Ancien journaliste, Gilles Térence Nzoghe dénonce l’arrogance d’anciens barons du régime déchu, la mauvaise gestion des ressources locales et les tensions ethno-politiciennes qui minent le développement du Moyen-Ogooué. Il pointe notamment du doigt le mépris de l’opérateur pétrolier Maurel et Prom envers les revendications des populations autochtones. L’ancien Conseiller-membre du CNC appelle de ses vœux une enquête des nouvelles autorités pour ouvrir une ère de reconstruction et permettre à cette province riche en ressources naturelles d’enfin se développer.

Une rue de Lambaréné, chef-lieu du Moyen-Ogooué. © Googleusercontent.com

 

Gilles Térence Nzoghe, ancien Conseiller membre du Conseil national de la communication (CNC). © D.R.

Tout le monde l’a constaté ici dans le Moyen-Ogooué. Depuis que les militaires ont mis fin au régime qui nous a martyrisé pendant plus d’un demi-siècle, une poignée de compatriotes, anciens barons du régime déchu aujourd’hui sans attelage politique représentatif, mais bien connus pour leur complexe de puissance et leur mauvaise gestion des ressources humaines, continuent  à narguer les populations par des actions qui dénotent leur obstination à s’arc-bouter sur les avantages et privilèges acquis sous le régime décadent qui vient d’être chassé par les militaires.

Propre aux partisans convaincus de l’entre-soi, cette manière de résistance au vent de la transition et particulièrement à l’invite au changement de mentalité martelée depuis bientôt trois mois par le CTRI, est tout à fait contre-productive dans cette province métissée, dont le développement a été longtemps retardé par des blocages ethno-politiciens, mais qui est appelée, par la volonté de changement de ses habitants et grâce à ses immenses richesses, à un grand avenir. Un avenir fait d’espérance et de progrès.

D’où l’impérieuse nécessité pour ces nostalgiques de l’ancien temps, qui ont toujours brillé par leur arrogance et leur tribalisme, de suivre maintenant le droit chemin de la reconstruction, de la restauration des institutions et de la réconciliation nationale tracé par le Président Oligui Nguema et son Gouvernement national de transition.

 Le moment est donc venu d’arrêter d’imposer leur mensonge aux plus grand nombre. Un mensonge qui consiste à faire et à dire, en tout  temps et en tout lieu, que tout va bien alors même que tout va mal. De fait,  depuis plus de quarante ans, tout va très mal dans le Moyen-Ogooué en général et dans le département de l’Ogooué et  des lacs en particulier. Une situation qui est spécifique à notre province et qui n’a fait qu’empirer au cours des deux dernières décennies ; augmentant ainsi le risque de voir cristalliser l’exaspération des moins nantis et de voir du coup ce « Gabon en miniature » se transformer en poudrière.

 C’est très certainement ce malaise permanent, aujourd’hui insupportable, cette mauvaise gestion des ressources humaines et des équilibres ethnolinguistiques, qui a inspiré mon cadet Guy Pierre Biteghe, patron du journal Le Bandja qui consacre souvent une ou plusieurs pages de son canard aux actualités stupéfiantes de notre province, sous l’appel de titre  « République du Moyen-Ogooué ». Comme pour témoigner qu’il se passe trop souvent ici  des histoires inacceptables sous d’autres cieux. Des situations parfois traumatiques que les Migovéens, qui ont plusieurs fois fait la démonstration de leur capacité de résilience, vivent et gèrent de manière plutôt satisfaisante pour leurs bourreaux.  Mais pendant combien de temps encore ?

Comment peut-on se permettre encore en ces temps du changement (car transition signifie changement de méthode, changement de régime), de prendre des initiatives qui engagent près de 60 000 individus, qui peuplent cette province du centre-ouest du Gabon, sans consultation préalable ?

Comment et pourquoi des gens normaux, tout au moins en apparence, peuvent-ils  affirmer sans aucun scrupule de conscience que ça baigne dans l’huile dans cette république du Moyen-Ogooué, lorsqu’on sait que les guerres de leadership et les querelles intestines auxquelles se sont livrés les pédégistes, et qui ont fini par tuer le parti des masses à Lambaréné,  ont créée de profondes divisions et tensions, non seulement entre les différents groupes ethnolinguistiques, mais aussi à l’intérieur même de ces différentes  communautés ? Quand on sait par ailleurs qu’à cause sans doute de ses luttes opportunistes des places entre les tenants locaux de tous les leviers du pouvoir,  notre province n’a pas pu profiter de ses immenses richesses pour se développer.

Prenons le cas du pétrole localisé pour le moment en Ezanga dans le canton lacs sud. Baptisé ONAL ce champ pétrolier comptait il y a quelque temps une dizaine de plates formes qui produisaient pratiquement 20 000 barils de pétrole par jour ; chiffre officiel. Personne ne sait aujourd’hui, certainement pas les nouvelles hautes autorités du pays, combien de nouvelles plates formes ont vu le jour entre temps et quelle quantité réelle de pétrole cette industrie pétrolière produit maintenant par jour.

Une chose est cependant sûre : Maurel et Prom entretient depuis 2005 date de son arrivée en Ezanga, des relations conflictuelles, donc dangereuses, avec les populations de la contrée comme l’illustre encore cette semaine une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux. L’opérateur pétrolier est de nouveau accusé de mépris et de non-respect des délais fixés pour la signature d’une convention relative aux revendications des lacustres.  Un accord convenu en présence du Gouverneur du Moyen-Ogooué,  sur la base de la reconnaissance par le Directeur Général de Morel et Prom du caractère légitime et pertinent, donc urgent, des revendications des populations autochtones.

