Pourquoi graver une disposition dans la loi si les uns s’arrangent pour la contourner sous le regard complice des autres ? Ni l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) ni le Parti démocratique gabonais (PDG) ni les juridictions concernées ne sortiront grandies de cette situation.

Si l’affaire en reste là, les juridictions concernées seront inévitablement soupçonnées d’avoir pris une position politique et pas juridique. Dans tous les cas, ni l’UDB ni le PDG ni les juridictions concernées ne sortiront grandies de cette situation. © GabonReview

 

Pour tout défenseur de la démocratie représentative, l’adhésion et la démission relèvent de la liberté individuelle. Pourtant, sous prétexte de lutte contre le nomadisme politique, certains ont cru bon d’assortir ces actes de conditions. Durant le débat sur le Code électoral, cette question a cristallisé l’attention. Au final, tout démissionnaire a été enjoint d’observer une période de viduité de «quatre (4) mois au moins avant (d’) être investi par un autre parti politique ou se présenter comme candidat indépendant ou figurer sur une liste de candidats indépendants». D’aucuns y voyaient un moyen d’assainir nos mœurs politiques. À l’épreuve des faits, leur analyse se révèle sinon erronée, du moins lacunaire, nombre de personnalités ayant choisi de quitter leurs formations pour rejoindre l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), entité créée et présidée par… le président de la République.

Entrave à la justice

Face à ces démissions en cascade, singulièrement dans les rangs du Parti démocratique gabonais (PDG), fallait-il faire jouer les dispositions de la loi ? Face aux griefs portés contre de nombreux démissionnaires, accusés d’avoir usé de documents antidatés ou de n’avoir pas obtenu de «quitus libératoire», fallait-il recourir aux tribunaux ? À entendre les commentaires des militants PDG, à voir leur réaction, on peut répondre par l’affirmative. Pourtant, par courrier officiel, le président de leur parti vient de notifier aux juridictions «le désistement d’instance des recours introduits contre les candidatures de (l’UDB)», demandant la «radiation desdites affaires» des différents rôles. Par cet acte de portée politicienne, Blaise Louembé s’est implicitement opposé à l’application de la loi, se mettant involontairement en position d’être soupçonné d’«entrave à la justice». Au-delà, il a relancé le débat sur la pertinence de certaines dispositions légales.

Pourquoi quatre mois et pas trois ou six ? Quelle signification revêt cette durée ? Pourquoi graver une disposition dans le marbre de la loi si, au moment de son application, les uns s’arrangent pour la contourner sous le regard bienveillant voire complice des autres ? Pourquoi les victimes supposées doivent-elles voler au secours de personnalités soupçonnées de fraude à la loi, au risque de commettre un délit ? À l’évidence, la décision de Blaise Louembé ouvre sur d’autres débats. Certes, durant la présidentielle du 12 avril dernier, le PDG avait soutenu la candidature de Brice-Clotaire Oligui Nguema. De ce fait, il aurait été curieux de le voir s’attaquer de manière aussi frontale au parti créé par ce dernier. Certes, d’éventuelles invalidations auraient inévitablement semé confusion et chaos dans l’entourage du président de la République. Mais, tout ceci ne dit pas pourquoi avoir laissé des militants formuler des recours pour venir ensuite les retirer d’autorité.

Patate chaude

Plus grave, en ordonnant le retrait d’affaires déjà enrôlées, le président du PDG a refilé la patate chaude aux juridictions. Si, aux termes des lois en vigueur, le plaignant peut toujours se rétracter, ni la Cour constitutionnelle ni le Conseil d’Etat ne sont tenus d’y répondre favorablement. En fonction des éléments en leur possession, ils peuvent décider d’aller au bout des procédures. Comme le maintien de l’ordre public, l’application de la loi ne dépend pas du bon vouloir des justiciables, mais de la capacité des cours et tribunaux à remplir correctement leurs missions. Au-delà, elle tient à leur détermination à défendre l’intérêt général. Si l’affaire en reste là, les juridictions concernées seront inévitablement soupçonnées d’avoir pris une position politique et pas juridique. Si Blaise Louembé obtient gain de cause sur toute la ligne, elles seront accusées d’avoir cédé à une injonction ou d’avoir voulu favoriser l’UDB. C’est dire si elles sont dos au mur. C’est aussi dire si elles se retrouvent en posture peu confortable.

Dans tous les cas, ni l’UDB ni le PDG ni les juridictions concernées ne sortiront indemnes ou grandies de cette situation. Si le PDG voulait soutenir son allié supposé, il n’aurait jamais laissé ses militants intenter des recours. S’il voulait exiger l’application de la loi, son président n’aurait pas engagé une procédure en rétractation. Volens nolens, l’assainissement de nos mœurs politiques ne saurait s’accommoder de tels zigzags et opérations en eaux troubles. Cet objectif requiert plutôt de la constance, de la cohérence et un attachement à certains idéaux, notamment ceux consacrés par le préambule de la Constitution et les engagements internationaux de notre pays. Si on veut reconstruire la confiance, il faut se le dire. Une fois pour toutes.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Cyr tiburce MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Les mêmes personnes on va dire qui avaient pris part au débat sur le code électoral comme vous le dîtes si bien, sont hélas les mêmes qui foulent aujourd’hui au pied ce délai de viduité. C’est comme un air de déjà vu dans ce pays. Car la transhumance politique à gabao relève du naturelle que malheureusement l’avènement de la 5eme république n’a pas pu endiguer.

    Quels sont les enjeux donc de ces élections si paraphe: « Blaise Louembé obtient gain de cause sur toute la ligne, elles seront accusées d’avoir cédé à une injonction ou d’avoir voulu favoriser l’UDB. C’est dire si elles sont dos au mur. C’est aussi dire si elles se retrouvent en posture peu confortable ».Amen.

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