Souvent formulées en réaction aux souffrances endurées, nombre de suggestions n’étaient ni pertinentes ni réalistes. S’il fallait les examiner, il aurait été question d’en mesurer la conformité aux lois et l’incidence sur la suite de la Transition.

Quand bien même elle a été accueillie par des applaudissements, l’inéligibilité des dirigeants du PDG équivaudrait à une négation de leurs droits civils et politiques. Surtout en absence de condamnation pénale. © GabonReview

 

Quelle suite réserver aux recommandations du Dialogue national inclusif (DNI), particulièrement celles relatives à la suspension des partis politiques et à l’inéligibilité des principaux dirigeants du Parti démocratique gabonais (PDG) ? Si on ne saurait être définitif, on doit se poser les questions. Est-ce politiquement porteur et de nature à raffermir le vivre ensemble ou à restaurer la dignité du Gabonais ? Est-ce juridiquement envisageable ou conforme à la législation et aux engagements internationaux du pays en matière de droits humains ? Est-ce institutionnellement opérant ou susceptible de redorer l’image des entités chargées de leur mise en œuvre ? Sur tous ces aspects, un débat franc et de fond aurait dû être mené au sein de la sous-commission «Régime et institutions politiques». N’ayant manifestement pas eu lieu, il pourrait se dérouler sur la place publique, avec tous les risques associés.

Normes juridiques à part entière

Certes, de l’avis général, le Gabon compte trop de partis politiques à la représentativité douteuse. Certes, le bilan du PDG est jugé globalement calamiteux. Certes, nombre de ses cadres ont usé et abusé de leurs positions pour se livrer à toutes sortes de transgressions, délits et crimes. Certes, depuis le 30 août 2023, notre pays vit une période d’exception. Mais, on ne doit jamais le perdre de vue : «l’essor vers la félicité» repose sur la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et le respect de la citoyenneté. Consacrées par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et, la Charte nationale des libertés, ces notions sont à valeur constitutionnelle. Normes juridiques à part entière, elles doivent être respectées et appliquées avec rigueur.

Même si elle a été suggérée par les contributeurs, la suspension des partis ne saurait s’appliquer sans créer la polémique sur le respect des libertés et droits fondamentaux, notamment la liberté d’association et la liberté de réunion. Quand bien même elle a été accueillie par des applaudissements, l’inéligibilité des dirigeants du PDG équivaudrait à une négation de leurs droits civils et politiques. Surtout en absence de condamnation pénale. Au-delà, cela reviendrait à appliquer une peine collective, en violation du principe de responsabilité individuelle. Où l’on en vient à s’interroger sur la plus-value apportée par les personnes-ressources. Comment expliquer leur passivité ou leur permissivité face à de telles suggestions ? Par la couardise ? Les participants au DNI jouissaient pourtant d’une protection particulière et de circonstance ! Sauf à croire à une volonté de plaire ou au désir d’appliquer une consigne connue d’eux seuls et édictée on ne sait où, l’on s’explique mal l’attitude de certains experts.

La loi n’est pas rétroactive, le DNI n’est pas le juge judiciaire

Homme politique, de science ou militant associatif, le leader n’a pas vocation à se mettre à la remorque de la base. Comme l’indique l’origine anglo-saxonne de ce mot, il doit être à l’avant-garde. S’il doit se mettre à l’écoute, il doit surtout indiquer un cap, avoir un sens de l’organisation et des capacités de persuasion. Les membres de la sous-commission «Régime et institutions politiques» ont-ils omis ce principe ? Tout au long du DNI, certains délégués l’ont relevé : souvent formulées en réaction aux souffrances endurées, nombre de suggestions n’étaient ni pertinentes ni réalistes. S’il fallait les examiner, il était question d’en mesurer la conformité aux lois et l’incidence sur la suite de la Transition. Pourquoi suspendre les partis ? Pour leur permettre de se conformer à une loi à venir ? Mais, la loi n’est pas rétroactive. Pourquoi déchoir certains acteurs de leur droit à l’éligibilité ? Pour leur faire payer leurs outrances d’hier ? Mais, le DNI n’est pas le juge judiciaire. Il n’a pas compétence pour infliger des peines.

