Certes, «l’Afrique n’est pas un pré carré». Mais elle n’est ni un pays ni un espace politiquement, économiquement et culturellement homogène.

Face aux effets de la mondialisation, Emmanuel Macron doit l’admettre : personne n’est demandeur d’une «politique africaine de la France». Chaque pays veut être traité comme tel et selon des règles connues et admises de tous. Photo : Emmanuel Macron lors de son discours africain, le lundi 27 février 2023, à l’Elysée. © Stefano Rellandini /Keystone sda-ch

 

IL S’EN DÉFEND, mais Emmanuel Macron est l’héritier d’une idée erronée. À chacune de ses sorties, il ressasse des stéréotypes.  Présentant «la stratégie de la France en Afrique», il a sombré dans les préventions coloniales. Certes, «l’Afrique n’est pas un pré carré». Mais elle n’est pas un pays non plus. Encore moins un espace politiquement, économiquement et culturellement homogène. Comme l’Asie, elle est une juxtaposition d’Etats souverains avec leurs spécificités, leurs options stratégiques et leurs choix de développement. A la différence de l’Europe, ses populations ne sont ni de même culture ni de même religion. Leur point commun ? Une mémoire de la douleur où l’esclavage côtoie la colonisation et le néo-colonialisme avec leurs lots d’abus : déshumanisation, infériorisation et prédation des ressources…

Dresser des profils précis

Affirmant vouloir «bâtir des relations respectueuses, équilibrées, responsables», le président français a parlé de l’Afrique comme si la réalité y est la même partout et pour tous. Comme si tous les Etats y sont confrontés aux mêmes défis. Comme si les aspirations des peuples y sont les mêmes. Tout en se disant disposé à solder le passé, Emmanuel Macron s’est en réalité installé dans… «le confort des grilles de lecture du passé». Le «défi sécuritaire» ? À moins de faire dans le raccourci intellectuel, il ne se présente ni de la même manière ni avec la même intensité au Sahel, en Centrafrique ou en République démocratique du Congo. Le «défi climatique» ? Sauf à entretenir la confusion, il n’est pas de même nature au Tchad en Somalie ou au Lesotho. Le «défi démographique» ? Au risque de faire dans l’amalgame, on ne peut assimiler le Niger au Swaziland ou le Mali à l’Afrique du Sud. Quant aux questions démocratiques, il faut nier la réalité pour rapprocher le Cap-Vert de la Guinée équatoriale ou le Ghana du Burundi.

Pour bâtir des «partenariats nouveaux», il faut dresser des profils précis. Pour cerner le contexte, il faut se pencher sur le cadre juridique et institutionnel, la gouvernance politique, les infrastructures et les disponibilités en compétences. Se disant en «mission civilisatrice», la France coloniale avait fait l’impasse sur un tel exercice, se croyant autorisée à dicter ses vues. Ayant voulu continuer à faire comme avant, celle d’après 1960 a mis en place des réseaux sulfureux connues sous l’appellation Françafrique. Incapable de s’en affranchir, celle d’après 1990 n’a pas vu le monde évoluer, se satisfaisant d’analyses désuètes, sentant la naphtaline. Face aux effets de la mondialisation, Emmanuel Macron doit l’admettre : personne n’est demandeur d’une «politique africaine de la France». Chaque pays veut être traité comme tel et selon des règles connues et admises de tous. A la rigueur, des politiques en direction des communautés économiques régionales peuvent être tolérées. Les mêmes remarques valent pour la Chine, la Russie, l’Inde ou le Japon.

