Fleur de saison, l’idée d’Estelle Ondo dénonçant «une volonté affirmée d’écarter les Fangs de tous les postes politiques importants» pourrait aisément se répercuter ailleurs dans le pays. Amenant à quelques pointages visant à en vérifier la pertinence, le soupçon du député d’Oyem semble avoir été manigancé et matérialisé sur d’autres groupes ethniques. Notamment les Tsogo dont le décompte est littéralement à zéro pour ce qui est des «postes politiques importants».

Réputés pour leurs rituels religieux (ici l’un de leurs masques), les Tsogo ou Mitsogo sont-ils les oubliés ou les exclus du casting politique gabonais ? © Catface3, Flickr

 

Il y a de quoi être choqué, en entendant un Tsogo, se réclamant de la Ngounié nord, affirmer : «Dans le pays, nous n’avons même pas de moindre sous-préfet et, chez nous, il n’y a pas de route, ni même de moyens de communication téléphonique». Est-ce possible qu’un groupe aussi connu soit oublié, que ses fils soient des oubliés de la société gabonaise ? Le groupe ethnique tsogo est notamment connu pour avoir influencé tout le Gabon spirituel avec ses rites et pratiques religieuses, entre autres le Bwiti ou le Mwiri pour les hommes, et le Nyembe pour les femmes.

Léon Nzouba, le dernier des Mohicans ?

Le dernier représentant Tsogo fut le Pr Léon Nzouba, ancien ministre de l’Education nationale, et auparavant de la Santé après avoir été, dans le tout premier gouvernement d’Ali Bongo président, en charge de l’Equipement, des Infrastructures et de l’Aménagement du Territoire. Il se susurrait alors que cet ami de longue date d’Ali Bongo était pressenti au poste de Premier ministre s’il remportait l’élection législative de décembre 2011. Miné par un barrage inédit des leaders Punus de Mouila, il perdit. On ne manqua toutefois pas de lui glisser un cadavre dans son «placard», pour torpiller totalement le projet de son arrivée à la Primature. Il se trouvait, en effet, qu’au cours d’une manœuvre militaire à Mouila en novembre 2011, un officier fut porté disparu, puis trouvé mort. L’affaire assombrit le ciel de Léon Nzouba, et les Tsogo du 1er arrondissement de Mouila crièrent à l’intrigue, à un moyen pour d’autres communautés, notamment Punus, plus bagarreuses, de barrer le chemin à un des leurs. Recalé aux dernières élections législatives, l’ancien ministre s’est signalé en début d’année, en inaugurant sa polyclinique «Matho’o» à Mouila.

Regroupés dans la capitale ninoise, dans les Cantons Dikoka, Ogoulou, au 2ème siège de Mimongo, jusqu’au district d’Etéké, 2ème siège de Tsamba Magotsi (Ikobé), les populations tsogo ou mintsogo sont surtout caractérisées par leur comportement assez rangé. Un de leurs natifs explique ce caractère ethnosociologique comme le fait de leur mémorable héritage initiatique. Selon lui, les Tsogo sont fortement marqués et plombés par le«serment» prononcé dans leurs cercles initiatiques, Bwiti principalement. Ils sont de ce fait moins enclins à la trahison et sont beaucoup plus fidèles dans leurs engagements. Et de regretter que ce trait de caractère finisse par être considéré comme un manque de courage. Ce qui ne traduit pas la réalité, affirme-t-il.

Au-delà de la Ngounié

Au-delà de la Ngounié, dont Mouila, Fougamou, etc., les Tsogo constituent une très forte communauté, de laquelle se rattachent les grandes familles Galoa du Moyen-Ogooué. Dans l’Ogooué-Maritime, ils peuplent actuellement le 4ème arrondissement de Port-Gentil, qu’ils investirent, il y a des décennies, en tant que population ouvrière. Au niveau intellectuel, ces Gabonais comptent des médecins, des enseignants, des cadres d’administrations, mais sont assez mal représentés politiquement, se plaignent-ils.