S’ils avaient cherché les causes et sous-causes des problèmes identifiés, les membres de la sous-commission «Régime et institutions politiques» seraient parvenus à un constat : la multiplication des partis fantoches, comme les outrances de certains acteurs, est le contrecoup des pratiques du pouvoir déchu. Dans sa volonté de gêner les formations les plus représentatives, il avait alimenté des querelles factices avant de reconnaître des entités hors de toute base légale. Soucieux de se doter d’exécutants corvéables et taillables à merci, il avait installé un climat de corruption et une culture d’impunité. De ce point de vue, il aurait été plus judicieux de faire une recommandation à propos du PDG tout en indiquant les moyens de droit pour sa mise en œuvre. Involontairement, le DNI vient de sonner l’alerte rouge.

 
GR
 

10 Commentaires

  1. Eternité dit :

    Tres bel article, qui interpelle et interroge ou interrogera au final sur les prérogatives du DNI que les historiens jugeront ou pas propice à notre Gabon.

    Le processus démocratique a ete interrompu le 30 aout 2023 sans suspendre les partis politiques, ni « punir » le PDG pour tous les crimes économiques et délits ( aux yeux du gabonais ) dont ils ont coupables depuis 56 ans…mais était ce au DNI d’en arriver là et de décider de la fin de la vie démocratique du Gabon sous le prétexte d’organiser les partis? était ce la mission qui lui a ete conféré au DNI?

    En 1945, le procès de Nuremberg à condamné les plus fervents des nazis et a interdit le NSPD à vie en Allemagne…il est regrettable que nous n’ayons pas eu ce courage de faire ce procès et d’en finir avec ce parti …

    • Gayo dit :

      Il ne s’agit pas de la fin de la démocratie, n’exagérez pas. La démocratie un luxe qu’on ne peut bene fier de façon complète qu’après avoir satisfait aux besoins primaires du pays et de son peuple. Il s’agit de remettre les compteurs à 0 et de repartir sur des nouvelles bases et non garder les fondations posées sur du sable mouvant des 56 ans des Bongo. Pour arriver au même objectif, le CTRI peut juste se contenter de suspension du PDG qu’elle aurait du faire à la prise de pouvoir et prendre une loi qui permet la dissolution de partis politique qui n’existent que de nom. Par exemple, vous avez moins de 50 élus sur l’ensemble du territoire nationale sur 10 ans, le parti est dissous. Ils seront tous obligés de justifier leur existence par leur participation aux élections ou accepter que la loi s’applique en les dissolvants au lieu qu’il n’existent que pour les perdiems, le chantage contre l’état et les subventions.

  2. Hermann O. dit :

    Les cas de fraude, de faux et usage de faux, de prévarications sont nombreux et patents. Pourquoi le parquet de la république ne s’auto-saisit pas? Pourquoi la commission de Lutte contre l’enrichissment illicite n’a initié aucun dossier au pénal à ce jour. Cela doit-être traité par une commision vérité et justice nous dt-on. Mais entre temps des tractations sont menées en toute discrétion pour ne pas exposer certains principaux acteurs, en leur demandant de rembourser ou restitituer certains biens. Justice à géométrie variable et totalement inefficiente.

  3. MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Morceau au choix :le DNI n’est pas le juge judiciaire. Il n’a pas compétence pour infliger des peines. Du coup va se poser la question de la nature juridique de la forme et du fond du DN. Car qui en l’espèce pourrait se prévaloir de l’autorité de défendre le DNI en cas de plainte sur une quelconque décision jugée inopportune par tel ou tel individu ou parti.

    Nous en convenons tous, le rejet du PDG est national (hormis ses militants les plus irreductibles). Cependant, une existence de 56 se doit elle d’être décidée de façon aussi réductrice, avec des gants pourrait t-on dire eu égard à la chosification du gabonais au terme de ces longues années.

    Un mélange de genres, tant ce parti represente à lui tout seul une sacré bibliotheque que même un dialogue soit il inclisif ne peut vider en un mois. Un raté de ce point de vue. Amen.