Parce qu’elles n’ont  jamais connu un début de résolution, les préoccupations des filles et fils du canton lacs sud, face à Morel et Prom n’ont pas changé depuis l’origine du conflit ; elles sont de deux ordres. Premièrement, l’emploi des ressortissants du Moyen-Ogooué en général et des populations des lacs du sud en particulier. Aucun effort appréciable n’a été fait dans ce sens près de vingt ans après. Aucun cadre administratif ou technique originaire du Moyen-Ogooué ne figure sur l’organigramme de Maurel et Prom, malgré toutes les actions pacifiques menées par les populations de la contrée et la dénonciation par ces mêmes populations de l’attitude d’indifférence des responsables politiques du département de l’Ogooué  et des lacs. Deuxièmement, il y a la question devenue tabou des investissements au bénéfice des populations autochtones. Maurel et Prom s’était solennellement engagé, le jour du lancement officiel de ses activités sur son site pétrolier en mai 2009, à offrir une enveloppe de 100 millions de francs CFA chaque année aux riverains, sur une période estimée à l’époque entre vingt et trente ans ; une somme destinée au développement durable. Un concept que l’opérateur pétrolier s’était donné sur le champ la peine de définir comme étant « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques de l’entreprise à l’ensemble de ses activités et des relations avec les parties prenantes ». Je garde encore les coupures des quelques journaux qui ont couvert cet évènement à ONAL, le 5 mai 2009 exactement. Où est  donc passée cette enveloppe annuelle de 100 millions qui n’ont jamais été versés ?

A ces deux préoccupations initiales des vrais propriétaires (après Dieu) de l’or noir d’Ezanga, toujours confinés dans l’oubli et la pauvreté, s’est ajouté le déversement des produits hydrocarburés dans les rivières autour du site ONAL. Des rivières qui se jettent dans le lac Ezanga qui à son tour communique avec les deux autres lacs : Onangué et Oguemooué. Une pratique irresponsable pouvant entrainer des risques de pollution susceptibles de mettre à mal la santé des populations. Des scandales à chaque fois étouffés dans l’œuf avec la complicité des fonctionnaires du Ministère en charge de l’environnement.

 Quant au problème posé par le non-respect des normes définies par la législation gabonaise en matière de recrutement de la main d’œuvre étrangère et de gestion de la main d’œuvre locale non permanente, il reste entier. Des plaintes récurrentes du personnel du site pétrolier d’ONAL n’ont jamais trouvé d’écho favorable de la part des anciennes autorités gouvernementales qui excellaient cependant dans la répression des mouvements d’humeur des agents de Maurel et Prom. Ce sont des plaintes de même nature, donc pour les mêmes causes, qui sont à l’origine du deuxième sit-in organisé en moins de deux mois sur le site pétrolier depuis quelques jours par des riverains en colère. Le Gouverneur du Moyen-Ogooué s’est empressé d’envoyer une quinzaine de gendarmes qui ont réussi à faire reprendre le travail perturbé pendant quelques jours. Une fuite en avant.

Espérons que ces manifestations pacifiques provoquées par l’exaspération des populations désespérées, qui vivent dans la précarité et la pauvreté, ne seront pas systématiquement réprimées. Les nouvelles autorités du pays, qui prônent la reconstruction et la réconciliation, seraient bien inspirées si elles diligentaient maintenant une enquête gouvernementale pour démasquer  les responsables des blocages qui nourrissent le chao entretenu à Morel et Prom par des gens sans discernement et sans brin de justice, et  qui sont jusqu’ici tapis dans l’ombre.

Si Maurel et Prom n’applique pas au Gabon les mêmes principes de respect et d’équité qui, d’après ses propres déclarations sur son site web, auraient guidé ses actions dans la dizaine d’autres pays répartis sur les cinq continents où il a exercé ses activités d’opérateur pétrolier, c’est qu’il bénéficie chez nous de la protection de grosses légumes de  notre pays qui ont leurs intérêts dans cette affaire.

Non tout ne va pas bien dans le Moyen-Ogooué. Il est temps de reconstruire notre vivre ensemble. Notre province est pleine d’hommes et de femmes intelligents et généreux. Qui ne demandent qu’à participer aujourd’hui  à l’œuvre de reconstruction et de réconciliation nationale entamée par le CTRI.

Gilles Térence NZOGHE

Journaliste

 
GR
 

2 Commentaires

  1. BARBERA-ISAAC Léon dit :

    Lambaréné n’a rien. Pas de port fluvial digne de ce nom, des berges à l’abandon qui pourraient être valorisées, pas d’université, pas de lycée technique, pas de centres de formations, un centre-ville à l’allure coloniale avec de vielles bâtisses, un réseau d’assainissement pluvial et liquide quasi inexistant (la preuve avec les inondations récurrentes),pas de chantier naval alors que l’environnement de la ville s’y prête, presque pas de quartiers planifiés…l’urbanisme dans cette ville est mort cash.

  2. Rembourakinda dit :

    C’est une grave erreur de croire que les militaires étaient là pour améliorer les conditions de vie des populations. La GR est le bras armé de l’ancien système, il perpetue les anciennes méthodes. Rien n’a changé. Voilà pourquoi les anciens barons jubilent. Avec Oligui Nguema ils ne seront jamais en danger. Pour qu’ils soient jugés, il faut un président démocratiquement élu, pas un putchiste. Suivez mon regard. Ali Bongo et les autres doivent être jugés, pour cela il faut virer Oligui et sa clique.

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