L’élection de Joe Biden traduit la volonté des Américains de revenir à une gouvernance plus classique. Mais cet homme représentatif de l’élite traditionnelle, devra aller au-delà des valeurs de décence et de respect.

En choisissant comme colistière Kamala Harris, une femme métisse née d’un père noire venu de Jamaïque et d’une mère venue d’Inde, Joe Biden a envoyé un message aux minorités, se posant en homme d’ouverture et de rassemblement. © Getty Images/foreignpolicy.com

 

Ils avaient besoin d’apaisement. Ils nourrissaient le désir de calmer les tensions. Ils avaient envie de réduire les lignes de fractures sociales et raciales. Un vieux routier de la vie publique, sénateur pendant 32 ans, candidat aux primaires démocrates en 1988, vice-président entre 2008 et 2016, leur a donné le sentiment de pouvoir répondre à leurs attentes. Après quatre années sous la direction de l’anticonformiste Donald Trump, les Américains ont confié leur destin à un homme du sérail,  représentatif de l’élite traditionnelle. Proclamé président de la seule hyperpuissance, Joe Biden entrera en fonction en janvier prochain, au terme de deux mois de passation de charges entre son administration et celle de son prédécesseur.

Plus grand commun diviseur

Au vu des résultats des sénatoriales, Donald Trump est le seul et unique perdant de cette élection. Visiblement, sa personnalité lui a été fatale. Son tempérament volcanique et sa prétention à tout réinventer lui ont porté préjudice. Pour ainsi dire, sa défaite traduit la volonté des Américains de revenir à une gouvernance plus classique. Un peu à la manière d’un Nicolas Sarkozy en France, son côté clivant, ses outrances et transgressions ont fini par se retourner contre lui. Ayant semé le doute sur lui-même quatre années durant, il a donné à certains psychologues des raisons de le décrire comme un «narcissique malfaisant.» Certes, le désormais ancien président des États-Unis se présentera toujours comme une victime de l’establishment. Certes, il se prévaudra de n’avoir ni déclenché de conflit armé ni déployé de nouvelles troupes de par le monde. Mais son côté imprévisible n’a guère facilité la lisibilité de son engagement pour une Amérique moins interventionniste. En faisant de l’immigration un enjeu de sécurité, il a donné l’impression de discriminer certaines minorités ethniques ou religieuses.

En 2016, Donald Trump avait construit sa victoire sur la lutte contre l’immigration, le libre-échangisme et les élites. En raison du caractère hautement inflammable de ces thèmes, il aurait gagné à les manier avec délicatesse. Autrement dit, il aurait dû les aborder en tenant compte de la singulière histoire de son pays. N’ayant pas su enrober son discours, il est apparu comme le plus grand commun diviseur. N’ayant pas cherché à rassembler autour de ses objectifs, il a laissé les lignes de fractures s’élargir, remettant même au goût du jour le combat pour les droits civiques. A cet égard, l’émergence du mouvement Black lives matter est révélatrice des frustrations générées par son comportement. Pis, en le décrivant comme un «symbole de haine», il a quelque peu légitimé les thèses des suprémacistes blancs. De par son manque d’empathie, du fait de sa propension à se poser en homme spécial ou unique, en raison de sa certitude de disposer d’un pouvoir illimité, il a conféré pertinence et résonance aux récriminations de ses contempteurs.

Au-delà des valeurs de décence et respect

Même s’il n’a pas réussi à se poser en alternative évidente, Joe Biden a tiré bénéfice des errements de son adversaire. En choisissant comme colistière Kamala Harris, une femme métisse née d’un père noire venu de Jamaïque et d’une mère venue d’Inde, il a envoyé un message aux minorités, se posant en homme d’ouverture et de rassemblement. En arborant systématiquement un masque, il a indiqué prendre la crise du coronavirus au sérieux. Quand son adversaire étalait ses certitudes, s’entêtait dans le déni avant d’être rattrapé par la réalité, il a fait preuve de prudence et d’empathie pour les victimes de la covid-19. En s’efforçant de s’exprimer avec simplicité, il s’est attaqué à l’électorat de moyenne ou faible instruction. Or, quatre années auparavant, les gens moyennement ou peu diplômés avaient jeté leur dévolu sur… Donald Trump. Ayant reconduit la recette de 2016, le président sortant n’a pas vu le vent tourner. Refusant d’évaluer les dégâts de la crise sanitaire, il s’est enfermé dans une bulle, se coupant du pays.

Pour autant, la rupture tant annoncée n’a pas eu lieu. Ayant obtenu un peu plus de 70 millions de voix, Donald Trump a démontré une chose : de nombreux Américains ne croient plus ni aux élites, ni aux vertus de la mondialisation ni en la capacité des institutions de garantir leur mieux-être. Face à cela, le nouveau président US devra ruser. Pour rassembler son pays, mettre fin à l’unilatéralisme, réformer la fiscalité et s’attaquer à la question raciale, il devra aller au-delà des valeurs de décence et respect, fondement de sa campagne.  Contrairement à une interprétation entendue çà et là, la victoire de Joe Biden ne signifie pas un retour aux années Obama.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Serge Makaya dit :

    Qui n’est pas émigré ou fils d’émigré aux USA ? Les seuls autochtones de l’Amérique demeurent les indiens. Donc, s’en prendre aux immigrés aux USA, c’est ridicule. Aux USA, quand vous devenez président, respectez le melting-pot. C’est ça d’ailleurs la FORCE des USA. Et malheureusement beaucoup de RACISTES des USA ne comprennent toujours pas ça.

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