Si notre démocratie ne saurait être à la carte, notre armée ne peut devenir l’assurance-vie d’un régime en mal de légitimité et d’imagination.

Pour avoir pensé confier notre destinée commune à la personne de leur choix, des jeunes ont payé le prix fort. Ils ont perdu la vie. Est-ce notre idée de la démocratie, notre conception de la République ? (En médaillon : Septembre 2016, tableau des personnes décédées ou disparues dans les violences post-électorales) © Gabonreview/Reuters/Edward McAllister

 

La commémoration de la mémoire des victimes de la tragédie du 31 août 2016 était une nécessité. Six ans plus tard, chacun devait se souvenir de ces compatriotes, jeunes pour la plupart, tombés sous les balles de la Garde républicaine (GR) et de la police pour avoir voulu défendre leur vote. Même si le gouvernement a toujours prétendu avoir ordonné cette action pour retrouver des «personnes armées qui (avaient) incendié le siège de l’Assemblée nationale (et s’étaient) repliées au quartier général de Jean Ping», il fallait rappeler jusqu’où peut conduire le rejet du verdict des urnes. Il fallait redire «non à la violence armée dans le jeu politique.» Saisi d’effroi à la seule évocation de ces moments, on doit se poser cette question : «Comment des Gabonais en sont-ils arrivés à prendre une telle initiative à l’encontre d’autres Gabonais ?»

Le prix fort

À cette interrogation, on apportera une réponse : la volonté de se maintenir au pouvoir par tous les moyens, y compris au prix du sang. Sauf à réécrire l’histoire, personne ne peut le contester : en 2016, la majorité a usé de violence pour empêcher l’alternance. A moins de sombrer dans la mauvaise foi, nul ne peut le nier : cet entêtement mena le pays au bord du gouffre. N’eût-été l’appel au calme lancé par Jean Ping, le samedi 03 septembre 2016, le pire aurait pu arriver. Peut-on faire comme si on ne s’en souvient plus ? Peut-on vouloir continuer ainsi ? Faut-il banaliser les émeutes post-électorales, au risque de compromettre le processus de construction de la nation ? Ne faut-il pas plutôt rappeler la dangerosité de certaines pratiques ?

Pour avoir rêvé d’un autre Gabon, des jeunes ont payé le prix fort. Pour avoir pensé confier notre destinée commune à la personne de leur choix, ils ont perdu la vie. Est-ce notre idée de la démocratie, notre conception de la République ou notre compréhension des liens sociaux ? Peu importe les réponses, en décembre 1993, les résultats de la présidentielle furent contestés. Dans cette ambiance électrique, l’appel à la grève générale de la Confédération gabonaise des syndicats libres (CGSL) dégénéra : l’état de mise en garde fut décrété mais la colère continua à monter, donnant lieu à des incendies et au lynchage d’un militant du Parti démocratique gabonais (PDG), Jean Komgo Kango, brûlé vif par une foule en colère. Avec un peu moins d’intensité, ce scénario se rejoua en 2005 : théâtre d’émeutes, plusieurs quartiers de Libreville furent quadrillés par l’armée. Dans la foulée, le siège de l’Union du peuple gabonais (UPG) fut attaqué, obligeant Pierre Mamboundou à trouver refuge à l’ambassade d’Afrique du Sud. En 2009, l’annonce de la victoire d’Ali Bongo entraîna des violences, particulièrement à Port-Gentil où le consulat de France et plusieurs édifices publics furent incendiés ou mis à sac.

Une culture de la fraude et de la violence

À tous et à chacun, l’assaut contre le quartier général de Jean Ping rappelle combien une culture de la fraude électorale et de la violence politique est en train de s’enraciner. Avant de payer de leurs vies leur volonté de changement, certaines victimes furent menacées. D’autres furent narguées à coup de : «On passe en force et puis c’est tout !» ou de «Y a rien en face. Vous allez nous faire quoi ?» Or, si le Gabon se veut une «République indivisible, laïque, démocratique et sociale», personne ne devrait être inquiété du fait de ses opinions. Nul ne devrait voir son vote foulé au pied, nié à par l’immixtion brutale de l’armée dans le jeu politique. Si notre démocratie ne saurait être à la carte, notre armée ne peut devenir l’assurance-vie d’un régime en mal de légitimité et d’imagination. S’il est vraiment au service de la nation, le pouvoir doit l’admettre.

A travers des memoranda récemment rendus publics ou durant le congrès constitutif des organisations de la société civile pour la transparence électorale et la démocratie au Gabon (Coted-Gabon), cette question a été abordée. A la majorité d’y apporter des réponses. À elle aussi de faire la démonstration de son adhésion à un principe essentiel en démocratie : l’alternance par les voies des urnes. Au lieu de parier sur la répression, les soutiens d’Ali Bongo doivent miser sur leur bilan. Au lieu de reprocher aux populations leur choix, ils doivent en prendre acte et le respecter. Comme l’ensemble de la société gabonaise, ils doivent dire : «Plus jamais ça !»

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GR
 

1 Commentaire

  1. Prince dit :

    Moi je dirais ce sera encore ça la seule et unique question est qui serons les victimes de 2023? Ali bongo et les siens assis sur les milliards de l’état qu’ils détournent impunément ne partirons jamais par une simple élection qu’ils organisent proclament et valident eux même ?

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