Fleur de saison : alors que le stade omnisport Omar Bongo est revenu, il y a quelques jours, sous les feux de l’actualité en risquant un incendie, Casimir Oye Mba jette un regard, furtif mais non moins réaliste sur la pratique du football au Gabon. L’ancien Gouverneur de la BEAC, ancien Premier ministre, vice-président de l’Union nationale rappelle la meilleure performance de l’histoire du football national : Sogara, seul club gabonais en finale d’une compétition continentale. S’il se demande à quoi servent aujourd’hui les stades construits ici et là pour la CAN, il pose également des interrogations essentielles et déterminantes pour booster lee «Sport-Roi» gabonais.

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Casimir Oye Mba, ancien gouverneur de la BEAC, ancien Premier ministre, vice-président de l’Union nationale. © tellmemoretv.com

J’aime le sport en général, pour la satisfaction qu’il me procure et pour ses valeurs : sens de l’effort et de la saine compétition, respect de l’autre, fair-play.

Comme la plupart des Gabonais, j’aime surtout le football, même si, en dehors des « Panthères », je ne suis supporter d’aucun club. Quand je regarde un match, je veux surtout voir du beau football ; peu m’importe qui gagnera.

Notre football a beaucoup évolué. L’Etat y met énormément d’argent, bien plus que dans d’autres sports. Mais force est de reconnaître que les résultats espérés ne sont pas au bout. Il y a certainement des tas de choses à faire pour que nos compatriotes eux aussi, connaissent un jour l’ivresse d’une victoire à la CAN. Des responsables, des spécialistes s’en occupent, certains avec passion. Mais, en observant notre football, je fais quelques constatations dans nos pratiques, qui ne sont pas toujours heureuses.

Je voudrais évoquer trois questions qui me paraissent déterminantes pour booster notre « Sport-Roi » :

  • Où jouer ? Sur quelles installations pratique-t-on le football ?
  • Qui joue ou qui peut jouer, et dans quel cadre ?
  • Avec quels moyens ?

1 – LES INFRASTRUCTURES

Depuis le « stade Kérélé » devenu ensuite « stade du R-P LEFEBVRE » (du nom d’un prêtre spiritain qui a beaucoup œuvré à la promotion du football au Gabon), nous avons créé plusieurs installations, à Libreville comme en province.

Mais sans être atrabilaire, on est obligé de dénoncer l’incohérence de certaines réalisations. Je ne suis pas convaincu que Libreville avait besoin de deux stades de 40.000 places chacun, que Port-Gentil avait besoin aussi de deux stades (le Pierre-Claver DIVUNGUI et le Michel ESSONGHE). A quoi servent aujourd’hui les stades d’entrainement et les hôtels que nous avons construits ici et là pour la CAN ?

Je ne comprends pas non plus pourquoi on laisse sans entretien telle installation qui nous a coûté des sommes importantes. J’ai été choqué par les images du nouveau stade d’Oyem, envahi par de hautes herbes. J’ai noté avec intérêt que le Ministère des Sports avait entrepris sa réparation. Est-il le seul ?…

En dehors de ces grandes installations, l’Etat devrait s’attacher à créer des mini-stades de proximité dans les principaux quartiers. Je vois parfois des jeunes qui sont contraints de jouer sur les accotements de la voie express à Libreville ; cela est très dangereux.

Auparavant, les écoles avaient une cour de récréation. Mens sana in corpore sano, disaient les Latins. Aujourd’hui nous construisons des écoles sans cour de récréation, des cités immobilières sans aire de jeu. Or, ces installations de proximité permettent aux jeunes de s’occuper sainement, de se distraire, et à certains d’entre eux peut-être de se distinguer.

2-LES PRATIQUANTS ET L’ENCADREMENT

Très rares sont les Gabonais qui n’ont jamais tapé dans un ballon.

Toute entreprise devant commencer par les fondements, nous devrions organiser et encourager les rencontres de minimes, cadets et juniors, de façon à donner aux jeunes le goût du football et à permettre la détection éventuelle de talents. La reprise des compétitions de l’O.G.S.S.U est une bonne chose à cet égard. Elles sont malheureusement trop espacées.

La pratique du football doit se faire, pour être efficiente, dans le cadre de clubs organisés. Le temps des RED STARS, OLYMPIQUE, ABEILLES, qui était celui de l’amateurisme intégral est dépassé. Dans le contexte d’aujourd’hui, seuls des clubs structurés peuvent évoluer. L’Etat et les différents responsables du football devraient exiger de chaque club encadrement technique et médical, installations appropriées, deux formations (1e et 2e division), au moins une équipe de juniors, et pourquoi pas, une section féminine.

Des individus doués pour le football naissent partout, y compris dans notre pays. Il faut que les jeunes talents gabonais bénéficient d’un environnement permettant à leurs virtualités d’éclore et de s’épanouir. EDSON ARANTES DO NASCIMIENTO avait en lui de grands atouts. Il est devenu PELE parce qu’un environnement porteur existe au Brésil. S’il était né à Malinga ou Nzamaligue, il ne serait jamais devenu PELE.

3-LES MOYENS

Plusieurs clubs ont été créés par « des en Haut d’en Haut » qui, en plus de la promotion du sport, construisaient des ambitions, compréhensibles au demeurant. Tout naturellement ces équipes périclitaient ou disparaissaient si l’étoile du mentor venait à pâlir.

Un club étant un investissement, il devrait être l’œuvre d’un homme d’affaires. (Cas de M. KATUMBI en RDC). Nous n’en avons pas encore de ce niveau. Que faire ?

La voie à emprunter découle de l’histoire récente de notre football.

Je relève que sur les 40 dernières années, notre meilleure performance a été la participation de SO.GA.RA à une finale de coupe d’Afrique. C’est le seul club gabonais à être parvenu en finale d’une compétition continentale. Je pense donc qu’on devrait reprendre l’idée de Léon MEBIAME, alors Premier Ministre, de demander à des entreprises ou à de grandes administrations de patronner des équipes, en étudiant spécialement les conditions d’une telle intervention. Faire dépendre des subventions de l’Etat le fonctionnement courant des équipes, le démarrage du championnat, n’est pas une solution viable.

Au total, nous devons retenir qu’en sport comme en toutes choses, les résultats ne sont que le fruit de l’organisation, du sérieux, du travail, et non de l’improvisation, de la chance, ou du frottement de telle feuille exceptionnelle.

Dans les lignes qui précèdent, j’ai survolé quelques aspects de la problématique de notre football. Bien d’autres existent : la formation des entraineurs, préparateurs physiques, arbitres ; le sponsoring, la représentation des joueurs, la place des joueurs étrangers dans nos équipes, les rapports entre le Gouvernement, la FEGAFOOT, et la FIFA etc….

Plusieurs personnes – gabonaises ou étrangères – s’occupent à un titre ou un autre de notre football avec dévouement, et sont soucieuses de le faire progresser. Elles côtoient d’autres, qui sont parfois des imposteurs et même des aigrefins. Peut-on séparer le bon grain de l’ivraie, ou tout au moins, empêcher ces derniers de nuire ? C’est le souhait de tous les amateurs de football.

Casimir OYE MBA

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GR
 

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