La période actuelle suscite trois séries de questions : sur le rapport des militaires au pouvoir à notre histoire, sur leur capacité à faire régner la justice et, sur leur disposition d’esprit à réhabiliter certaines personnes.

Ces dernières années, des familles ont été endeuillées, des enfants ont perdu des parents, des jeunes mutilés ou marqués à vie. Peu importe la forme, il faut leur rendre justice. Le CTRI doit réfléchir à une suite acceptable, respectueuse des droits de tous et de chacun. © Info241 – Montage GabonReview

 

Depuis le 30 août, nombre d’observateurs questionnent le sens politique d’une transition. Voulant circonscrire la mission du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), ils disent leurs craintes d’un enlisement ou d’une dispersion des forces. Cent jours plus loin, leurs interrogations font toujours autant sens. La période actuelle s’inscrit-elle dans la continuité ou dans la rupture avec les années Ali Bongo ou plus largement celles marquées par le règne du Parti démocratique gabonais (PDG) ? Vise-t-elle à faciliter le passage d’un régime réputé autoritaire à un autre, plus vertueux et plus démocratique ? Ou plutôt à hâter l’essor collectif «vers la félicité», c’est-à-dire ce bonheur national brut théorisé par l’ancien roi du Bhoutan, Jigme Singye Wangchuck, et fondé sur quatre piliers : le développement économique et social à la fois durable et équitable, la préservation et la promotion des traditions locales, la protection de l’environnement et, la bonne gouvernance ?

Droit à la justice

Même s’ils n’en feront jamais l’aveu, les membres du CTRI en ont conscience : leur mandat soulève un triple questionnement. D’abord, sur leur rapport à notre histoire, plus ou moins récente. Sont-ils prêts à aider le peuple à exercer librement son droit de savoir, c’est-à-dire à faire la lumière sur les événements traumatisants de ces dernières années ? Sont-ils disposés à documenter ces faits et à en archiver les preuves pour écarter tout risque de révisionnisme ou de négationnisme ? Peuvent-ils aider à répondre définitivement à cette question reprise en boucle entre 2018 et 2023 : «Qui dirige le Gabon» ? Ou alors à mettre un visage sur le concepteur du si controversé «bulletin unique» voire à parvenir à une version consensuelle du déroulé et du bilan de l’assaut contre le quartier général de de Jean Ping en août 2016 ? Plus loin dans le temps, peuvent-ils se pencher sur les émeutes de Port-Gentil en 2009, sur la purge opérée dans l’administration publique entre juillet et octobre de cette même année ou sur les responsabilités dans le verrouillage de l’espace civique ?

Comme on peut s’en douter, ces questions ouvrent sur un autre questionnement : le droit à la justice. Certes, personne ne doit être livré à la vindicte populaire ou servir de mouton expiatoire. Mais nul ne l’ignore : surnommée «la Tour de Pise» pour sa propension à rendre des décisions orientées ou destinées à assurer le maintien du régime déchu, l’ancienne Cour constitutionnelle porte une lourde responsabilité dans le retard démocratique, les dysfonctionnements institutionnels et la détérioration du vivre-ensemble. En août 2016, elle évoqua une «demande reconventionnelle» d’Ali Bongo au grand étonnement des constitutionnalistes, rendant une décision des plus curieuses. En novembre 2018, elle jugea la Constitution «lacunaire», ordonnant l’application d’une notion inconnue de la littérature spécialisée : «l’indisponibilité temporaire du président de la République». En août dernier, elle valida le «bulletin unique», refusant d’entendre les critiques émises sur cette trouvaille. Pour ces seules raisons, les anciens juges constitutionnels doivent des explications à la communauté nationale.

Droit aux réparations

Les membres de l’ancienne Cour constitutionnelle peuvent-ils bénéficier d’une absolution ? Avant d’envisager une telle hypothèse, il faut répondre au questionnement sur le droit aux réparations. Tout au long de ces dernières années, des familles ont été endeuillées, des enfants ont perdu des parents, des jeunes ont été mutilés ou marqués à vie. D’autres ont été privés de leurs droits les plus élémentaires, y compris le droit au travail ou celui d’aller et venir. Peu importe la forme, il faut leur rendre justice. Rose Francine Rogombé ayant été «réhabilitée» par le CTRI, d’autres compatriotes peuvent bénéficier du même traitement. Comme Mboulou Beka ou Gregory Ngbwa Mintsa, les personnes ayant trouvé la mort à Port-Gentil en 2009 ou au quartier général de Jean Ping en 2016 méritent peut-être la reconnaissance de la nation. Et cette énumération n’a nullement prétention à l’exhaustivité. Ne pas le faire reviendrait à laisser une sentiment d’iniquité.

