Avant de laisser Marie-Madeleine Mborantsuo s’afficher à ses côtés, Brice Clotaire Oligui Nguéma ne s’est pas posé certaines questions. Les Gabonais n’ont pas attendu pour dire leur désapprobation.

L’élévation de Marie-Madeleine Mborantsuo à la dignité de «présidente honoraire» s’explique difficilement. Les Gabonais clament sa responsabilité dans la systématisation du trucage électoral, la manipulation des lois, la faillite des institutions et la rupture des liens sociaux. © Montage GabonReview

 

Cette image a fait l’effet d’une bombe, délivrant un message dévastateur. On y voit le président de la Transition deviser avec l’ex-inamovible et toute-puissante présidente de la Cour constitutionnelle, désormais auréolée du titre de… «présidente honoraire de la Cour constitutionnelle». S’agit-il de la Cour constitutionnelle de la Transition ? Ou de celle dissoute dans la nuit du 30 août 2023, au moment de la prise du pouvoir par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) ? Mystère et boule de gomme… Est-ce le témoignage de la reconnaissance par le CTRI de la «notoriété» de Marie-Madeleine Mborantsuo ? Ou une marque de gratitude pour services rendus voire pour la qualité de son travail tout au long de ses 32 ans à la tête de cette juridiction ? Là aussi on nage dans l’incompréhension.

Continuité ou rupture ?

Avant de laisser Marie-Madeleine Mborantsuo s’afficher à ses côtés, Brice Clotaire Oligui Nguéma ne s’est pas posé certaines questions. Il avait sans doute à cœur d’envoyer un message de tolérance, d’attester d’un certain sens de l’écoute ou d’apporter une preuve de sa disposition d’esprit à travailler avec tout le monde. En la portant à la dignité de «présidente honoraire», le président de la Transition ne s’est pas non plus interrogé sur la portée de cette décision. De toute évidence, il s’est plié à une disposition juridique, en l’occurrence l’article 15b-3 nouveau de la loi organique n° 004/2018. Mais, il revenait aux membres de la Cour constitutionnelle de la Transition de tirer la sonnette d’alarme en pointant les implications d’un tel acte. Il leur revenait aussi d’en apprécier l’impact du point de vue de l’image et de la lisibilité de l’action du CTRI.

Au lendemain de l’audience de rentrée de la Cour constitutionnelle de la Transition, deux questions se font écho. La juridiction constitutionnelle de transition s’inscrit-elle dans la continuité de celle naguère dirigée par Marie-Madeleine Mborantsuo  ou dans la rupture avec celle-ci ? Accepte-t-elle d’en endosser le bilan ? Ayant reconnu être bénéficiaire d’une «prise de pouvoir par des moyens extra-constitutionnels», Dieudonné Aba’a Owono gagnerait à se poser ces questions et à agir en conséquence. S’étant posé en héraut du «dialogue des institutions de la Transition», il ferait œuvre utile en les invitant à réfléchir à la signification d’une rupture de l’ordre constitutionnel, y compris dans le rapport aux ténors de l’ordre ancien. Après tout, le 30 août 2023, le CTRI avait dénoncé «une gouvernance irresponsable, imprévisible». Dès lors, l’élévation de Marie-Madeleine Mborantsuo à la dignité de «présidente honoraire»  s’explique difficilement.

Consciences morales de la Transition ?

Les Gabonais n’ont d’ailleurs pas attendu pour dire leur désapprobation. Revisitant l’histoire, ils ont mis en lumière la responsabilité de Marie-Madeleine Mborantsuo dans la systématisation du trucage électoral, la manipulation des lois, la faillite des institutions et la rupture des liens sociaux. Validation des résultats fantaisistes des présidentielles de 1993, 1998, 2009 et 2016 ; dissolution de l’Assemblée nationale en avril 2018 assortie du renvoi du gouvernement et de l’érection du Sénat en Parlement monocaméral ; triturage de la Constitution en novembre 2018 afin d’y introduire la notion d’«indisponibilité temporaire» et éviter de constater la vacance du pouvoir ; rejet, en août 2023, des requêtes en annulation du décret instituant le fameux «bulletin unique». Destinées à protéger le régime déchu, ces décisions ont facilité la concussion, le faux et usage de faux, la contrefaçon des sceaux de la République et d’imprimés officiels, la falsification de la signature du chef de l’Etat, l’usurpation de titres et de fonctions. À la fin des fins, elles ont contribué à la «dégradation de la cohésion sociale».

