Honorariat attribué à Marie-Madeleine Mborantsuo, vices de procédures, présence massive des affidés du régime déchu dans les délégations spéciales… Ravivant le souvenir des cinq dernières années, certaines décisions du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) sont peu conformes à ses objectifs et principes.

Déroutées voire désabusées par la présence massive d’affidés d’Ali Bongo à la tête des délégations spéciales, les populations veulent comprendre. «On ne règle pas les problèmes avec ceux qui les ont créés», peut-on lire ou entendre çà et là. © GabonReview/Dall-E

 

Six mois après son arrivée au pouvoir, Brice Clotaire Oligui Nguéma envoie des signaux peu rassurants. Le président de la Transition suscite encore de l’espoir. Mais les événements de ces derniers jours, notamment le capharnaüm créé par l’honorariat attribué à Marie-Madeleine Mborantsuo et les nominations au sein des délégations spéciales dévoilent les porosités entre son cabinet, sa parentèle et ses fréquentations, faisant craindre un retour à l’ordre ancien. Comme nous l’écrivions récemment, «si (la délibération de la Cour constitutionnelle) est introuvable et improbable, qui a donc été à la manœuvre dans ce tour de force et à quel dessein ? Qui a fait prendre et fait signer le décret y relatif (…) et qui en a fait assurer les diligences pour publication au journal officiel ?» Dans la même veine, on peut se demander comment les zélotes du régime déchu ont-ils réussi à se tailler la part du lion au sein des collectivités locales.

Recyclage du personnel et des méthodes du passé

Dans le «Mémorandum sur la Transition gabonaise», le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) s’était engagé à «reconstruire l’édifice démocratique». Il avait ainsi fait la promesse de travailler «en concertation permanente (…) (avec) les partis politiques et la société civile». Comment peut-il ensuite élever l’un des principaux artisans des élections controversées à l’honorariat ? Comment peut-il minimiser le rôle de certains maillons de la chaîne de décision dans un tour de passe-passe juridico-institutionnel ? Comment peut-il expliquer l’absence des principales forces sociales, notamment les partis jadis coalisés au sein de la plate-forme Alternance 2023, lors de la désignation des délégués spéciaux ? Il y a là comme un air de renoncement aux objectifs et engagements de départ. Comme un recyclage du personnel et des méthodes du passé.

Peu importe les raisons, les événements de ces derniers jours ne sont à l’avantage de personne. Ravivant le souvenir des cinq dernières années, ils sont peu conformes à la mission de la Transition : «La refondation de l’État afin de bâtir des Institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif». Du CTRI, ils renvoient l’image d’un navire sans boussole, évoluant en eaux troubles, au gré des intérêts de quelques-uns. Du cabinet du président de la Transition, ils renvoient l’image d’un panier à crabes, où les luttes d’influence prévalent, où la volonté de placer des amis ou de leur faire la courte échelle sert de carburant, au mépris des compétences, états de service ou du passé des préposés. De la Cour constitutionnelle de la Transition, ils renvoient l’image d’une juridiction peu imprégnée du contexte, apeurée par la puissance supposée des zélateurs de l’ordre ancien.

S’imposer un examen de conscience

Si ses objectifs et principes ont été consignés dans des documents mis à la disposition du public, le CTRI peine à les réaffirmer ou à s’y conformer. Dans les faits, tant de choses alimentent doutes et méfiance. La composition de l’Assemblée nationale de la Transition avait ainsi déclenché des cris d’orfraie. Les récentes révélations de la Cour constitutionnelle de la Transition sur les «vices de procédure, de fond et de forme, (…) constatés sur la délibération du 2 septembre 2023 » et son indisponibilité dans «les minutes du greffe de la haute juridiction» font écho aux manipulations juridiques opérées sous le régime déchu, longtemps accusé d’«amateurisme», d’«incompétence» et de forfaiture. Déroutées voire désabusées par la présence massive d’affidés d’Ali Bongo à la tête des délégations spéciales, les populations veulent comprendre. «On ne règle pas les problèmes avec ceux qui les ont créés», peut-on lire ou entendre çà et là. Pour la suite, le CTRI gagnerait à entendre ce message.

Certes, on imagine mal le CTRI revenir sur ses pas ou se dire. On ne le pas voit exercer un droit d’inventaire sur lui-même. N’empêche, il a intérêt à se réapproprier les valeurs et principes énoncés par ses soins, notamment la loyauté, la probité, la justice, le mérite, le sens de la responsabilité et de la redevabilité… Il gagnerait aussi à réfléchir à la suite à donner à son alliance tactique avec certaines forces sociales, singulièrement les membres de la plate-forme Alternance 2023 et les organisations de la société civile libre. Pour ainsi dire, il doit s’imposer un examen de conscience. S’il pourrait avoir un effet cathartique, un tel exercice éviterait bien des déconvenues. Lancée il y a six mois seulement, la Transition semble déjà à la croisée des chemins.

 

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Mezzah dit :

    Si cette transition échoue, le PR de la transition en assumera l’entière responsabilité et l’histoire retiendra qu’il n’a été qu’un petit homme à la solde du PDG à qui il doit non seulement sa carrière militaire mais aussi tous ses nombreux biens immobiliers, matériels et financiers.
    Je rappelle que la prise du pouvoir a été justifiée par la gestion calamiteuse du pays, les détails tout le monde les connait je ne vais pas m’y attarder. Le peuple a dit « chassons le PDG ». Le PR a sillonné la sous-région et au-delà pour expliquer les raisons de la prise du pouvoir et demander la levée des sanctions, mais de l’extérieur on commence à se rendre bien compte que ce n’est que du pur mensonge. Comment espérer la levée des sanctions dans ce cas?
    La grogne du peuple se fait sentir et seuls le PR de la transition et les gens qui l’entourent ne sentent pas les bruissements de ce vent qui se soulève dans la population et à travers les réseaux sociaux (contestation de l’honorariat de 3M, reconduction à des postes clé des anciens du PDG, règles d’attribution des bourses insensées, réclamation des bourses à l’UOB, prêt de l’avion présidentiel au frère du PR de la transition, nomination des conjoints des ministres et des parents du PR de la transition aux postes clé, appels à la candidature du PR de la transition à la prochaine élection….la liste est longue). Le nombre de personnes qui accordent maintenant du crédit aux propos de A2O au sujet de la révolution du palais a augmenté de façon exponentielle, vous ne pouvez pas rester insensible à cela.
    Monsieur le PR de la transition nous vous interpelons parce que nous aimons notre pays et nous voudrions que les jours qui viennent ne soient pas sombres pour ce bien commun que nous avons. Tout le monde vous observe et malheureusement nous voyons que le chemin que vous empruntez n’est pas bon, il faut se le dire. Les institutions fortes que nous attendons ne sont pas en cours de construction, ce que nous voyons c’est la promotion du culte de la personnalité.
    Rectifiez le tire, il est encore temps. Vos conseillers (PDGistes) de l’ombre vous abandonneront quand le bateau prendra de l’eau, soyez en certain. C’est ce qui est arrivé à Moussa Dadis Camara, et c’était hier.

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