N’en déplaise aux porte-parole autoproclamés des Mpongwè, le Premier ministre n’est pas choisi au sein d’une communauté ethnique. Il est choisi au sein de la majorité parlementaire, plus précisément au sein du parti majoritaire au Parlement.

Le Premier ministre n’est pas l’émanation d’une communauté ethnique. Choisi au sein de la majorité parlementaire, plus précisément au sein du parti majoritaire au Parlement, il peut être parlementaire, élu local ou réputé pour sa technicité. © Gabonreview

 

La République peut-elle s’accommoder de revendications identitaires ? Le vivre ensemble peut-il s’adapter aux considérations ethniques ? L’Etat peut-il se renforcer dans la défense d’intérêts particuliers ? Depuis la publication des «remerciements de la communauté Mpongwè (au) président de la République (…) suite à la nomination en qualité de Premier ministre (…) de Rose Christiane Ossouka Raponda», ces questions reviennent en boucle. Beaucoup y voient la survivance d’une pratique décriée : la «géopolitique.» En vigueur tout au long de la sombre période du parti unique, cette conception de la politique a déjà fait la preuve de sa nocivité. Pourtant, elle guide encore la réflexion de certains. Prétendant agir au nom d’une communauté ethnique, quelques grands commis de l’Etat se sont crus obligés d’exprimer leur «gratitude (au) président de la République (et) à la Première dame.» Tout simplement troublant….

Mélange des genres

«La République au village», raillent les internautes. «Les choses de la honte», ajoutent-ils. Pour eux, cette initiative va à contre-courant de l’histoire. S’ils la décrivent comme une atteinte à notre vivre-ensemble, ils se refusent à la comprendre ou à y souscrire. En leur entendement, de telles pratiques ne devraient plus avoir cours. C’est dire si tout cela leur rappelle une époque de peu glorieuse mémoire. C’est aussi dire si ces méthodes contribuent à creuser le fossé entre le peuple et les institutions. Les initiateurs de cette motion ont-ils mesuré la portée de leur acte ? Avaient-ils besoin de s’exprimer au nom d’une communauté ethnique ? Ne pouvaient-ils pas le faire en leurs noms propres ? Et pourquoi mêler la Première dame à une décision relevant du pouvoir discrétionnaire du président de la République ? N’est-ce pas une manière implicite de conforter les rumeurs sur le rôle supposée de Sylvia Bongo ?

Si elle ne révélait une conception hérétique de la République, cette initiative donnerait lieu à des railleries. N’en déplaise aux porte-parole autoproclamés des Mpongwè, le Premier ministre n’est pas l’émanation d’une communauté ethnique. Choisi au sein de la majorité parlementaire, plus précisément au sein du parti majoritaire au Parlement, il peut être parlementaire, élu local ou réputé pour sa technicité. Responsable devant le président de la République et l’Assemblée nationale, il ne rend compte à personne d’autre. Ni son groupe ethnique ni son territoire d’origine ne peuvent lui demander des comptes. D’un point de vue hiérarchique ou fonctionnel, rien ne le lie à l’épouse du président de la République. Rattacher le choix d’un Premier ministre à son appartenance ethnique c’est rompre avec la République. Le lier à l’action de l’épouse du président de la République revient à consacrer le mélange des genres.

Zèle inopportun

Peu importent leurs motivations, les signataires de cette motion se sont affranchis des principes républicains. Ils ont, tout autant, laissé croire en une mainmise de Sylvia Bongo dans la conduite des affaires de l’Etat. Or le Premier ministre est la deuxième personnalité de l’Etat. Chargé de conduire «la politique de la nation sous l’autorité du président de la République», il est au service de toutes les ethnies et de toutes les provinces. En aucun cas, il ne peut être considéré comme le représentant d’une communauté ethnique. Respectivement général à la retraite, ancien maire de Libreville et inspecteur général des Finances, Jacques Igoho, Alexandre Ayo Barro et Louis Aléka Rybert ne le savaient-ils pas ? Nul ne peut le soutenir. Ne mesuraient-ils pas la portée de leur initiative ? Personne ne peut le croire. Pourquoi se sont-ils laissés aller à une telle légèreté ? Il leur appartient de répondre.