Selon l’agenda de la Transition, un Dialogue national inclusif est prévu pour le mois d’avril 2024. Du point de vue de nombreux acteurs politiques ou de la société civile, ce sera l’occasion d’aborder la question de la justice transitionnelle. Avec insistance et sur tous les tons, ils le disent et le redisent. Dès lors, le CTRI gagnerait à ne pas minimiser cette demande, à se préparer à y répondre. Sylvia Bongo, Nourredin Bongo Valentin et leurs affidées étant en détention provisoire pour des mobiles divers, il ne faut pas laisser le sentiment de sombrer dans la vengeance ou la justice des vainqueurs. Autrement, cela pourrait très vite susciter de la méfiance ou conduire à la désaffection populaire. Aux militaires au pouvoir de le comprendre et de réfléchir à une suite acceptable, respectueuse des droits de tous et de chacun.

 
GR
 

5 Commentaires

  1. Serge Makaya dit :

    Merci ma fille ou petite fille Roxanne. Akiba pour ton article. Mais vois-tu, j’ai le sentiment que nous sommes tous toujours aveugles. Mon petit frère le professeur Ondo Ossa n’avait finalement pas tort : il n’y a pas eu coup d’Etat, mais plutôt une révolution de palais orchestré par le Quai d’Orsay (la raciste française Marine Le Pen l’a reconnu et ouvertement dit à leur Assemblée Nationale en France). Donc nous vivons TOUJOURS sous influence française ou francafrique. C’est bien le Quai d’Orsay qui a préparé ce vrai-faux coup d’Etat comme il savent le faire. Et ils ont choisi mon fils Brice Clotaire Oligui Nguema parce qu’il est à la fois fang et teke. Choisi ainsi pour satisfaire à la fois les fang (ethnie majoritaire) et mes teke (ethnie* qui était encore au pouvoir il y si peu) * Quoi qu’Ali Bongo n’est du tout pas teke ni même Gabonais si ce n’est qu’adoption.

    Les français, en la personne de mon fils Brice Clotaire Oligui Nguema ont donc de nouveau une nouvelle MARIONNETTE qu’ils vont certainement tout faire pour maintenir au pouvoir comme les deux anciens Bongo (Omar et Ali).

    Mon fils Brice Clotaire Oligui Nguema RESTERA UNE MARIONNETTE DE LA FRANCAFRIQUE CROYEZ-MOI. ET JE SAIS TRÈS BIEN CE QUE J’ÉCRIS. UNE VRAIE MARIONNETTE QUI NE VA QUE S’EXÉCUTER. Car si ce coup d’Etat aurait été UN VRAI COUP D’ETAT, autrement dit ces mêmes français auraient de nouveau intervenus pour faire « régner l’ordre (selon leur expression).

    Ce que je peux dire maintenant c’est que notre pays est de nouveau MAL PARTI. Tant qu’il y aura la France derrière ces pseudo coup d’Etat, notre pays ne décollera JAMAIS croyez-moi sincèrement. La Conférence Nationale d’avril ne changera rien tant que demeurera la nébuleuse francafrique qui a de nouveau son nouveau PANTIN en la personne de Brice Clotaire Oligui Nguema général MARIONNETTE (PANTIN) du Quai d’Orsay.

