Au Gabon, le rapport de la taskforce sur la dette a révélé un scandale financier à l’ANPN, recommandant la suspension du directeur technique et de son adjoint. Cinq jours auparavant, le chef de mission de la taskforce, Pierre Duro, avait pourtant renforcé les missions de ces deux responsables. Cette situation soulève des questions sur la cohérence de la taskforce, le leadership de Pierre Duro, et d’éventuelles motivations liées au frère du tout dernier porte-parole d’Ali Bongo. Pierre Duro n’en fait-il pas qu’à sa tête ?  Est-il d’ailleurs habilité à étendre les pouvoirs d’un directeur de l’ANPN ? Quid des rôles du secrétaire exécutif de l’ANPN et du ministre des Eaux et forêts ?

Après avoir été renforcé dans ses missions, Hubert-Claude Ella Ekogha, directeur technique de l’ANPN, a été suspendu, 5 jours après, par la taskforce supervisée par Pierre Duro (à droite). Que comprendre ? © GabonReview (montage)

 

Dans le cadre des audits institutionnels exécutés par la taskforce dettes intérieure et extérieures, plusieurs griefs ont été fait à l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). Entre faux et usage de faux, et usurpation de titre de colonel et commandant ; fausses déclarations de qualification et de compétence, mauvaise gestion et utilisation frauduleuses des fonds liés au contentieux ; utilisation abusive des fonds dans le fonctionnement ; mauvaise gestion des opérations de surveillance ; manque de professionnalisme dans la gestion des patrouilles ayant occasionné mort d’hommes et risque d’affrontement des armées gabonaises et congolaises dans les situations de gestion des conflits… on est bien souvent à l’antipode des procédures et conclusions d’audit habituellement utilisées par les commissaires aux comptes pour exprimer une opinion sur les comptes annuels d’une structure

Cinq jours plus tôt, les pouvoirs du directeur techniques étaient renforcés

Il y est également question de détournement des objectifs dédiés aux fonds des projets. A cet effet, le rapport d’étape rendu public le 15 novembre révèle que cette taskforce a rappelé au directeur technique de l’ANPN, Hubert-Claude Ella Ekogha, que cette entité avait un flux financier important. Si la taskforce évoque concrètement dix sources de financements (USFISCH, Perenco, Total, GSEZ, Airtel, PMUG, Cafi, Gefache, le projet Éléphant et le projet Arc Émeraude), elle souligne que l’ANPN a perçu 85 milliards de francs CFA au cours de ces dernières années mais n’a réalisé aucun projet concret d’infrastructures. Soulignant que plus de 90% de ces budgets sont dédiés au fonctionnement de l’ANPN, «la taskforce a recommandé la suspension des activités du directeur technique et de son adjoint».

Cinq jours plus tôt cependant, une note du chef de mission de cette taskforce étendait les pouvoirs du même directeur technique et de son adjoint. Après leur avoir confié, le 31 octobre, la mission de lutter contre l’orpaillage, le 10 novembre cette mission était élargie aux missions de lutte contre le grand braconnage, le trafic d’ivoire, la pêche illégale, y compris toutes les problématiques qui y seraient associées sur l’étendue du territoire national. Leur suspension cinq jours plus tard, amène à s’interroger sur la légalité de cette note mais surtout, sur le champ de compétence de la taskforce et singulièrement de son chef de mission. Pierre Duro est-il habilité à s’immiscer dans les administrations au point d’y renforcer les pouvoirs des responsables ?

«Cacophonie totale !»

Quid donc du management du secrétaire exécutif de l’ANPN et du ministre des Eaux et forêts ? Si l’appel à la suspension de ces hauts cadres de l’ANPN apparaît, pour plus d’un comme un revirement de la taskforce, pour d’autres il rappelle plutôt «les heures les plus sombres du pouvoir d’Ali Bongo» où n’importe quel quidam avait «le pourvoir de faire et de défaire les gens» semant, par conséquent, la confusion. Nombreux sont, pour ainsi dire, certains que la taskforce a outrepassé ses limites en élargissant les pouvoirs d’un directeur technique et son adjoint censés relever de la tutelle du secrétaire exécutif de l’ANPN et du ministère des Eaux et forêts.

Une situation qui aurait eu pour conséquence d’avoir des «hommes ingérables» et surtout, «une cacophonie» dans un contexte où «des investisseurs frappent à la porte du Gabon pour participer à la gestion intégrale des aires protégés» et face à la nécessité pour le pays de développer l’écotourisme. «C’est l’avenir de cette agence. De tels partenariats sont salvateurs parce qu’actuellement c’est un peu une coquille vide», a alerté un observateur pour qui, un tel contexte n’est nullement porteur. «Les gens n’investiront pas et ne viendront pas dans ce contexte. Les Gabon a besoin d’investissements, le Gabon a besoin de ses airs protégés mais les gens ne viendront pas dans ce contexte où c’est la cacophonie totale», souligne l’observateur.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Poranault dit :

    L’ANPN était devenu un monstre à deux têtes avec un secrétariat exécutif qui ne gérait rien et devait prendre ses instructions au quotidien auprès du ministre et, une direction technique qui avait phagocyté tous les projets des bailleurs de fonds et ne rendait plus compte qu’à la présidence, se permettant même de nommer des conservateurs sans l’avis de sa hiérarchie. Probablement ce qui a orienté les dernières recommandations de la task force après leur enquête ?

  2. Franck Ndjimbi dit :

    Depuis des années, j’ai personnellement alerte l’opinion nationale sur les dérives de l’ANPN et le desordre orchestré par Lee White. Je n’ai pas été entendu. Personne ne peut dire qu’il n’était pas au courant…

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