Comme toujours, les seconds couteaux paient quand les chefs bénéficient d’une totale impunité voire d’une immunité. L’on se demande si cela ne révèle pas un mal généralisé et encore plus profond : la mal gouvernance.

Depuis une semaine, le gouvernement joue les Ponce Pilate, confirmant son peu d’appétence pour la reddition des comptes, dévoilant sa préférence pour l’irresponsabilité. Après avoir tout rejeté sur le transporteur, il s’est défaussé sur l’administration. Comme souvent, la faute est imputée aux administratifs, les politiques n’étant jamais responsables. © Gabonreview

 

Le constat est évident et largement partagé : la gouvernance en vigueur place le pays face à de nombreux périls. Entre corruption endémique, surdité volontaire et irresponsabilité quasiment assumée, elle met en danger les vies humaines, saccage le patrimoine national et compromet l’avenir. Survenu jeudi 9 mars courant, le naufrage de l’«Esther Miracle» constitue une preuve supplémentaire de mal-gouvernance. De façon éclatante, cet accident pointe la légèreté de l’exécutif dans la gestion des affaires publiques, y compris les plus sensibles. Suscitant des questionnements, il donne lieu à des révélations toujours plus troublantes voire révoltantes. Sur les droits et devoirs des exploitants de navires, le rôle des fonctionnaires en charge du contrôle, comme sur les procédures ou le régime de responsabilité et d’indemnisation, tant de choses se disent. A la fin, une certitude émerge : dans nos eaux territoriales, ni la sécurité ni la sûreté ni l’efficacité de la navigation ne sont garanties.

Ponce Pilate

Sur les pertes en vies humaines et dégâts matériels, l’article 421 du Code communautaire de la Marine marchande est clair : «Le transporteur est responsable (…) sauf preuve, à sa charge, que l’accident n’est imputable ni à sa faute ni à celle de ses préposés.» Pour autant, le gouvernement ne s’en trouve pas dégagé de toute responsabilité. Bien au contraire. Aux termes de la réglementation, nombre d’aspects relèvent de sa compétence. On peut citer, pêle-mêle, le balisage des côtes, l’exercice de la police, l’immatriculation, la délivrance des certificats de jauge ou titres de navigation et surtout, la supervision des réparations et autres modifications opérées sur les navires. Au-delà, on doit insister sur l’obligation de procéder à des «inspections, visites (…) ou études sur pièces» avant toute délivrance ou renouvellement de titres de sécurité. De ce point de vue, la responsabilité de l’exécutif est engagée.

Pourtant, depuis une semaine, le gouvernement joue les Ponce Pilate. Comme si la responsabilité administrative n’est pas une évidence, il a commencé par tout rejeter sur le transporteur. Comme si la responsabilité politique équivaut à la responsabilité administrative, comme si elle est subordonnée à la responsabilité pénale, il s’est ensuite défaussé sur l’administration, prononçant des suspensions de fonctionnaires «à titre conservatoire». Comme si la notion d’ «autorité maritime compétente» ne renvoie pas au «ministre chargé de la Marine marchande et (aux) fonctionnaires (…) auxquels il a délégué tout au partie de ses pouvoirs», il a choisi de faire bloc derrière le premier pour mieux enfoncer les seconds. En agissant de la sorte, il a apporté une preuve supplémentaire de sa surdité aux avis de l’opinion. Dans le même temps, il a confirmé son peu d’appétence pour la reddition des comptes, dévoilant sa préférence pour l’irresponsabilité.

Des politiques jamais responsables

Au-delà des circonstances, l’attitude du gouvernement s’inscrit dans une pratique politique hérétique. Comme toujours, les seconds couteaux paient quand les chefs bénéficient d’une totale impunité voire d’une immunité. Comme souvent, la faute est imputée aux administratifs, les politiques n’étant jamais responsables. Sauf, bien entendu, en cas de règlement de comptes entre copains et coquins. Avec la multiplication des scandales de corruption aux ministères en charge de l’Economie, de la Marine marchande ou des Forêts, on l’a relevé, des directeurs généraux et hauts cadres de l’administration ou d’établissements sous tutelle étant passés par la case prison quand les ministres, eux, étaient maintenus à la stupéfaction générale.

Même si elle feint de s’en accommoder, l’opinion goûte peu à cette politique du deux poids deux mesures, terreau de l’insouciance et de l’irresponsabilité. Déjà, elle se montre très attentive au sort du ministre des Transports, en poste depuis décembre 2020, soit deux ans et trois mois. Durant cette période, notre pays a connu neuf déraillements de train. Ces cinq derniers mois, il a enregistré trois naufrages. Ajouté au marasme dans l’aviation civile ou aux grèves des anciens élèves de l’École régionale de la formation aux métiers de la navigation intérieure (ERFMNI), tout ceci traduit une réalité : dans le secteur des Transports, tout reste à construire. Du coup, l’on s’interroge sur le maintien du responsable de ce département ministériel. L’on se demande si cela ne révèle pas un mal généralisé et encore plus profond : la mal gouvernance. A cinq mois de la prochaine présidentielle, ces questions n’ont jamais été aussi pertinentes et lourdes de sens. Après tout, le traitement réservé à l’affaire «Esther Miracle» est symptomatique de la capacité de l’exécutif à cerner les défis du présent et enjeux du futur. A chacun de le comprendre et d’en tirer les conséquences, tôt au tard…

 
GR
 

1 Commentaire

  1. CYR Moundounga dit :

    Bjr. Bassé ! Amen.

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