L’arrestation de Coach Capello, éducateur sportif de 50 ans, permettra-t-elle de démanteler ce réseau pédophile impliquant de nombreux pontes du football en particulier et, du sport gabonais en général ?  

Incapable de discipliner ses cadres, de protéger des mineurs placés sous sa responsabilité, l’instance faîtière du sport-roi s’est disqualifiée d’elle-même. Par le passé, elle a obtenu de la Hac l’interdiction d’un journaliste ayant évoqué des attouchements sexuels sur des footballeuses. © Gabonreview

 

Dans le milieu, tout le monde l’appelle Coach Capello. Pour l’état-civil, il se nomme Patrick Constant Assoumou-Eyi. Agé de 50 ans, c’est un éducateur sportif de talent. Accusé d’avoir «violé, formé et exploité de nombreux garçons», il a été mis aux arrêts suite à une enquête publiée par The Guardian. Le quotidien britannique parle de «masturbation», de «fellation» et même de «rapports sexuels» avec des «centaines de jeunes garçons.» Décrivant un personnage cynique ayant profité de la «pauvreté» de ses victimes supposées, il dénonce un «secret de polichinelle», une «pratique bien ancrée», un réseau impliquant de nombreux pontes du football en particulier et, du sport gabonais en général. Ni journalisme jaune ni inquisition dans cette description. Juste une volonté de présenter un tableau d’ensemble, censé offrir à chacun des outils d’appréciation.

Atteinte aux bonnes mœurs

Même si cette histoire sourdait depuis des années, ces révélations décrivent un milieu interlope, où l’immoralité le dispute à la couardise : des mineurs dévorés par l’ambition, désireux d’aller monnayer leur talent sous d’autres cieux ; des encadreurs peu scrupuleux, incapables de réfréner leurs appétits sexuels ; des dirigeants lâches, contraints de fermer les yeux ou d’imposer l’omerta. Si l’on se réfère au précédent haïtien, la commission d’éthique de la Fédération internationale de football (Fifa) doit s’en mêler. Les tribunaux de droit commun aussi. Synchroniquement mais séparément, des enquêtes doivent être ouvertes. Pour toutes ces raisons, l’«appel à témoins» de la Fédération gabonaise football (Fegafoot) paraît décalé et indécent. N’ayant pas pu discipliner ses cadres, s’étant montrée incapable de protéger des mineurs placés sous sa responsabilité, l’instance faîtière du sport-roi s’est disqualifiée d’elle-même. Comme le dit le président du Réseau des organisations de la société civile libre pour la bonne gouvernance (Rol-BG), «les seules entités habilitées à recevoir les témoignages des victimes sont les ONG spécialisées (…) (dans la défense) des droits de l’homme, les magistrats, huissiers de justice, avocats et psychologues

De fait, ces révélations ne pointent pas seulement des pratiques contraires aux valeurs du sport. Elles dénoncent aussi une négation des droits de l’enfant, particulièrement le droit d’être protégé de la violence et de l’exploitation. Au-delà, elles soulignent une atteinte aux bonnes mœurs, laissant subodorer un trouble à l’ordre public passible de sanctions pénales. Si le gouvernement entend lutter contre l’exploitation sexuelle des mineurs, il doit effectivement saisir la justice. Surtout, il doit la laisser faire son travail dans les règles de l’art. L’affaire Capello va-t-elle déboucher sur le démantèlement de ces réseaux pédophiles ? Va-t-elle permettre de faire la lumière sur les violences sexuelles dans le sport ? Sans jouer les cassandre ni faire montre d’un optimisme béat, on rappellera cette réalité : hommes ou femmes, des prédateurs sexuels évoluent au sein de toutes les fédérations sportives, parfois au niveau décisionnel le plus élevé. Et, les mineurs sont leurs cibles favorites.

Le précédent des footballeuses

Par ailleurs, nombre de dirigeants de clubs ou de fédérations sont des personnalités politiques ou des hommes d’affaires très introduits voire issus du sérail. Autrement dit, le monde du sport, notamment celui du football, est particulièrement imbriqué dans la sphère politique. Même si les révélations de The Guardian ont eu une résonance hors du commun, cette interpénétration pourrait nuire au bon déroulement de l’enquête. Déjà, notre confrère Gabonactu.com, le rappelle : pour avoir évoqué le cas de footballeuses victimes d’attouchements sexuels, Freddy Koula Moussavou fut interdit de toute activité professionnelle pendant trois mois, en juillet 2019. Décidée par la Haute autorité de la communication (Hac), cette sanction faisait suite à une saisine de la Fegafoot. Si une enquête fut ordonnée par le ministre des Sports d’alors, on en attend toujours les conclusions. De ce précédent, on tirera deux enseignements : la nécessité pour les victimes et leurs parents de s’organiser en collectif et, l’obligation pour eux de se faire accompagner par des avocats ou des organisations de défense des droits humains.

Il faut se garder de réduire l’affaire Capello à sa dimension sportive ou à une question relevant du quotidien de la Fégafoot. Les mineurs d’aujourd’hui sont les adultes de demain. Si la société les protège, si elle leur offre de bonnes conditions de vie, ils seront armés pour perpétuer la tradition. A l’inverse, s’ils subissent des atteintes sexuelles, si leurs agresseurs jouissent d’une impunité, ils vivront avec ce traumatisme et en seront marqués à vie. En conséquence, ils seront naturellement tentés de reproduire leur vécu. Ainsi apparaîtront, dans un futur plus ou moins proche, de nouveaux Capello.

 
GR
 

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