Comme Sylvia Bongo Ondimba, Noureddin Bongo Valentin est actuellement en détention préventive. Comme elle, il est accusé de certains de ces faits. Un jour ou l’autre, leurs procès s’ouvriront. Tôt ou tard, l’un et l’autre devront se mettre à table. Ils devront alors dire comment et par quel mécanisme se sont-ils arrogés autant de pouvoirs durant les «cinq années d’absence» d’Ali Bongo. Dans une telle hypothèse, de nombreuses personnalités et institutions seraient concernées, invitées à livrer leur part de vérité. Au nombre de celles-ci, Marie-Madeleine Mborantsuo et la Cour constitutionnelle dissoute, longtemps affublée du rôle d’«organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics».  Pour ne pas parasiter le travail de la justice, il convient, dès lors, de ne pas élever des témoins putatifs à une certaine dignité ou d’en faire des consciences morales de la Transition. À l’inverse, il faut faire attention au maniement des symboles.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Nathan Dzime dit :

    Loin de moi l’idée de dénigrer les efforts et autres atouts des uns et des autres, mais il est tout de même temps d’interroger les expériences de certains promus, mises en avant pour justifier leurs promotions.

    En effet, à ce qu’il nous semble que ce sont les parcours plutôt que les réalisations, que l’on nous sert. Dans une fonction publique qui a totalement failli (avec tous les maux qui ont justifié l’intervention des militaire), et où les carrières se bâtissent sur la base du « larbinisme » et autres appartenance à tel ou tel groupe (clanique, ésotérique…) et la participation plus ou active aux excavations de budgets de le République; plutôt que sur les réalisations concrètes. Alors, de quelle expérience nous parle-t-on?

    Le cas de MMM est symptomatique de mon propos; en clair, nous parlons d’elle, mais combien n’étaient pas aussi haut placés, mais qui ont participé à détruire le pays; et qui se retrouvent pourtant à nouveau au pinacle (entrain de se moquer de nous)du nouveau pouvoir? Ils sont nombreux!

    Il y a un concept que l’on nomme « la résistance au changement ». Une pratique qui vous est devenue presque génétique tant vous l’avez faite toute votre vie, ce n’est pas au soir de votre vie que vous allez profondément la changer. C’est faux, et c’est normal. Donc l’inclusion oui, mais ceux qui ont mis ce pays au tréfonds du ridicule, par des lois bancales et autres abus de toutes sortes, ne peuvent guère nous « donner » les institutions fortes que nous cherchons à cor et à cri. Ils ne connaissent que la personnalisation du pouvoir…d’ailleurs, ça a déjà commencé par la « moïsification » et autre « messification » du président de la République, Chef de l’Etat. C’est faire preuve d’une candeur inquiétante, de croire qu’ils vont changer tout leur être en moins de deux ans!

    Patriotiquement Vôtre !

  2. Nathan Dzime dit :

    Je le re-écris en termes plus simple. Ne confondons pas Parcours linéaire et expérience; ne mélangeons pas non plus Expérience et Réalisations.

    On nous nomme et élève des soi-disants hommes et femmes d’expériences comme nos anciens-nouveaux représentants. Mais au fait qu’elle est le résultat de cette expérience mise en avant dans les administrations? Une Administration gangrenée par le clanisme, le « larbinisme », la corruption, les privilèges indus…

    Svp ne nous faites pas ça…n’attendons pas de mourir pour regretter de ne s’être pas donné plus pour la Prospérité commune.

    Trouvez-nous d’autres paramètres plus qualifiants de la valeur d’un fonctionnaire, basés sur ses réalisations, plutôt que sur son parcours de « lêche-botiste », on s’en portera mieux.

    Patriotiquement Vôtre !

  3. moueligeorge dit :

    meme apres un coup de son nom, ca ne sent toujours pas bien au Gabon… quel perte de temps dans ce petit pays d’un million et demi d’habitant…. Mbourantsouo pourquoi n’est-elle pas en priosn Mr Oligui?????????????????????????????????????et puis vous n’etes pas President, enfin Pas elu democratiquement quoi!!! apres avoir trahi le Gabon et ses institutions… meme l’aveugle peut voir ceci avec son coeur et juger avec son coeur cette femme, qui n’honore pas sa Mere Patrie.

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