Tout amalgamer, comme durant la colonisation

S’il n’a «aucune nostalgie vis-à-vis de la Françafrique», le président français doit l’intégrer : il ne lui revient pas de chercher à combler une «absence» ou un «vide» en Afrique. Cette tâche relève de la responsabilité des pouvoirs en place dans chaque pays. Surtout quand ceux-ci sont démocratiquement élus et si les accords sont signés en toute transparence, sous le contrôle des Parlements. La réfutation de l’existence «d’un double standard (…) entre l’Ukraine et le reste du monde» n’est pas non plus de bon aloi. Bien au contraire. Elle s’inscrit dans cette tendance à réduire l’Afrique à sa simple expression, à tout y amalgamer, comme durant la colonisation. S’il faut faire bouger les choses, il faut se garder de placer l’Ukraine en face de tout un continent. A l’inverse, il faut réserver le même traitement aux pays confrontés à d’autres drames. Cas de la RD Congo.

Si l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) est libre de soutenir les causes de son choix, les pays y adhèrent individuellement. En aucun cas, ils n’y vont collectivement. Pourquoi Emmanuel Macron se sent-il obligé de s’adresser à tout un continent pour expliquer son soutien à l’Ukraine ? Pour répondre aux assertions véhiculées sur les réseaux sociaux ? Ou pour demander aux Africains ne pas voir en la Russie une sorte de chevalier blanc ? Mais, autant les internautes parlent en leurs seuls noms, autant chaque peuple est libre de se forger son opinion. Cesser de considérer l’Afrique comme un bloc uniforme, traiter avec chaque pays selon ses spécificités et attentes : telle est la voie vers «le nouveau partenariat Sud-Nord». Le reste est à inscrire dans une volonté non-assumée de perpétuer la Françafrique. Voire dans l’incapacité à se détacher des préventions coloniales.

 
GR
 

5 Commentaires

  1. Fille dit :

    Bravo ma Roxanne ! Du haut vol comme d’habitude ou presque 😀. On dirait de la langue d’Africain d’aujourd’hui ! On dirait une vraie intellectuelle gabonaise, africaine non aliénée comme nous autres. Je retiendrai ceci : « Le reste est à inscrire dans une volonté non-assumée de perpétuer la Françafrique. Voire dans l’incapacité à se détacher des préventions coloniales. » Bassé !

    Le problème c’est que tout le monde a compris en Afrique. Cependant, Macron est jeune, ce qu’il dit aujourd’hui sur les conseils de ses anciens n’est pas forcément sa pensée personnelle. Laissons lui le bénéfice du doute. Il gagnera à tracer sa propre voie avec la nouvelle génération africaine en jouant franc jeu, sinon la pente sera difficile à remonter en Afrique.

  2. udfr dit :

    «  » Une mémoire de la douleur où l’esclavage côtoie la colonisation et le néo-colonialisme avec leurs lots d’abus : déshumanisation, infériorisation et prédation des ressources… » » »

    je vous suggère de rester dans ce schéma historico-pathétique pendant plusieurs siècles encore et cela vous permettra de vous conforter dans votre grille de lecture du passé…sans vous frotter aux vrais défis , démocratie, infrastructures cohérentes, investissement, habitat décent, crimes rituels, pôles de santé dignes de ce nom….et j’en passe…

    • Fiona Fiona dit :

      @UFFR. Pauvre petit diplomate français à le pensée réductrice… C’est bien votre marque de fabrique : isoler des bouts de phrase en croyant tromper le monde et donner un sens qui vous est favorable aux choses… Apprenez à regardez au-delà de votre nombril… Personne n’a rien demandé à votre génie de l’Elysee

  3. Fiona Fiona dit :

    @UFFR. Pauvre petit diplomate français à le pensée réductrice… C’est bien votre marque de fabrique : isoler des bouts de phrase en croyant tromper le monde et donner un sens qui vous est favorable aux choses… Apprenez à regardez au-delà de votre nombril… Personne n’a rien demandé à votre génie de l’Elysee

    • udfr dit :

      Vous pensez quoi de ces défis : vraie démocratie, infrastructures cohérentes, investissement agricoles, habitat décent, crimes rituels, pôles de santé dignes de ce nom

      j’attends votre réponse mais surement votre carte du pdg vous interdit de vous prononcer

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