Sans doute pour prévenir toute polémique, les porte-parole autoproclamés des Mpongwè ont dit constater et s’associer «à l’expression de fierté des autres filles et fils de l’Estuaire et du Gabon tout entier.» N’empêche, on aimerait leur demander si les «autres filles et fils de l’Estuaire et du Gabon tout entier» ne sont pas assez mâtures pour s’exprimer eux-mêmes. On aurait aussi envie de les inviter à apporter des précisions sur le lieu, le moment et le canal d’expression de cette «fierté» supposée. Même s’ils se félicitent de la «fidélité, (de la) loyauté et (du) dévouement (…) d’une dame (…) portée par le sens du bien collectif», ils viennent de réduire le choix de Rose Christiane Ossouka Raponda à des considérations communautaires, cosmétiques et de genre. Effet pervers d’un zèle inopportun…

 
GR
 

24 Commentaires

  1. medzomekoure dit :

    Heureusement finalement que M. Jean Ping n’a pas pris le pouvoir, on ne serait tous entendus traités d' »anongoma »Ces compatriotes n’ont même pas réfléchi un seul instant, avaient-ils besoin de se fendre de telles déclarations au moment où tous les gabonais dénoncent la confiscation du pouvoir par une province. Un pays de m…de on vous dit.

    • Gayo dit :

      Ou est le rapport entre ces mentalités d’esclaves promus et encouragées par le régime Bongo et le pedegisme et le président Jean Ping, un républicain qui certainement pas n’a pas l’intention de diriger le Gabon avec ses enfants et sa femme comme les Bongo?

      • medzomekoure dit :

        Il y a bien un rapport cher compatriote, les Mpongwés que je sache font partie du groupe générique Omyéné,qui d’ordinaire traitent les autres gabonais avec une certaine condescendance, d’où le terme « anongoma »qui signifierait « villageois »ou en tout cas quelqu’un d’une « civilisation éculée.M J. Ping appartient bien à ce groupe ethno-linguistique; au regard de la réaction de ces compatriotes alors que Mme Ossouka n’est que Premier Ministre, nous sommes en droit de penser que si le pouvoir suprême leur échoit, leur « repli identitaire » pourrait être exprimé avec plus de véhémence.Tout ceci pour dénoncer tout simplement des comportements d’une autre époque, je vous rassure, j’ai bien voté pour M.Jean Ping en 2016…

  2. Serge Makaya dit :

    Ne tombez pas dans le sale jeu de l’actuel pouvoir qui consiste à diviser pour mieux régner. A Ntare Nzame !! J’en sais quelque chose. Si nous nous divisons, ce régime pourri sera content: diviser pour mieux régner, c’est la leur force.

    Moi je continue à appeler au RASSEMBLEMENT d’y peuple gabonais pour mettre FIN à ce régime usurpateur et sanguinaire.

  3. Afrika Obota dit :

    Ce groupe ne représente que lui-même, ils ne sont mandatés par personne. Souvenez-vous en 1976 Mr Massard Cabinda est allé proposer une somme de 10 millions au chef de la confrérie Mpongwè afin qu’il adoube Ali Bongo. L’opération s’est soldée par un échec. Avant d’être candidat, Jean Ping a fait le tour du Gabon profond, nous devons prendre exemple sur lui. Nous appartenons à un pays que nous devons développer, nous appartenons à un continent, berceau de l’humanité, qui doit retrouver la place qui lui revient. Les histoires de communauté sont de l’ordre de l’intime, et ne doivent pas apparaître dans la sphère publique. Honte à ce groupe de mendiants qui se sont trompés d’époque. Vive le Gabon uni.

  4. Serge Makaya dit :

    Récemment, je vous faisais savoir que les Bongo n’existent plus dans ce régime. Ali Bongo est mort. Sylvia et Nourredine Valentin qui commandent actuellement le Gabon (certainement avec le soutien du Quai d’Orsay et du Maroc) ne sont pas des gabonais. Et ils n’en ont que FOUTRE de nos problèmes. C’est d’abord leurs intérêt (ceux de la France et du Maroc aussi) qui passent avant le bien du peuple gabonais. Nous, peuple gabonais, ils ne nous donnerons que les miettes de nos richesses, ce qui est inadmissible.

