Depuis la reprise des classes, les APE (Association des parents d’élèves) focalisent l’attention d’une bonne partie de l’opinion. Pour cause, leur activité financière au sein des établissements scolaire suscite des interrogations du point de vue du droit. En prélevant aux apprenants, elles se sont auto-érigées en organisme de collecte, sans support ni garantie juridique. L’école est-elle un lieu de non droit ? Qu’en pensent les autorités compétentes ? Telles sont les interrogations de Michel Ndong Esso. Celui-ci est professeur certifié de philosophie et secrétaire général adjoint de l’Entente Syndicale de l’Éducation nationale (ESEN) chargé de l’Enseignement Secondaire

Les autorités se doivent d’opérer une mise au point. Au risque de paraître complice, elles doivent recadrer le fonctionnement et le financement des associations en milieux scolaires. © Gabonreview

 

Michel Ndong Esso, professeur certifié de philosophie et secrétaire général adjoint de l’Entente Syndicale de l’Education Nationale (ESEN). © D.R.

Au fil des ans, les associations de parents d’élèves (APE) tendent à s’imposer comme un acteur incontournable de la vie scolaire. En plus d’avoir un droit de regard sur le fonctionnement des établissements, elles se sont auto-érigées en organismes de collecte. Prétendant suppléer les carences de l’Etat, elles conditionnent la scolarité des jeunes Gabonais au versement d’une contribution financière. Or cette compétence à exiger des frais sur la scolarité des élèves n’est soutenue par aucun support juridique. Surtout, le caractère obligatoire d’un tel prélèvement pose la question de la responsabilité des gestionnaires des fonds ainsi collectés. Par qui et devant qui les APE rendent-elles comptent ?

Ni association, ni mutuelle

Si la loi 35/62 du 10 décembre 1962 affirme le principe de la liberté d’association en République Gabonaise, elle prend néanmoins soin d’en préciser le caractère conventionnel. Ce qui veut dire que l’adhésion à une association émane de la volonté exclusive des adhérents. Mieux, la loi prévoit le financement des associations par les seules cotisations des membres, en dehors des subventions de l’Etat et des dons. En d’autres termes, nul ne peut être tenu par l’obligation de financer une association s’il n’en est pas membre. Pourtant ce principe semble foulé au pied par les associations de parents d’élèves.

A la lumière de leur fonctionnement, les APE évoluent en marge des dispositions légales. En s’adjugeant le droit de prélever aux apprenants, elles cessent d’être une association au sens de la loi n°35/62. Et lorsqu’elles affirment défendre les intérêts des parents d’élèves, il leur manque encore la caution de la loi n°28/2016. Ni association, ni mutuelle, les APE évoluent dans un flou juridique total. Pour preuve, elles disposent rarement de corpus statutaires et de règlements intérieurs. Sinon, qu’elles clarifient leur fichier d’adhésion et s’exécutent aux procédures qui siéent. Faute de tout cela, elles risquent de s’apparenter à une arnaque à ciel ouvert. Et que dire de la comptabilité des fonds collecté ?

Quid de la comptabilité des fonds

Les observations formulées ci-dessus sont lourdes de conséquences. Elles interpellent les administrateurs des associations des parents d’élèves. Dans un Etat de droit, ils ne peuvent se soustraire à l’obligation de rendre compte de la gestion des fonds collectés. Transparence oblige, leur comptabilité doit être consentie et encadrée par les textes. Or, sans support juridique, il sera difficile au contribuable de leur exiger des comptes. A l’évidence, cette carence des textes ouvre la porte à toutes les dérives. Dans un pays où la corruption est une religion, le risque de voir les APE servir de caisses noires est bien réel. Et pour ne pas en arriver là, il revient à la puissance publique de réagir.

En effet, les autorités compétentes se doivent d’opérer une mise au point. Au risque de paraître complice, elles doivent recadrer le fonctionnement et le financement des associations en milieux scolaires. Surtout, elles doivent exiger le remboursement des frais indument perçus. Loin de nier le bien-fondé des plateformes des parents d’élèves, l’Etat doit leur donner une assise juridique et les limiter dans une posture d’observateur. Et si elles doivent générer des fonds, ceux-ci ne sauraient être supportés par les apprenants.

Sans cette mise au point, la tutelle donnera l’impression de s’accommoder à l’anarchie. D’autant plus que les frais versés aux APE mettent en mal l’égal accès à l’éducation des jeunes Gabonais, dans un contexte économique éprouvant pour les familles démunies. Dans tous les cas, l’activité financière des APE en milieux scolaire ne cadre pas avec la politique de l’égalité des chances prônée par le Chef de l’Etat.

 
GR
 

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