  4. DesireNGUEMANZONG dit :

    L’article 4 de la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen souligne précisément que: « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. »

    Et j’ajoute que Martin Luther King nous rappelait qu' »une injustice où qu’elle se produise est une menace pour la justice partout ailleurs, car nous sommes tous pris dans un tissu de relations mutuelles ». Comment comprendre qu’un parti politique ait pu mettre en danger la vie de toute une nation?

    Quand un peuple est privé du strict minimum par le fait (reconnu) d’un ou plusieurs partis politiques (c’est le cas dans notre pays), alors celui-ci est en droit de réclamer « justice » pour retrouver sa dignité. Je trouve curieux que l’on fasse l’apologie des partis politiques comme moteur de la démocratie dans notre pays. Au contraire, ce sont les partis politiques qui sabordent la démocratie en confisquant au peuple le droit à la parole. De disposer de lui-même. Les accords de Paris était une réunion politique et non citoyenne; les forums de Libreville étaient des réunions politiques.

    Si la suspension des partis est une recommandation forte de cette commission, elle va dans le bon sens. Les gabonais peuvent-ils expliquer les raisons pour lesquelles ils créent des partis politiques? La démocratie, le parlementarisme peuvent se nourrir de l’action citoyenne. Pour être parlementaire, a-t-on besoin d’appartenir à un parti politique? L’argent public ne saurait etre utilisé autrement à financer les partis politiques?

    Nous avons des problèmes plus urgents que les partis politiques. Ce sont des ensembles vides qui n’ont de sens que pour ceux qui les créent.

  5. Jean Jacques dit :

    rétroactive est ce que les putschistes connaissent le droit ?Même les soi-disant les profs agréer soutiennent la barbarie qui entraîne olingui dans le chemin de la défaite, les Pdgistes sont nbreux et ils soutenir un candidat jeune,90% vont ampleur soutien, contre olingui,le même scénariodu Sénégal qui se dessine au Gabon.

  6. Akoma Mba dit :

    Pays de moutons où tout est accepté même l’humiliation et la dignié bafouée

  7. Ngota dit :

    D’abord, nous sommes en régime d’exception. Rien n’empêche des mesures d’exception.

    Soutenir que la loi n’est pas rétroactive c’est mal connaître le principe et ses exceptions. Une loi peut prévoir sa rétroactivité. Cela aussi relève du principe.

    C’est un bel enfumage littéraire, celui qui consiste à défendre le bourreau (le PDG) et tous ses thuriferaires (ses militants) qui l’acclamaient et nargauaient le peuple endolori, tout le long de son règne, en se prenant pour les propriétaires du Gabon, investis du droit daffliger le peuple et de ne pas passer le relais. Ces gens ne sont pas plus à plaindre que leurs victimes séculaires. Ce ne sont pas eux les victimes, c’est tout le contraire. Ils méritent qu’on les écarte de la sphère politique nationale, le temps de la reconstruction de ce qu’ils ont saccagé. Amen !

  8. Akoma Mba dit :

    Régime d’exception? De qui ou de quoi avons-nous peur? De la famille Bongo ou du PDG?
    Le couvre-feu doit terminer, sauf si le messie prend en charge tout cet argent que perdent ceux-là qui ne peuvent plus travailler la nuit. L’argent y’en a, n’est pas Messieurs les Militaires? Ou Il n’y a que vous pour gonfler vos salaires

  9. Yann Lévy Boussougou Bouassa dit :

    Ngota,

    Le fait d’être dans un régime d’exception ne doit pas être un motif pour violer tous les principes juridiques existants et sur lesquels nous entendons construire l’avenir du pays. Ailleurs, même lorsqu’on parle de régime d’exception les choses demeurent encadrées et il est même possible d’effectuer des recours juridictionnels pour faire respecter ses droits. État d’exception ne veut pas dire suppression des droits fondamentaux.

    Il ne s’agit pas ici de se muer en avocat du PDG , mais de condamner ce qui ressemble à une justice spectacle et de l’arbitraire. Le cas des dirigeants du PDG (indubitablement coupables
    ) doit être réglé, après enquête permettant d’établir la matérialité des griefs qui leur sont faits, devant un juge. II paraît que lorsque l’arbitraire frappe, tout ce qui n’est pas dépourvu d’intelligence se sent menacé et avec raison (Benjamin constant, principes de politique). Vous devriez vous inquiétez de tels procédés.

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