N’en déplaise aux communicants de la présidence de la République, les mécanismes d’anticipation comportent toujours des risques. Mal maîtrisés, ils contribuent à empirer la situation.

Un président de la République sillonnant la ville, devisant avec des citoyens et s’adonnant à des plaisirs simples ? L’idée peut paraître séduisante. Encore faut-il être certain de ne pas apporter de l’eau au moulin de ses contempteurs. © Gabonreview

 

Quels étaient les objectifs de la tournée du président de la République dans des quartiers sous-intégrés de Libreville ? Quel en était le message sous-jacent ? Quelle en est la plus-value ?  Tout au long du week-end écoulé, ces questions ont agité le landerneau politico-médiatique. En communication de crise, la ficelle est connue : pour se sortir d’une situation délicate, il faut faire diversion. Confronté à la persistance des doutes sur les capacités physiques et cognitives d’Ali Bongo, son cabinet s’efforce de déplacer le débat, essayant de le présenter comme un homme à l’ouvrage, au contact des populations. Pris de court par les récentes propositions de l’opposition relatives à la réforme du système électoral, il tente de noyer le poisson pour mieux évacuer la question. Censé gérer l’imbroglio né de la dernière oukase du Parti démocratique gabonais (PDG), il veut faire place nette, croyant instiller l’idée d’une candidature «naturelle» de son champion.

Effet boomerang

Depuis le début des ennuis de santé d’Ali Bongo, ses proches ont opté pour une communication de crise. Le week-end dernier, ils en ont encore fait usage. Leur manœuvre a-t-elle réussi ? A lire les réactions sur les réseaux sociaux, on peut en douter. Ont-ils voulu réorienter le débat ? Ils ont plutôt suscité colère et révolte, de nombreux observateurs leur reprochant d’exhiber le président de la République telle une «bête de foire« . Ont-ils cherché à valoriser le pavage de certaines voies secondaires ? Ils ont récolté des railleries, la comparaison étant vite établie avec d’autres pays du continent. Au-delà, ils ont ouvert la polémique sur le caractère républicain de leur initiative. Sans le vouloir, ils ont légitimité les doutes sur la pertinence d’une nouvelle candidature de leur «champion.» Sans s’en rendre compte, ils ont relancé le débat sur l’empêchement du président de la République. L’effet boomerang !

Un président de la République sillonnant la ville, devisant avec des citoyens et s’adonnant à des plaisirs simples ? L’idée peut paraître séduisante. Encore faut-il être certain de ne pas apporter de l’eau au moulin de ses contempteurs. N’en déplaise aux communicants de la présidence de la République, la communication de crise comporte toujours des risques. Censée aider à atténuer les conséquences d’un événement dommageable pour l’image, elle consiste en un ensemble de mécanismes d’anticipation. Mal maîtrisée, elle contribue toujours à empirer la situation. En se présentant claudiquant et peu alerte, Ali Bongo a-t-il rassuré quant à son aptitude physique ? Sauf sectarisme partisan, nul ne peut le prétendre. En affichant des difficultés d’élocution, en se contentant de réponses laconiques et peu conformes à son statut, en s’alimentant avec une main jugée impure et sale par sa religion, a-t-il apporté la preuve d’une pleine possession de ses capacités cognitives ? Hormis les zélotes, personne n’oserait l’affirmer.

A la hauteur des enjeux

Face à un tel vaudeville, les institutions ne peuvent entretenir le mutisme. Peu importe le sort des initiateurs, il y va du fonctionnement de l’appareil d’Etat voire de la confiance entre gouvernants et gouvernés. Comme le relève Télesphore Obame Ngomo, «l’état sanitaire du président de la République impose des comportements responsables et républicainsEt notre confrère de trancher : «Au nom du Gabon d’abord, tout ce cinéma (doit) s’arrêter. La République a assez été humiliée. Ça ne peut plus continuer ainsi Le gouvernement et le Parlement peuvent-ils l’entendre de cette oreille ? Peuvent-ils prendre leurs responsabilités ? Si une telle éventualité advenait, la Cour constitutionnelle serait-elle capable d’un sursaut républicain ? Pourrait-elle faire appliquer la loi ? Sollicitée en novembre 2018, elle avait jugé l’article 13 de la Constitution «lacunaire», se lançant dans une interprétation douteuse aux conséquences lourdes.