Du temps de Léon Mba, le Tsogo Augustin Mogangue était compté comme un fidèle collaborateur. Sous Ali Bongo, Eloi Nzondo s’illustra dans le même sens. Ministre, puis gouverneur de la province du Haut-Ogooué, il demeure, depuis mars 2020, secrétaire général adjoint 2 du Parti démocratique gabonais, chargé des Relations avec les partenaires politiques et associatifs, et de la veille de l’environnement politique. Un autre, Hamidou Okaba, actuellement secrétaire général de la Confédération patronale gabonaise, fut coreligionnaire de Rose Ossouka Raponda à l’Institut de l’Economie et des Finances. Expert en gestion des entreprises et des affaires commerciales et spécialiste en analyses macroéconomiques et programmations financières, il occupa le poste de directeur général de l’Economie et de la Fiscalité, de responsable des projets au PNUD et de secrétaire général adjoint du Ministère de l’Economie.

Il est bien réel que le pays se caractérise par une gestion absurde mais surtout ethnocentriste des ressources humaines. Et, lors même que les compatriotes d’une telle communauté possèdent la carte du parti au pouvoir, pourquoi reste-t-il exclus de la décision ?  Du temps d’Omar, les équilibres se réglaient à travers la mise en œuvre du concept de géopolitique. Actuellement, qu’est-ce qu’on applique et comment garantir une véritable représentativité nationale ?

 
GR
 

6 Commentaires

  1. Très bel article, mais il n’en demeure pas moins que que plusieurs groupes ethnique sont dans la même trappe. A l’instar des:
    – Apindji
    – Akèlè
    – Pouvi
    – Mahongwe etc..
    Pour ne cité que cela..

  2. diogene dit :

    Étranges propos qui valide l’éthicisme, alors que le pouvoir s’entoure de larbins corrompus, soyez rassurés les Tsoghos comme les autres savent se défendre et pour certains participent à la curie pdgiste !

    Et les autochtones, les pygmées, combien de ministres ? On s’en fout !

    Seuls les réactionnaires fascisant s’inquiètent des origines plutôt que de compétences…

  3. Paul Bismuth dit :

    Certains fatiguent avec leur géopolitique. Il n’y a pas de route dans le pays ; les populations vivent entassées dans des bidonvilles ; l’éducation est à terre et le chômage atteint des records. Cependant ce qui semblent intéresser certains c’est d’avoir un sous-préfet issu de leur ethnie ?! C’est absurde.

    Le concept de « géopolitique » est obsolète. L’accent doit être placé sur la vraie méritocratie. Et de toute façon il y a tellement d’ethnies dans ce pays qu’on ne peut garantir une représentativité à tous. Sauf peut-être à créer des circonscriptions et des postes à la nécessité douteuse. Mais ça on n’en a vraiment pas besoin.

  4. romuald dit :

    bjr faites attention quand vs parlez d ethnie

    merci

  5. Fille dit :

    « Les Tsogo : une communauté politiquement déclassée ? »
    poste par Anne-Sophie Laborieux / 29 juin, 2021

    Dommage Madame Laborieux de vouloir nous ramener à ça. Comme l’ont souligné mes compatriotes plus haut, tous les gabonais sont plus ou moins touchés par ce problème d’ethnisme et nous voulons en sortir. Pas besoin d’en rajouter. De la compétence, des hommes qu’il faut à l’endroit qu’il faut et c’en sera fini de tout ce terre à terre. Hier les Fang, aujourd’hui les Tsogo, et demain vous parlerez de quelle ethnie ? Pour aboutir à quoi ? A la révolte des uns contre les autres ? Le Rwanda est encore dans nos mémoires et cela commença par de petites insinuations propagées dans la masse. Restons vigilants.

  6. Le Patriote dit :

    Bon article et commentaires pertinents ! Le tribalisme et l’exclusion n’ont jamais développé un pays. Dans les théories du développement intégré, tous les groupes sociaux et toutes les ethnies doivent participer au développement du pays. Autrement dit, il faut attribuer des postes à responsabilités à tous les Gabonais en tenant compte, d’une part, de la géopolitique et, d’autre part, de la méritocratie puisque dans chaque ethnie du Gabon, il y a des talents. Le Gabon ce n’est pas seulement le Haut-Ogooué. Les Altogovéens deviennent tellement gourmands qu’ils ne laissent plus de place aux ressortissants des autres provinces. Attention,Attention, Attention. Cette façon de faire conduit à l’impasse. A bon entendeu, Salut !

Poster un commentaire