    Que ce soit les Valentin ( Sylvia et Nourredine) ou les français installés au Gabon, voir même les marocains, ils n’en ont que FOUTRE de nous (peuple gabonais). J’irai même jusqu’à affirmer que leur GRANDE JOIE serait une guerre entre nous (ethnies du Gabon). Ce serait une aubaine pour eux: diviser pour mieux régner.

    Concentrons nous. Restons SOLIDAIRES. C’est pourquoi j’appelle ces hommes et femmes politiques de tous bords à s’unir pour CHASSER l’imposteur Ali Bongo ( bel et bien décédé à Riyad en octobre 2018) représenté aujourd’hui par Sylvia et Nourredine Bongo-Valentin (soutenus par le Quai d’Orsay et le Maroc).

    RÉVEILLONS-NOUS PEUPLE GABONAIS. C’EST NOTRE SEULE PATRIE. LIBERONS NOTRE PAYS POUR LA PLUS GRANDE JOIE DE NOS ENFANTS ET PETITS ENFANTS.

  5. Serge Makaya dit :

    Proposition: Est-ce que le vainqueur de la présidentielle de 1993 (le Père Paul Mba Abessole) et le vainqueur de la présidentielle de 2016 (Jean Ping Okoka) peuvent se retrouver pour commencer à réfléchir à une sortie de crise ?

    Je sais que ce régime pourri, usurpateur, voleur et sanguinaire (et avec lui, le Quai d’Orsay et le roitelet du Maroc) ne sera pas heureux d’une telle rencontre. Mais il faut quand même faire bouger les choses. On ne peut plus continuer à vivre comme si tout était normal. Ce n’est plus possible de vivre ainsi. Nous savons que ce régime aimerait faire durer le suspense pour pouvoir arriver jusqu’en 2023 pour nous imposer, dans une nouvelle mascarade électorale, leur candidat avec la bénédiction de la France et du Maroc. Et à ce scénario diabolique, nous disons NON.

  6. diogene dit :

    Certains gabonais ont besoin de se sentir esclaves, peur de la liberté, espoir de prébendes, abdication de la dignité, etc…

    Ce groupe signifie seulement son allégeance au Parti des Dégénérés Grotesques.

  7. Un Mpongwe dit :

    Bonjour,
    Je tenais à faire savoir que tous les Mpongwes ne doivent pas être mis dans le même panier. Moi je suis aussi Mpongwe et je suis contre ce genre de courrier stupide. Et je suis un dur opposant à ce régime des Bongo. Je regrette même que ma sœur Ossouka Raponda ait accepté ce poste quand nous cherchons à faire tomber ce régime qui fait tant de mal au peuple gabonais.

    Et pour moi aussi, Ali Bongo est bien mort depuis octobre 2018. Je ne comprend pas comment ceux qui sont à ce gouvernement acceptent de jouer à cette mascarade. C’est inadmissible et ridicule.

    • Fille dit :

      « Et pour moi aussi, Ali Bongo est bien mort depuis octobre 2018. Je ne comprend pas comment ceux qui sont à ce gouvernement acceptent de jouer à cette mascarade »

      Mes chers compatriotes, il est difficile de croire à cette affirmation qui courre qui courre et dont les opposants ne disent rien. Ne pensez-vous pas que si cela était avéré ou même franchement soupçonné, l’opposition gabonaise qui a gagné les élections de 2016 serait montée au créneau ? Est-ce à dire qu’ils savent et sont sommés de se taire ? Dans ce cas, ils sont coupables par leur silence. C’est à eux de dire les choses aux gabonais. Le contraire signifierait simplement que les seuls dindons de la farce sont nous autres qui rêvons d’une d’un état de droit et de démocratie au Gabon. Répondez à cette simple question : pourquoi donc l’opposition se tairait si Ali Bongo était mort ?

