Pour la réussite de la rencontre du 13 février courant, le processus en cours aurait dû être pleinement démocratique, c’est-à-dire transparent, inclusif et juste. Or, il n’en est rien.

Note conceptuelle toujours attendue. Maître d’œuvre toujours pas connu. Tractations préliminaires toujours pas initiées. Or, si Ali Bongo espère offrir au pays une opportunité de se ressouder, il ne peut prendre le risque d’une nouvelle crise post-électorale. © Gabonreview

 

À moins d’une semaine de son ouverture, la «rencontre» censée jeter « les bases de la préparation des scrutins au lendemain apaisé» ressemble sinon à un serpent de mer, du moins à un bond dans l’inconnu. Dans ses vœux à la Nation, le président de la République s’était gardé d’en décliner les aspects opérationnels, se contenant de proclamer sa volonté de la convoquer «dans les meilleurs délais». Au terme de sa réunion du 1er février dernier, le Conseil des ministres ne s’est pas montré plus disert, se limitant à fixer la date puis à confirmer l’objectif général. Volontairement entretenu ou pas, ce flou n’incite guère à l’optimisme. À l’exception de groupuscules opportunément apparus, les forces sociales n’ont pas jugé utile de se prononcer. Même la plate-forme Alternance 2023 s’est murée dans un silence de cathédrale. Comme si tout cela importait peu.

Ne plus retomber dans les errements du passé

Cette indifférence n’est pas vraiment une surprise. Instruites par l’expérience du passé, les forces sociales n’ont eu de cesse de demander des précisions. Pour l’opposition, comme pour la société civile, les modalités pratiques auraient dû être déclinées. Quel statut pour cette «rencontre» ? Quelle personnalité pour la présider ou en assurer la facilitation ? Comment y prendre part ? Quelle composition pour les délégations ? Quels seront les sujets en débat ? Quel sort pour ses résolutions ? Seront-elles exécutoires ou auront-elles valeur de recommandations ? Quel rôle pour les institutions en place, notamment le président de la République, le gouvernement et le Parlement ? Existe-t-il un comité préparatoire ? Sur toutes ces questions, l’exécutif observe un mutisme assourdissant, laissant le sentiment de naviguer en eaux troubles.

Pourtant, à travers «les bases de la préparation des scrutins au lendemain apaisé» se pose la triple question du vivre-ensemble, de la crédibilité de notre démocratie et de la respectabilité des institutions. Contrairement à une idée reçue, des élections mal organisées ne sont à l’avantage de personne. Même si elles garantissent le maintien du sortant, elles le coupent toujours du peuple, hypothéquant sa capacité d’action. On l’a vu en 2009, le gouvernement s’étant senti obligé de remercier une bonne partie de la technostructure, livrant l’administration voire le pays aux arrivistes et aventuriers de tout poil. On l’a de nouveau vécu en 2016, l’élection ayant débouché sur une grand-messe et un gouvernement d’union nationale chargé de mettre en œuvre les actes du Dialogue national d’Angondjè en lieu et place du Programme pour l’égalité des chances. Avec la «rencontre» du 13 du mois courant, Ali Bongo espère ne plus retomber dans les errements du passé.

Impréparation totale

Sauf à faire montre de cynisme ou d’irresponsabilité, les imprécisions de l’exécutif se comprennent difficilement. A moins de croire en une manœuvre autodestructrice, son goût pour l’opacité ne se justifie pas.  S’il veut se donner une chance de solder le passé, Ali Bongo ne peut s’autoriser un contentieux pré-électoral. S’il espère offrir au pays une opportunité de se ressouder, il ne peut prendre le risque d’une nouvelle crise post-électorale. Tels sont, en tout cas, les enjeux de son initiative. Pour toutes ces raisons, le processus en cours aurait dû être pleinement démocratique, c’est-à-dire transparent, inclusif et juste. Or, il n’en est rien. A ce jour, la note conceptuelle est toujours attendue. Le maître d’œuvre n’est toujours pas connu. Idem pour le négociateur en chef de la majorité. Pis, selon certaines indiscrétions, aucune tractation préliminaire n’a été initiée.

Dans ce contexte, l’attitude du ministre de l’Intérieur en rajoute à la confusion, confortant l’idée d’une impréparation totale. Sauf si le cadre juridique et institutionnel a changé, «la préparation des scrutins au lendemain apaisé» suppose un reprofilage du Centre gabonais des élections (CGE). Or, si les lois revêtent encore une quelconque valeur, cette entité jouit toujours du pouvoir «d’organiser et d’administrer toutes les élections politiques et référendaires au Gabon». Comment comprendre l’entêtement de Lambert-Noël Matha à en renouveler le bureau, quitte à prendre des libertés avec les textes ? Par souci de se conformer aux injonctions de la Cour constitutionnelle ? Mais, rien ne lui interdit d’interroger de nouveau la juridiction constitutionnelle. En se gardant de l’inviter à le faire, le gouvernement ne l’a nullement aidé. En revanche, il a semé des doutes sur ses intentions réelles, sur sa conception de la «rencontre» tant annoncée, comme sur sa capacité à donner de la lisibilité aux initiatives du président de la République.

 
GR
 

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