Le vaudeville en cours résulte d’une erreur de diagnostic de la part de la France, des Nations-unies et d’Alassane Ouattara lui-même. Au lieu de faire de la réconciliation nationale leur priorité, ils ont parié sur l’économie.

L’entêtement d’Alassane Ouattara a froissé ses mentors. Passant outre les conseils de son homologue français, il a déroulé son agenda. Se moquant des inquiétudes du secrétaire général des Nations-unies, il a choisi de passer en force. © Reuters/Luc Gnago/Montage Gabonreview

 

Présentée comme un technocrate de haut vol, Alassane Ouattara a longtemps été décrit comme un homme aux manières policées. Premier ministre, il mît en œuvre une politique dictée par les bailleurs de fonds. A la mort de Félix Houphouët-Boigny, il donna sa démission deux jours plus tard, permettant une succession constitutionnelle. Héritier d’une situation difficile à son arrivée au pouvoir, il achève son deuxième mandat sur un bilan respectable : croissance continue de l’économie, relance du secteur agricole, redynamisation du secteur minier et, modernisation des infrastructures. C’est dire si les événements de ces derniers mois ne lui ressemblent guère a priori.

Désespérant et surréaliste

Le président sortant de Côte d’Ivoire en a conscience : sa candidature à un troisième mandat brouille son image. Plus prosaïquement, son entêtement a froissé ses mentors. Passant outre les conseils de son homologue français, il a déroulé son agenda. Se moquant des inquiétudes du secrétaire général des Nations-unies, il a choisi de passer en force. Soulignant le primat des relations personnelles, tout cela met en lumière une mauvaise compréhension des situations. Pour la communauté internationale, il y a quelque chose de désespérant à voir un ancien directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI) lui demander d’«arrêter d’imposer des normes de l’Occident aux Africains.» Pour l’ancien chouchou de la communauté internationale, il y a quelque chose de surréaliste à se réfugier derrière un prétendu relativisme culturel pour justifier une candidature controversée.

Même s’ils ne le feront jamais publiquement, la France, les Nations-unies et Alassane Ouattara lui-même doivent prendre acte de cet échec partagé. Ayant commis une erreur de diagnostic, ils ont administré un traitement peu adapté. Au lieu de faire de la réconciliation nationale leur priorité, ils ont parié sur l’économie. N’ayant pas documenté la crise de 2010, ils ont facilité l’enracinement de la concurrence victimaire. N’ayant pas demandé à l’ensemble des protagonistes d’assumer leurs actes, ils ont encouragé une justice des vainqueurs, envoyant même Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI). N’ayant pas exigé une évaluation des bouleversements, ils ont laissé les liens sociaux se distendre et les frustrations s’installer. Pour couronner le tout, ils ont accompagné ou initié une réforme constitutionnelle contestée, donnant au pouvoir en place un chèque en blanc.

Homme providentiel

Pourtant depuis son arrivée au pouvoir, la gouvernance d’Alassane Ouattara est largement en deçà des exigences d’une situation post-crise. En 25 février 2013, Amnesty International accusait l’armée ivoirienne de mener des opérations de répression contre les militants et sympathisants du Front populaire ivoirien (FPI). Appelant à «briser le cycle des abus et de l’impunité», l’organisation non gouvernementale internationale dénonçait des «détentions arbitraires et des traitements inhumains ou dégradants.» Peine perdue. En mai 2017, une mutinerie se déclencha à Bouaké, obligeant le gouvernement à se soumettre aux revendications des militaires. Auparavant, précisément en octobre 2012, les Nations-unies accusaient des pro-Gbagbo de fomenter un complot depuis le Ghana. C’est dire si la communauté internationale a toujours eu conscience de la probabilité d’une rechute. C’est aussi dire si elle a eu un regard bienveillant sur le président sortant, lui passant tous ses caprices.

Malgré sa tendance à vanter les «acquis légués à une nation en reconstruction», le président sortant le sait : ce fragile équilibre politico-institutionnel tient à sa seule personne et à ses entrées dans certains cercles. D’où sa décision de briguer un autre mandat, le décès de son dauphin désigné étant à cet égard un simple prétexte. En repartant pour un tour, au moins peut-il espérer revenir en grâce auprès de ses alliés. Puis bénéficier d’un nouveau coup de pouce dans sa lutte contre ses adversaires de l’intérieur. La construction d’une Côte d’Ivoire de liberté et de justice ? Cet objectif peut attendre ! Pour ainsi dire, la situation actuelle résulte aussi d’une personnalisation des affaires publiques et des relations internationales. Réputé proche de Nicolas Sarkozy, des milieux d’affaires français et de la finance internationale, Alassane Ouattara a été porté à bout de bras près d’un quart de siècle durant. Pour de nombreux acteurs de l’ordre international, son arrivée au pouvoir était même devenue une affaire personnelle voire une question de vie ou de mort. Comment s’étonner ensuite de le voir sombrer dans le péché d’orgueil, se draper des oripeaux de l’homme providentiel et tenir un discours à prétention messianique ? A chacun de tirer les leçons du vaudeville en cours.

 
GR
 

11 Commentaires

  1. Serge Makaya dit :

    Vous qui écrivez cet article, faites vous exprès de ne pas comprendre ici le jeu du Quai d’Orsay ? Allassane Ouattara fait partie des fidèles valets du Quai d’Orsay. Voilà le genre d’homme que la France recherche actuellement au Gabon: si nous ne faisons rien pour éviter ça, ils vont nous imposer de nouveau un Bongo: Nourredine ou Junior.

  2. Bibang Serge dit :

    @Serge Makaya. Toujours en train de faire la publicité de tes patrons

    • Ondo dit :

      Alors, tu es aveugles. Vas vite voir un ophtalmologue. Comme rusé et hypocrites sur terre, il n’y en a pas deux : seuls les français. Nous en souffrons depuis toujours. Quand Nourredeine ou Junior deviendra président, ne dis pas que tu n’as pas été avertis. Ce sera trop tard pour toi. A moins que c’est toi qui joue ici à l’espion ou à l’hypocrite ?

    • Yvonne dit :

      Bibang Serge ne serait-il pas du système PDG-BONGO ?

      • Bibang Serge dit :

        @Yvonne. Ouvre les yeux. @Serge Makaya et beaucoup d’autre font une campagne subliminale pour les Bongo. Remarquez qu’ il en parle partout, y compris quand le sujet porte sur la Côte d’Ivoire. Son but est de placer les Bongo au centre de bus débats…. Voyez comment il pollue nos échanges sur cette article qui devait nous inciter à analyser la situation en Côte d’Ivoire

  3. Serge Makaya dit :

    C’est gentil à vous Mr « Bibang Serge » de m’attribuer tant d’avatars. Quel honneur pour Serge Makaya que je suis. J’ai désormais le don de bilocation. A Ntare Nzame !!! Portez-vous bien.

Poster un commentaire