Tout en œuvrant à la modification des règles du jeu électoral, l’exécutif place l’administration territoriale déconcentrée entre les mains de personnalités à l’engagement politique notoire, ruinant le discours officiel.

Sur ces neuf gouverneurs, cinq sont d’anciens ministres ayant déjà eu à affirmer publiquement sinon leur appartenance au PDG, du moins leur soutien à Ali Bongo et à la majorité présidentielle. Parmi les quatre autres, on compte un ardent militant PDG et d’autres à l’engagement plus timide, mais néanmoins affirmé. © Gabonreview

 

Officiellement, seul le Moyen-Ogooué est concerné. A l’issue du conseil des ministres du 28 avril dernier, Abdul Razzak Guy Kambogo y a été envoyé en qualité de gouverneur. Tantôt décrite comme l’expression d’une gouvernance hérétique, tantôt présentée comme la manifestation des luttes d’influence au sommet de l’Etat, cette décision suscite dépit et railleries. Deux semaines auparavant, le gouvernement avait fait comme bon lui semblait. Profitant des silences de la loi, il s’était livré à un ahurissant jeu de chaises musicales. Non seulement, il procéda au remplacement de tous les gouverneurs à quelques mois d’une présidentielle à hauts risques, mais en plus il invita chacun des promus à aller servir dans sa province d’origine. Comme si l’administration déconcentrée était l’affaire des seules élites natives. Comme si le Gabon n’était pas «un et indivisible». Comme si chaque responsable politique ou administratif était sommé de mettre sa parentèle au pas.

Rétropédalage inévitable

Comme on pouvait le prévoir, le débat s’emballa aussitôt. D’aucuns se demandaient jusqu’où l’exécutif comptait-il aller trop loin. L’invitant à ne s’arrêter en si bon chemin, d’autres lui recommandaient d’appliquer la même recette à l’ensemble des personnels de commandement. Par ironie, on lui conseillait de nommer les préfets et sous-préfets dans leurs départements ou districts d’origine voire d’étendre la mesure aux centres d’examen. Présidente de l’Union nationale (UN), Paulette Missambo y allait de son couplet, se demandant si cette pratique n’était pas attentatoire à l’idéal national ou si elle n’était pas au service d’intérêts personnels. «Chaque gouverneur dans son village ou dans sa province d’origine est une façon d’arrêter la construction de la nation gabonaise», estimait-elle le 22 avril dernier à Ntoum, ajoutant : «Ces gouverneurs (…) seront désormais les gouverneurs du PDG (Parti démocratique gabonais -NDLR). Ils ne seront plus les représentants de l’État impartial (…) Ils seront là pour protéger leurs carrières

Sauf à faire étalage de désinvolture, à assumer l’ensemble des risques ou à poursuivre d’inavouables desseins, ce rétropédalage semblait inévitable. Intervenues quelques jours avant le début du débat parlementaire sur la révision du Code électoral, les nominations des gouverneurs ont effectivement été comprises comme une manœuvre bassement électoraliste. D’ailleurs, la réaffectation d’Abdul Razzak Guy Kambogo ne clarifie nullement la situation. Et pour cause : tout en œuvrant à la modification des règles du jeu électoral, l’exécutif place l’administration territoriale déconcentrée entre les mains de personnalités à l’engagement politique notoire. Sur les neuf personnalités concernées, cinq sont d’anciens ministres. Par conséquent, elles ont déjà eu à affirmer publiquement sinon leur appartenance au PDG, du moins leur soutien à Ali Bongo et à la majorité présidentielle. Parmi les quatre autres, on compte un ardent militant PDG et d’autres à l’engagement plus timide, mais néanmoins affirmé.

Conception moyenâgeuse de la politique

Cette politisation de l’administration territoriale déconcentrée ruine le discours officiel. Elle bat en brèche l’invite d’Ali Bongo «à dépasser, à transcender nos divergences et nos opinions partisanes» pour parvenir au «renforcement de la démocratie (…)» Ne contribuant nullement à présenter la politique comme «une manière de créer du consensus pour façonner un avenir en commun», elle va à l’encontre de son engagement à «tenir des élections dans la paix et la sérénité». Au-delà, elle en rajoute au climat de défiance et aux craintes pour le vivre-ensemble. Après une concertation politique aux résultats controversés, l’exécutif donne l’impression de naviguer en eaux troubles, de ne nourrir aucun dessein collectif, d’être miné par des dysfonctionnements internes et d’avoir un seul et unique objectif : la conservation du pouvoir à tout prix.

Cette conception moyenâgeuse de la politique n’est malheureusement à l’avantage de personne. Ni la République ni les institutions ni la démocratie n’en tirent bénéfice. Encore moins le peuple, pourtant dépositaire de la souveraineté nationale. Comment en sortir ? En demandant à chaque responsable politique ou administratif de s’occuper des siens, comme le suggère la décision du 14 avril dernier ? Ou en réservant l’administration aux copains, coquins et autres affidés, au mépris de toute autre considération, comme en témoigne la nomination d’Abdul Razzak Guy Kambogo ? Après tout, durant son passage à la tête de l’Agence gabonaise de normalisation (Aganor), le nouveau gouverneur du Moyen-Ogooué ne brilla nullement par sa gestion. Accusé de détournement de deniers publics, de sectarisme dans les recrutements, de gabegie et de nombreuses indélicatesses, il fut suspendu. Comment peut-il rebondir aussi facilement ? Comment peut-il redéployé sans avoir rendu comptes de ses agissements ? Peu importe le sort de ses nouveaux homologues, sa seule présence parmi eux en dit long sur la gouvernance en vigueur.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. CYR Moundounga dit :

    Bjr. le débat est certes louable, mais nous savons tous qu’à l’heure actuelle seule l’homme qu’il faut à la place qu’il faut est souhaitable pour rassurer le citoyen lambda.

    Et pourtant ce ne sont pas les compétences qui manquent à GABAO. Là se dessinent et s’envisagent encore des lendemains incertains à GABAO avec ses morts, pneus incendiés, magasins éventrés etc… atmosphère pourtant prévisible par les tenants du pouvoir mais qui malheureusement ne sont pas très prudent. Tout est dit dans le 4eme paragraphe. Amen.

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