Faux transitaires : quand un pasteur devient le cauchemar d’une fidèle après Dubaï

La sœur Eva, une gabonaise, dénonce une vaste escroquerie orchestrée par un pasteur en qui elle avait placé sa confiance. Le litige, mêlant importation de véhicule depuis Dubaï, pressions psychologiques, faux transitaires, dysfonctionnements judiciaires, éclabousse aussi bien les milieux religieux que ceux de la justice gabonaise et les pratiques douteuses au port de Libreville. Son expérience illustre les risques auxquels sont exposés de nombreux particuliers face à des réseaux d’arnaqueurs exploitant la méconnaissance des procédures portuaires et douanières au Gabon.

La voiture dans le conteneur lors de l’embarcation à Dubaï. © D.R.

La voiture détériorée. © D.R.
Tout commence alors que la sœur Eva cherche à acquérir un véhicule à Dubaï. Ayant connaissance des activités d’importation de son pasteur Vladmir Ekoga Aviseiy, un gabonais qui exerce dans une église nigériane implantée dans tout le Gabon, elle décide de lui demander conseil. «Je l’ai appelé pour lui faire le compte-rendu de la voiture que j’avais trouvée. Apparemment, je n’aurais pas dû le faire», raconte-t-elle. Dès cet instant, le pasteur commence à la mettre en garde. «Il m’a dit : à Dubaï, on ne va pas seul», avant de l’orienter vers un de ses partenaires d’affaires. Sous l’influence du duo, la sœur Eva accepte de retirer son premier dépôt pour suivre leurs recommandations. Mais rapidement, les incohérences s’accumulent.
Absence de documents d’expédition, facture incomplète, refus de transmission du numéro du container. À son retour à Libreville, elle découvre que le véhicule est introuvable, malgré une vidéo prouvant son embarquement. Le pasteur revient à la charge avec une série de demandes financières : 2,5 millions de francs CFA, 600 000 francs CFA de surestarie, 70 000 francs CFA par jour pour l’emmagasinage, et 150 000 francs CFA pour Interpol. «J’ai payé les 150 000 mais sans jamais recevoir de facture. Je n’ai même jamais vu le bureau du transitaire», dit-elle, soupçonnant une arnaque bien ficelée. Décidée à ne pas céder, elle porte plainte à la brigade sud de la Gendarmerie.
Pressions, chantage et impasses judiciaires
L’enquête s’enlise : l’enquêteur est muté, l’affaire considérée comme «trop compliquée». Elle se tourne alors vers la Direction générale des recherches (DGR). Elle découvre que son véhicule a été non seulement dépoté sans son autorisation, mais aussi vidé et endommagé. Le pasteur contre-attaque en déposant une plainte pour diffamation. Il bénéficie d’un soutien inattendu : celui de l’église, via son supérieur hiérarchique. Un comité est mis en place, les parties convoquées, mais rien n’aboutit. «L’église n’a pas tenu parole», regrette-t-elle. Le pasteur national aurait proposé de payer les 2 millions de francs CFA réclamés, à condition qu’Edwige renonce à toute poursuite. Elle refuse.
La procédure judiciaire connaît des retournements troublants. Un procureur, après avoir demandé que le nom du pasteur soit retiré de la plainte, classe l’affaire sans suite. «Rien de pénal dans cette affaire», lui dit-on. Pire, lorsqu’elle révèle que le transitaire, Lamine Mavioga Fouiri était un faux et non reconnu par la Douane, on lui répond : «C’est le Gabon, qu’est-ce que vous voulez ?». Le pasteur se permet même de menacer ouvertement en pleine audience : «Si elle porte plainte pour destruction de bien, moi aussi j’ai une plainte pour diffamation». Malgré l’arrivée d’un nouveau procureur général plus rigoureux, les obstacles persistent. L’église conditionne toute aide à un renoncement de ses droits.
Justice à deux vitesses et climat d’intimidation
Lors d’un interrogatoire survenu le 24 décembre 2024, elle vit un moment qu’elle qualifie de surréaliste. «Le transitaire est reçu en priorité, libéré, et moi, plaignante, je suis gardée jusqu’à 16h, seule avec le commandant qui voulait me forcer à signer des documents que je ne reconnaissais pas». Le pasteur se présenterait comme un agent des services de renseignements, exerçant dans les bureaux de l’ancienne RTG. Une position qui semble lui avoir valu certaines protections. «Le commandant m’a demandé si je ne voulais pas m’attaquer au transitaire parce que le pasteur était un indic. J’ai dit non, j’ai déjà failli être enfermée pour avoir simplement cité son nom», confie-t-elle.
Aujourd’hui, malgré de nombreuses démarches, un investissement de 20 millions de francs CFA pour son voyage et la perte d’un véhicule endommagé, la sœur Eva dit se battre encore pour la reconnaissance de ses droits. «Je ne sais pas si je vais un jour oublier ce que j’ai vécu», dit-elle. Elle est engagée dans un contentieux juridique avec Lah Sheik Tidiane Niang, le propriétaire du conteneur dans lequel ses biens étaient entreposés. Ce dernier aurait procédé au dépotage de sa marchandise sans mandat ni autorisation formelle de sa part.

1 Commentaire
C’est un constat consternant. Comment croire en la 5ème République qui a en ses rangs toujours les mêmes voleurs, menteurs, tricheurs, abuseurs. 94% ont voté qui ? quoi ?pourquoi ? et comment ?. 80% de la population n’a pas intérêt que cela change car leur fortune, les petits loyers locatifs, leurs postes et ceux de leur enfants, ils le doivent à la corruption qui prévaut ici au Gabon comme une religion.