unesco

L’objectif aujourd’hui, c’est d’obtenir le classement définitif du site au patrimoine mondial de l’Unesco, afin de le préserver d’éventuels pillages, et de mettre ce site exceptionnel à la disposition de la communauté scientifique mondiale grâce à un comité de pilotage des programmes des recherches qui pourraient y être menés.

 

 
GR
 

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