Relevant des pratiques du passé, les panégyriques et appels à la candidature de Brice Clotaire Oligui Nguéma résonnent comme une incitation à reproduire les erreurs du Parti démocratique gabonais (PDG).

Quitte à l’induire en erreur, à le pousser à la faute voire à le détourner de sa mission, il faut encenser le chef. On l’a vu avec Gervais Oniane appelant à la candidature d’Oligui Nguéma sans se soucier de l’impact de son geste sur la crédibilité du président de la Transition. Il faut faire échec aux opportunistes de tout poil. © GabonReview

 

«Les mauvaises habitudes ont la peau dure», dit un adage. Comme Omar Bongo Ondimba et Ali Bongo naguère, Brice Clotaire Oligui Nguéma est célébré avec emphase par les habitués des volte-face et retournements de veste. Objet d’un véritable culte pendant 42 ans, le fondateur du Parti démocratique gabonais (PDG) était présenté comme un homme infaillible, «l’arme du présent et du futur», «notre atout pour le troisième millénaire». Durant les 14 dernières années, son successeur était décrit comme la garantie d’un «avenir en confiance» ou d’un «Gabon émergent à l’horizon 2025», comme un visionnaire, un être incompris mais en avance sur son époque. On connait la suite : on a vu des gens se dédire, abjurer leur foi pour professer l’inverse avec le même aplomb. Pourtant, depuis la prise du pouvoir par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), les mêmes panégyriques reviennent, déclenchant colère et railleries.

Quête de prébendes et calculs politiciens

Si elles peuvent paraître choquantes ou rétrogrades, ces sorties ne sont ni le fruit du hasard ni de simples dérapages verbaux. Elles correspondent à une culture et à une pratique, héritées du parti unique et entretenues par la suite. Pour une bonne partie de la classe politique nationale, la vie publique est d’abord une affaire d’intérêts personnels. Les positions et points de vue changent au gré des circonstances et en fonction des rapports de force, le but étant de plaire pour ne pas s’éloigner des cercles de décision. Quitte à l’induire en erreur, à le pousser à la faute voire à le détourner de sa mission, il faut encenser le chef. Il faut être le premier à lui suggérer des actes visant non pas l’intérêt général, mais son maintien au pouvoir. On l’a vu avec Gervais Oniane appelant à la candidature de Brice Clotaire Oligui Nguéma sans se soucier de l’avis de son parti ni de l’impact de geste sur la crédibilité du président de la Transition. D’une autre manière, on l’a revu avec Hugues Mbadinga Madiya dressant un réquisitoire implacable contre Ali Bongo, son ancien mentor.

Certes, la politique n’est pas une activité désintéressée. Elle est aussi une affaire d’intérêts. Certes, les positions ne doivent pas être figées. Elles peuvent s’adapter au contexte. Mais, jamais l’individualisme et l’opportunisme n’ont permis de conduire des projets communs. Nulle part, ils n’ont facilité la conception d’un dessein collectif. Ni la «refondation de l’État» ni la poursuite de «réformes majeures» ni le «renforcement de l’indépendance de la justice et la lutte contre l’impunité» ne sont possibles dans un environnement où règne le chacun pour soi, où la quête de prébendes et les calculs politiciens l’emportent sur la loyauté, l’honnêteté et l’abnégation. La «promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés publiques» ou la «culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable» ? De tels objectifs ne peuvent être atteints là où la duplicité, la flagornerie et le reniement guident l’action.

Échec aux opportunistes

Si elle doit privilégier «le mérite, le sens de la responsabilité et de la redevabilité», la Transition ne peut s’accommoder de la flatterie ou des déclarations à contretemps, peu en lien avec les préoccupations de l’heure. Si elle doit promouvoir «la fraternité, la tolérance et l’inclusion», elle ne peut entendre des discours aux confins de l’apostasie. Or, depuis quelques temps, nombre de personnalités vont dans ce sens, comme s’ils veulent inciter le CTRI à reproduire les erreurs du PDG. Comme si la chute d’Ali Bongo ne leur a rien appris et ne dit rien de certaines méthodes. Certes, dans la perspective de la prochaine présidentielle, chacun est libre de son choix. Mais, avant d’appeler à la candidature de quiconque, il faut se souvenir de la mission première de la Transition : la restauration des institutions. Au lieu de multiplier les appels du pied, il vaut mieux observer une période de viduité. Surtout quand on a profité du régime déchu.

Pour ne pas laisser la Transition se détourner de son objectif, il faut faire échec aux opportunistes de tout poil.  De par leurs actes, certains protagonistes laissent le sentiment d’œuvrer à son enlisement, espérant en tirer bénéfice à titre personnel. D’autres semblent disposés à conduire le pays vers une nouvelle élection controversée, espérant jouer ensuite les premiers rôles au sein de l’appareil d’Etat. Si l’on veut conjurer ces deux risques, il faut se montrer sourd aux chants des sirènes. Si l’ont veut lever cette hypothèque, il faut dénoncer les pratiques du passé. Pour le bien de tous et de chacun. Pour la réussite de la Transition.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Yann Levy Boussougou-Bouassa dit :

    Les grecs dans l’antiquité disaient que les éthiopiens (terme par lequel ils désignaient les habitants du royaume antique de koush, et toute personne noire en dehors des egyptiens) sont les premiers à avoir fondé des royaumes et érigé leur roi au statut de divinité. Il semble que ce soit un trait qu’on ait conservé jusqu’ici. Sauf qu’à l’heure actuelle, diviniser un dirigeant est un anachronisme qui est bien souvent la marque des dictatures. Pendant longtemps Omar Bongo et Ali Bongo, comme le rapple l’article, ont été presque divinisés par des gens qui, aujourd’hui pour nombre d’entre eux, les clouent au pilori. Le président de la transition et son épouse (on a vu des dames de je ne sais plus quelle province chanter ses louanges) feraient bien de ne pas se laisser griser par les paroles de ces maîtres renard. Mais dans le même temps quand en tant que président de la transition, on loue « l’expérience » de celle qui était la clé de voûte du système nauséeux qu’on prétend vouloir combattre, et qu’on en fait la présidente à titre honorifique de l’une des plus importantes institutions du pays au mépris du droit et du bon sens, et bien on montre à la société qu’on est en réalité pour la continuité… et ses corollaires (le « kounabelisme », entre autres).

    • EBELEYANGO dit :

      Dans notre civilisation On sait que en toute personne, il y a une partie de Dieu créateur, de la divinité. D’où l’apologie du roi ou de la reine par les louanges. Ca bénit, ça les rend heureux, humains et bienveillant.
      Il n’y a pas de mal à cela. L’arcboutage de notre intellectualité dans la terroir grec est aussi une forme de divinisation culturelle à bien des égards éloignée de notre compréhension du monde et à nos valeurs. Attention attention,attention!

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