Le Gabon s’apprête à vivre un tournant historique avec la tenue prochaine des Assises Nationales Souveraines (ANS). Mais pourquoi ne pas les avoir appelées Dialogue National Inclusif (DNI) comme initialement prévu ? C’est la question que pose l’Apprenti-Sage M. Ngomo Privat dans une tribune cinglante. Selon lui, le terme de DNI serait inadapté au contexte gabonais actuel, d’un point de vue sémantique, historique et d’inclusivité. Les ANS lui semblent bien plus appropriées pour traduire les enjeux de ce grand débat national décisif. L’auteur formule 6 recommandations au gouvernement de Transition pour en garantir la réussite.

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Privat Ngomo, responsable général du mouvement NewPower. © D.R.

Dans quelques mois, notre pays le Gabon entrera dans le moment historique le plus critique de la Transition. Ce moment crucial où les Gabonais vont s’approprier le pouvoir souverain pour décider de l’avenir de leur pays. En effet, ce peuple gabonais, longtemps privé de souveraineté depuis la pseudo-indépendance de 1960, a l’opportunité inespérée de se retrouver, de discuter pacifiquement et fraternellement des questions républicaines et de s’accorder consensuellement sur des points fondamentaux qui constitueront son vivre-ensemble dans tous les aspects de la vie nationale.

Le Dialogue National Inclusif (DNI) sera convoqué par les nouvelles autorités du pays pour permettre la tenue de ce grand débat national attendu ardemment par toutes les populations gabonaises avides d’un changement rapide de leurs conditions de vie. Si le principe d’un forum populaire est accepté par toutes les parties, il convient de marquer quelques nuances voire réserves dans le groupe de mots sensé porter cette proposition. Rappelons que c’est l’ensemble substantif Dialogue National Inclusif qui a été imaginé par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) pour traduire dans la réalité le besoin de débat du peuple gabonais. Mais ce groupe de mots DNI est-il pertinent ? La question mérite effectivement d’être posée aux regards de certains aspects qui paraissent intéressants à soulever.

Sur le plan sémantique : dialogue du grec « dia » et « logos » renvoie à une parole entre deux entités : la majorité et l’opposition. Or depuis le 30 août 2023, il n’y a plus de majorité (PDG et alliés) et d’opposition (Alternance 2023 et divers), du propre aveu même du Président de la Transition, le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema. Il n’y a plus, selon lui, que des Gabonais, toutes classes sociales et politiques confondues, qui sont amenés à « s’asseoir » sous l’arbre à palabres pour débattre du devenir de leur pays.

Sur le plan historique : depuis l’avènement du retour au multipartisme dans notre pays en 1990, des élections présidentielles se sont tenues pendant trente ans avec le même et affligeant scénario qui n’a jamais honoré la démocratie renaissante de notre jeune nation.  Les violentes crises post-électorales qui sont toujours survenues ont nécessité des dialogues politiques pour apaiser les tensions socio-politiques. Les Gabonais ont eu droit aux Accords de Paris après le premier dialogue en 1994 dans la capitale française. Il fallait éteindre le feu né de l’élection présidentielle contestée du 05 décembre 1993 d’Omar Bongo. Puis, rebelotte en 2006, avec le deuxième dialogue politique ayant débouché sur les accords d’Arambo après la très contestable élection en décembre 2005 d’Omar Bongo Ondimba à la présidence de la République. En 2010, la conférence nationale exigée par André Mba Obame, véritable vainqueur de l’élection présidentielle du 30 août 2009 usurpée par Ali Bongo Ondimba, n’eut jamais lieu. Le troisième dialogue, celui d’Angondjè, tenu en 2017, venait à la suite de la fraude électorale et de l’hideux massacre qui caractérisèrent l’élection présidentielle du 27 août 2016, remportée haut-la-main par Jean Ping Okoka. Il est fort à parier, que si la Young Team de Nouredinne Bongo Valentin avait réussi son coup de force le 30 août 2023 – avec certainement le soutien d’Oligui Nguema – on aurait servi aux Gabonais un énième dialogue. La formule est depuis fort bien connue et usée jusqu’à la corde. Tous ces dialogues tenus au Gabon en trois décennies, mais pour quels résultats tangibles au bénéfice du peuple gabonais ?  Vaincre le signe indien en 2024, revient à commencer par récuser cette terminologie de DNI à cause d’un passé de triste mémoire.

Sur le plan de l’inclusivité : ajouter le terme « inclusif » à « national » pour caractériser le dialogue traduit en réalité l’absence d’inclusivité. En effet, si le dialogue est national, il est forcément inclusif car toute la nation y est conviée. Pourquoi alors dans ce cas, rajouter encore inclusif ? Certainement pour masquer l’absence réelle d’inclusivité et de représentativité de tous les Gabonais car les provinces du Gabon sont les plus oubliées dans cette affaire. En réalité, rien n’est fait actuellement de manière très concrète pour les impliquer. Tout se passe dans la capitale et quant aux provinces, eh bien ! elles n’auront qu’à suivre !  Ce mépris du Gabon profond n’est pas acceptable à l’heure fatidique où tous les Gabonais sans inclusive doivent se retrouver et redessiner les contours de leur pays pour les 50 prochaines années.

Ces trois arguments présentés objectivement discréditent le groupe de mots DNI, c’est la raison pour laquelle, les Sages lui préfèrent celui de Assises Nationales Souveraines (ANS), d’autant que la notion de « souveraineté » n’apparaît nullement dans l’acronyme DNI.

Pourquoi retenir Assises Nationales Souveraines ?

Assises : parce que les Gabonaises et Gabonais qui veulent contribuer au développement de leur pays doivent « s’asseoir » dans le Mbandja ou l’Aba’a pour rebâtir notre beau pays tombé en déshérence. Le peuple gabonais va ainsi renouer avec une tradition multiséculaire à laquelle il est resté attaché.

Nationales :  tous les Gabonaises et Gabonais désireux de participer à ce grand débat et remplissant les critères de sélection pourront s’exprimer et apporter leur contribution pour la refondation de nos institutions. Toutes les provinces doivent absolument être représentées et non marginalisées. Chacune des 10 provinces (dont la diaspora) devrait déléguer 15 membres pour parler en son nom et dans l’intérêt de tout le Gabon.

Souveraines : le Président de la Transition, répondant lors de la présentation solennelle de vœux au prélat désigné pour présider ce grand débat national, a affirmé à la face du monde tout entier que cette rencontre sera transparente et souveraine. L’archevêque métropolitain, Monseigneur Jean-Patrick Iba-Ba posait à juste titre cette interrogation car il avait en mémoire la déconvenue de la Conférence nationale de 1990 qui ne fut pas souveraine.

Pour rendre possible et réussie la tenue de ces ANS, le gouvernement de la Transition serait bien inspiré de considérer les 6 points importants suivants :

  1. Acter la terminologie Assises Nationales Souveraines (ANS) plutôt que Dialogue National Inclusif (DNI) ;
  2. Impliquer les 10 provinces du Gabon en envoyant des missions de terrain à cet effet ;
  3. Définir les termes de référence des ANS, c’est-à-dire, l’organisation et le fonctionnement des ANS, sans oublier les thématiques en débat et la durée des ANS ;
  4. Déterminer le nombre total de participants aux ANS et la qualité des personnalités publiques ou des organisations diverses devant y prendre part ;
  5. Déterminer les lieux de la tenue des ANS et les aménager pour la circonstance ;
  6. Déterminer le budget total des ANS.

L’apprenti-Sage

Ngomo Privat

 
GR
 

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