Près de quatre années plus loin, le débat resurgit. Malgré les retouches opportunément apportées à la Constitution, l’opérationnalité du mécanisme d’intérim suscite des réserves. En dépit de la création d’un «collège» intérimaire composé des présidents des deux chambres du Parlement et du ministre de la Défense nationale, l’opinion doute toujours de la capacité des institutions à se placer à la hauteur des enjeux. A elles, comme aux communicants de la présidence de la République, on a envie de rappeler un principe : autant la communication de crise ne saurait se substituer au jeu institutionnel, autant les intérêts personnels ne peuvent passer avant la République. Définitif ou temporaire, un empêchement se gère d’abord par la loi. Accessoirement par la communication.

 
GR
 

6 Commentaires

  1. MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Morceau au choix : »En se présentant claudiquant et peu alerte, Ali Bongo a-t-il rassuré quant à son aptitude physique ? Sauf sectarisme partisan, nul ne peut le prétendre. En affichant des difficultés d’élocution, en se contentant de réponses laconiques et peu conformes à son statut, en s’alimentant avec une main jugée impure et sale par sa religion, a-t-il apporté la preuve d’une pleine possession de ses capacités cognitives ? Hormis les zélotes, personne n’oserait l’affirmer ». les intéressés apprécieront. Amen.

    • Nelson Mandji dit :

      Menace voilée. Y a-t-il un seul fait non-avéré dans votre morceau choisi ? Les intéressés ne s’intéressent-ils donc qu’aux approbations, même de leurs ratés ? Le rôle des médias est de regarder la réalité en face et d’indexer ce qui cloche. Les intéressés mènent-ils à la catastrophe, qu’il faut applaudir ? Détruisent-ils l’image du Président, qu’il faut appaludir ? Donnent-ils des coups d’épée dans l’eau, qu’il faut applaudir ? Le lèche-bottisme n’a jamais développé un pays.

  2. Henri Claude MBINA dit :

    Un article sale. Ni bon sens , ni humanité, ni empathie. Pourtant vous connaissez la situation sanitaire du chef de l’Etat, la réflexion sur le fait qu’il est utilisé sa main gauche est faite dans quel intérêt? Combien de gabonais ont été victime d’AVC? cela leur enlève t-il leurs capacités intellectuelles et autres? Non arrêtons avec ce débat qui n’a pas son sens. Allons y sur d’autres terrains. Cette homme est admirable, sa force de caractère, sa détermination à lutter contre le destin et sa maladie est admirable.

    J’ai écrit, Henri Claude MBINA

    • La Rédaction dit :

      Quand on porte des oeillères, quand on interprète tout à l’aune du partisanisme, quand on ne pige rien à rien, il vaut mieux parfois passer son chemin. Venez pas jouer sur la corde sensible de l’émotion et de l’empathie pour gagner points et galons ici. On en a vu d’autres.
      Vous voudrez interdire l’analyse ou l’interprétation de ce qu’il s’est passé que vous ne vous prendriez pas autrement. Commencez par une veille sur les réseaux sociaux pour comprendre l’effet que la halte gourmande de l’Ancienne Sobraga a eu, l’interprétation qu’elle a suscité. Sans se justifier on vous explique : cette histoire de « main jugée impure » abonde sur la toile et un journal sérieux ne saurait ne pas tenir compte du foisonnement de commentaires à ce sujet.
      Mais, sachant qu’après son AVC Ali Bongo a perdu la dextérité de sa main droite, ne pouvait-on pas lui éviter de manger en public avec les mains ? En communication tout est calculé d’avance, tout est anticipé – effets et réactions y compris, cher Henri Claude Mbina, l’homme qui a «ÉCRIT» un acte solennel.

  3. Henri Claude MBINA dit :

    lire: qu’il ait utilisé*

  4. Mbourou Guelou Anges Frederic dit :

    Je trouve cet article vraiment très interessant. Il nous exposent la situation comme elle est, il ait à nous d’en juger.

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