    En tant qu’ancien du B2, j’ai d’abord voulu croire à un vrai coup d’Etat, vu les les coups d’Etats réussis chez les autres : Mali, Burkina Faso, Niger… Mais en réalité de coup d’Etat au Gabon, il n’y en a pas eu du tout si ce n’est qu’une simple révolution de palais comme le disait déjà mon petit frère Ondo Ossa (akiba mon petit frère, tu as vu juste).Le même Quai d’Orsay fera TOUT pour maintenir sa nouvelle MARIONNETTE Brice Clotaire Oligui Nguema aussi longtemps que possible « au pouvoir » (c’est pour eux la seule façon de continuer à manipuler notre pays à leur guise).Et ça, les maliens, les Burkinabais et les Nigeriens l’ont enfin compris et sont sur le point de prendre réellement leurs véritables essor…

    Toutefois, il nous reste une toute dernière chance : c’est celle de ne plus faire d’élections présidentielle et de confier le pays à un Conseil d’Etat ( ou appelez ça comme bon vous semble). Car une nouvelle élection présidentielle avec Brice Clotaire Oligui Nguema comme candidat le verra tout simplement gagner la dite élection présidentielle qui, en réalité, sera toujours manipulée par la nébuleuse francafrique ou Quai d’Orsay.

    C’est à l’actuel Assemblée Nationale et au Sénat de proposer des personnes vraiment COMPÉTENTES pour un gouvernement extrêmement limité à pas plus de 20 personnes maximum. Et au sein de ce gouvernement, à tour de rôle (tous les mois par exemple), l’un des membres de ce gouvernement assure la responsabilité de la présidence. Il n’est pas « chef », mais serviteur PRINCIPAL du gouvernement pour un mois seulement, ainsi de suite tous les autres mois avec un nouveau membre de ce gouvernement qui doit durer au moins deux ans avant de faire son bilan en présence des membres de l’assemblée nationale et du Sénat.

    Ainsi organisé, je reste convaincu que notre pays décollera véritablement.

    NE COMPTEZ PLUS JAMAIS SUR LA FIABILITÉ D’UNE ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE. ELLE NE LE SERA JAMAIS TANT QUE LA NÉBULEUSE FRANCAFRIQUE RODERA TOUJOURS AUTOUR DE NOUS. COMPRENNE QUI VOUDRA.

    A NTARE NZAME…

  2. Serge Makaya dit :

    Autre chose : vous entendrez de moins en moins parler de Commonwelt, parce que Ali Bongo (son épouse SURTOUT) n’est plus au pouvoir. Car en voulant adhérer au Commonwelt, c’était SURTOUT pour Sylvia Bongo Valentin de se défaire des liens de la francafrique. Croyez-moi SINCÈREMENT. Je sais parfaitement ce que j’écris. Et le Quai d’Orsay voyait aussi ce danger. Raison d’ailleurs du discours improvisé d’Ali Bongo en anglais juste après le pseudo coup d’Etat. C’était pour appeler au secours à ses amis du Commonwelt.

    Non, le Gabon ne se porte toujours pas bien après ce pseudo coup d’Etat orchestré par le Quai d’Orsay ou francafrique.

  3. Akoma Mba dit :

    100 jours après, les retraités qui ont assez souffert continuent dans la même misère malgré la promesse du Chef de la Transition. Et pourtant ce n’est pas l’argent qui manque vu tout ce qui se distribue depuis le 30 août. Pourquoi ne pas commencer par payer la moitié de la dette envers les retraités? Ce n’est pas une faveur mais un droit

  4. messowomekewo dit :

    Pour l’avoir déjà écrit ici même, je vais donc me répéter, le Gabon notre pays a besoin d’un électrochoc, le CTRI ne peut pas le lui administrer. au delà de l’euphorie suscitée par le coup de libération, nous devons à la vérité de dire qu’il y avait trop de collusion
    entre la haute hiérarchie militaire et le régime déchu; de ce fait il n’est excessif de penser que l’armée dans son ensemble à défaut de cautionner , a laissé beaucoup de choses se faire, y compris des expéditions punitives, en l’occurrence l’attaque du quartier général de M. Ping.A un moment il faudrait hélas que l’institution militaire rende des comptes à la nation pour son rôle dans le long règne des Bongo avec tous les dérapages observés pendant cette période sinistre. Tout ce zèle observé dans les différentes décisions par la cour constitutionnelle rendues, ne se justifiait que par l’assurance du soutien inconditionnel de l’armée ,du moins de la haute hiérarchie militaire. Certains membres de la cour constitutionnelle, se pavanent dans les rues de Libreville, quid de leur responsabilité dans les différentes manipulations de la constitution, visant le maintien des bongo au pouvoir…?

  5. Akoma Mba dit :

    Pourquoi le sosie d’Ali Bongo n’est-il pas en prison?

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