Autant les pays africains sont différents les uns des autres, autant la cause écologique ne peut justifier le laxisme en matière de gouvernance politique.

Vis-à-vis de chacun des partenaires africains de son pays, Emmanuel Macron doit adopter une attitude similaire à celle affichée face aux Asiatiques ou aux Sud-américains. Personne ne l’imagine évoquer une «politique asiatique de la France». En revanche, on le voit bien parler de «coopération avec le Viêt-Nam» ou de «partenariat avec l’Arabie saoudite». © Montage Gabonreview

 

Comme sa «stratégie de la France en Afrique», la présence d’Emmanuel Macron au One Forest Summit passe très mal. Souverainistes ou internationalistes, activistes pro-démocratie ou défenseurs des droits humains, militants écologistes ou employés du secteur forestier, nombre d’observateurs n’ont de cesse d’exprimer leurs réserves. Sur tous les tons et par des canaux divers, ils disent leur désapprobation. N’ayant «aucune nostalgie vis-à-vis de la Françafrique», ils goûtent peu à l’idée de relations entre un pays et un continent, recommandant de «commencer d’abord par changer les éléments de langage».  S’ils comprennent l’urgence à «avancer sur l’action climatique et la préservation de la biodiversité», ils ne sont nullement convaincus par le narratif sur un Gabon «en première ligne», ayant «adopté un modèle économique alliant développement industriel et gestion durable de ses ressource naturelles».

Scandales de corruption documentés par l’AFD

Lundi dernier, Emmanuel Macron s’est engagé à soutenir «la démocratie et la liberté», jurant être disposé à parler «à tout le monde, y compris aux opposants politiques». Dans le même temps, il a affirmé vouloir «bâtir, poursuivre, renforcer» les intérêts ou amitiés de la France. Pour ce faire, il s’est dit prêt à apporter ses réponses aux «défis du continent africain», notamment sur «la question climatique et biodiversité et les forêts». En l’écoutant, certains ont failli s’étrangler. D’autres ont crié au déni de réalité. Il s’en est trouvé pour dénoncer des relents colonialistes. Pourquoi ?  D’abord du fait de sa propension à parler de l’Afrique comme s’il en était le super-président ou le tuteur. Ensuite en raison de sa surdité aux observations sur les violations des droits humains et dénis de démocratie. Enfin à cause d’une absence criarde de transparence dans la gestion du massif forestier gabonais, comme en témoignent les scandales de corruption largement documentés par l’Agence française de développement (AFD).

Le président français ne peut continuer à parler de l’Afrique comme s’il s’agissait d’un pays. Il ne peut faire comme s’il ignorait tout de la réalité politique du Gabon. Il ne peut agir comme s’il ne savait rien de la gestion calamiteuse des ressources issues de l’échange dette-nature passé en 2008 entre Nicolas Sarkozy et Omar Bongo Ondimba. S’il avait voulu quitter «le confort des grilles de lecture du passé», il aurait pris l’une ou l’autre de ces options : soit il se serait adressé à chaque pays séparément soit il aurait agi en direction des organismes sous-régionaux sous le couvert de l’Union européenne. S’il préférait «les institutions solides aux hommes providentiels», son déplacement aurait été conditionné par un «jugement circonstancié» de la présidentielle d’août 2016. S’il avait à cœur de lutter contre «la pression du changement climatique et de ses effets», il aurait exigé un audit du fonds de conversion de dette. Au-delà, il aurait pu suggérer une réorientation de ses activités vers la lutte contre l’érosion côtière, Port-Gentil étant menacée de submersion marine.

Calculs faussement géopolitiques et discours convenus

Pour «ne pas réduire l’Afrique à un terrain de compétition ou de rente», Emmanuel Macron aurait gagné à considérer chaque pays africain comme un partenaire autonome et à part entière. Pour s’autoriser à affirmer «que les putschs militaires ne seront jamais des alternances démocratiques», il aurait dû se garder de s’acoquiner avec des champions en putschs électoraux ou avec des personnalités en délicatesse avec les valeurs démocratiques. Pour bâtir un «agenda sur les questions climatiques», il aurait été mieux inspiré de s’appuyer sur les outils existants, notamment le Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo (PFBC), la France devant en assurer la facilitation à compter de juillet 2023. L’ignorait-il ? Nul ne peut le croire. Du coup, il peut difficilement convaincre de sa volonté de rupture.

Autant les pays africains sont différents les uns des autres, autant la cause écologique ne peut justifier le laxisme en matière de gouvernance politique. Pour son pays comme pour la postérité, le président français ferait œuvre utile en y réfléchissant, loin des calculs faussement géopolitiques et des discours convenus. Vis-à-vis de chacun des partenaires africains de son pays, il doit adopter une attitude similaire à celle affichée face aux Asiatiques ou aux Sud-américains. Personne ne l’imagine évoquer une «politique asiatique de la France». En revanche, on le voit bien parler de «coopération avec le Viêt-Nam» ou de «partenariat avec l’Arabie saoudite». Dans la recherche de solutions à la crise climatique, il doit mettre en avant trois exigences : légalité, véracité scientifique et efficacité économique. Ainsi plus personne ne lui demandera : « À quand l’entrée dans le nouveau monde» ?

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GR
 

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