  8. Leros Akagah dit :

    Pourquoi quand ce sont les autres ethni qui font cela, personne n’ouvre la bouche
    C’est vraiment pitoyable.quand ce sont les fang ou autre.cest bien.esque esque c’est ce qui est important . vraiment tant que l’on ne réglera pas les pb qu’il ya entre nous il n’y aura jamais de Gabon d’abord.

    • Biswe dit :

      Monsieur Akagha,
      L’art du contre-pied ou du hors sujet on dirait… Est ce bien ou pas pour notre vivre ensemble, n’est ce pas là la question que vous devriez vous poser au lieu de nous ramener à des considérations de cette nature? Les gabonais ne veulent plus de ça sur la place publique en tous cas et c’est ce qui est unanimement affirmé ici, que les fangs, Bakota, et les myenes l’ait fait les uns à la suite des autres. Bien à vous!

  9. Afrika Obota dit :

    Cher Medzomekoure votre intervention me touche, mais sachez que nous sommes tous un « onongoma » de quelqu’un. Quand vous débarquez dans un pays de blancs qui n’ont jamais vu un noir de près, ils vont vous trouver bizarre, mais quand les deux parties vont apprendre à se connaître, les préjugés du départ auront fait pschiiit. Vous vous exprimez en 2020 comme si nous étions en 1960. Nous sommes tous des métis, nous sommes le fruit d’un mélange avec l’autre, le brassage des cultures et des traditions est bénéfique. Je suis gabonais, de tradition Miènè, j’apprends à parler Fang,Punu, Ndzébi et Bahama. Ambula wè?

    • medzomekoure dit :

      Je perçois clairement à travers votre post qui vous êtes, vous semblez me reprocher à moi le fait de dénoncer les discriminations que nous nous faisons entre nous,sauf que ces compatriotes qui ont remercié M.Ali Bongo d’avoir promu leur fille, sœur ou nièce ,c’est selon, l’ont fait en 2020, pas en 1960!!!je n’ai rien contre-eux, au contraire je souhaite qu’ils comprennent que ce genre d’initiative est contre productive, on n’est ^pas nommé à ce niveau de responsabilité comme représentant une communauté ethno-linguistique, mais bien pour servir le pays dans sa diversité, et surtout faire face aux défis de l’heure:la confiscation des libertés individuelles et collectives, la paupérisation de nos populations, le chômage des jeunes, les problèmes de l’éducation, les difficultés économiques, la crise sanitaire etc…la liste n’est évidemment pas exhaustive, donc vous voyez que le Premier Ministre a fort à faire et si ses parents veulent l’aider, la première chose serait de se faire discrets, plutôt qu’un appel du pied pour des promotions familiales…

  10. Serge Makaya dit :

    Ne faisons pas semblant de cacher le tribalisme. C’est une réalité bien présente au Gabon et dans beaucoup de pays d’Afrique. Et c’est à combattre.

    Et ne donnons pas l’occasion à ces VOYOUS qui sont au pouvoir de façon malhonnête de nous diviser pour mieux régner. Car c’est bien cela leur stratégie.

    NB: Ali Bongo n’était pas gabonais. Sylvia et Nourredine Bongo non plus.

  11. Afrika Obota dit :

    Merci beaucoup à vous Mr Medzomekoure. Des personnes comme vous me poussent à garder confiance, surtout ne changez pas, nous arriverons à imposer les valeurs qui élèvent l’humain, et de les transmettre à nos cadets des deux sexes. La tâche est immense mais nous y parviendrons.

  12. Desouza dit :

    C’est pas béninoise, elle?
    Comme quoi, un béninois (Acrombessi Nkani) peut en cacher une autre.
    Le Benin est vraiment décidé à nous le faire dur!

    • Giap EFFAYONG dit :

      @Desouza,
      Je comprends parfaitement votre incrédulité concernant l’ascendance purement gabonaise de madame Ossouka Raponda.C’est une gabonaise certes,mais il est de notoriété publique dans notre pays que c’est au sein de la communauté Mpongwé qu’on retrouve la majorité des bénino-gabonais(es).J’ai observé la même attitude en RDC chez les femmes de la province du Congo Centrale(Bas-Congo).En effet,c’est dans cette communauté qu’on rencontre des congolais d’ascendance étrangère contrairement aux autres régions de ce pays.

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