Pour que les auditions actuelles ne ressemblent ni à une diversion ni à un règlement de comptes, Ali Bongo doit jouer la carte de l’exemplarité. Il doit clarifier le rôle d’une banque privée bien connue et du Comité stratégique des finances publiques dans la gestion du pays.

© D.R.
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En décidant de s’attaquer aux crimes économiques et financiers, l’exécutif croyait sans doute pouvoir faire d’une pierre deux coups : déporter le débat sur les années Omar Bongo et tétaniser l’opposition. Mais non, voici que l’enquête s’emballe en touchant des fonctionnaires actuellement en poste et n’ayant connu leur heure de gloire que sous Ali Bongo, tandis que l’opposition se dit prête à collaborer et à «rendre coup pour coup». A l’évidence, on s’achemine vers un grand déballage public avec, en prime, la mise en accusation de la gouvernance d’Ali Bongo et de son rôle durant les années Omar Bongo. Pour tout dire, c’est le procès des années Bongo tout court qui semble s’ouvrir. Mais, pour cela, l’exécutif doit être prêt à changer. Changer son rapport à la justice, changer son rapport aux institutions, notamment la Cour des comptes, changer sa relation aux institutions financières privées, changer sa gestion des régies financières, changer sa relation à la loi. Bref, l’exécutif doit changer sa gouvernance.
Certes l’exécutif peut se prévaloir d’avoir initié cette opération. Certes ses principaux ténors peuvent toujours prétendre ne pas être impliqués dans les malversations mises à nu. Mais l’opinion est si convaincue d’être en face d’une nouvelle tentative d’enfumage ou d’une opération de règlement de comptes pour que ces auditions se fassent à la carte, à la tête du client. Un ancien directeur de cabinet du ministre des Travaux publics est convoqué mais le ministre lui-même n’est en rien inquiété. Dans la plupart des cas, les personnes entendues se trouvent en bout de chaîne, loin des sphères de décision. C’est comme si, ayant compris qu’il n’a rien à gagner à ce jeu, que tout ceci induit un raidissement des positions qui ne peut que le conduire dans le mur et provoquer un véritable big bang politique comme on l’a vu en Italie au début des années 90 avec l’opération Mani pulite, l’exécutif semble avoir fait le choix de ne livrer que des fonctionnaires. Toute chose étant égale par ailleurs, on peut déjà s’attendre à la disparition du PDG et des partis traditionnels. N’ayant plus de reconnaissance administrative depuis janvier 2011, l’Union Nationale ne peut, au pire, qu’être obligé de modifier et rajeunir son directoire.
L’exécutif a la mission historique de refonder la gouvernance à la gabonaise. S’il croit le faire en s’appuyant sur la justice, il se condamne à l’instrumentaliser. Au pouvoir, sans discontinuer, depuis 1967, le PDG a tout à y perdre. Déjà, on relève avec malice que les dernières révélations d’Ali Bongo lors de son entretien du 17-août ont permis de savoir que, contrairement à ce qu’il affirmait jusque-là, il est bien propriétaire à Paris où il dispose d’un «chez moi» et surtout que depuis 30 ans maintenant il est associé aux décisions les plus importantes, y compris la nomination des principaux membres du cabinet présidentiel. Dans le même temps, on rappelle que si Zacharie Myboto a quitté le gouvernement depuis plus d’une décennie et que les faits qui pourraient lui être reprochés peuvent être prescrits, les autres ténors de l’opposition ne peuvent relever que de juridictions d’exception puisqu’au moment des faits dont ils pourraient être accusés, ils étaient, pour la plupart, membres du gouvernement. Or, les juridictions d’exception ne sont pas permanentes. Leur convocation ne peut que résulter d’un processus politisé voire politicien.
Banque privée, Finances publiques
Pour aller de l’avant, l’exécutif doit commencer par le commencement. Autrement dit, il doit procéder à une clarification entre biens publics et biens privés et dresser une cloison entre argent public et argent privé, au lieu de favoriser la mainmise de banques privées sur les finances publiques. Cet aggiornamento semble beaucoup plus urgent que la recherche de boucs-émissaires ou de sacrifices expiatoires à livrer à une population accablée par son vécu quotidien.
Dans sa lutte contre la corruption Jerry Rawlings fut d’une rare brutalité, prenant quelque liberté avec les droits de l’homme et les principes démocratiques. Mais, l’époque s’y prêtait, les conditions de son arrivée au pouvoir le laissaient deviner alors que sa virginité politique légitimait sa pratique. Peut-on reproduire cela au Gabon ? Il est permis d’en douter. La vérité oblige à dire qu’Ali Bongo ne peut légitimer cette campagne que par l’exemple et l’exemplarité. La stratégie de l’homme providentiel, du despote éclairé ne saurait fonctionner.
Sur l’affaire dite des biens mal acquis, Ali Bongo n’a cessé de se poser en victime collatérale voire en innocent, en personnalité au-dessus de tout soupçon. Il est bien possible que les enquêtes actuelles visent à faire diversion, à étendre l’affaire à tous les barons de l’ère Omar Bongo. Mais qu’il réussisse ou non à l’élargir, là n’est pas le fond du débat. La question, au-delà des agissements des uns et des autres, est celle de la confusion entre biens publics et biens privés. Le fond du problème c’est la conception patrimoniale de l’Etat. S’il veut assainir la gestion de la chose publique, le président de la République doit clarifier le rôle d’une banque privée bien connue dans la gestion des finances publiques, sans oublier de restaurer la chaîne de dépenses en supprimant le fameux Comité stratégique des finances publiques dirigé par son directeur de cabinet. Le Gabon a besoin de respecter la loi et les normes internationales, de revenir à l’orthodoxie. Il n’a pas besoin de spectacle ou de combat de matamores. Au rythme où vont les choses et eu égard au passé des uns et des autres, les enquêtes actuelles semblent être une fausse solution. Mais, elles pourraient devenir un vrai problème.
 

 
GR
 

28 Commentaires

  1. Ta seyi dit :

    La charite’ bien ordonnee commence par soi mm. Et savoir diriger les hommes releve de l’intelligence. Notre presi doit prendre des cours intensifs de leadership.

  2. albert dit :

    cette chasse aux sorcieères n’aboutira pas car le pouvoir, Ali et le PDG ont tout à perdre. et la fameuse banque BGFI, pour ne pas la citer, comment peut elle être impliquée dans les finaces publiques? comment expliquer que cette banque approvisionne les finance publique à des taux d’interet que seul le TPG et le DGB et Ministre maitrise. sauf si c’est le comité stratégique de gestion qui est à la manoeuvre

  3. Don Corleone dit :

    Belle analyse,vous êtes toujours égale à vous même,Roxane Bouenguidi, si nos écrivaillons de Gabon Matin et l’Union nous publiaient, des tels articles le journalisme serait coté au Gabon. Mais bon, à chacun sa plume

  4. OB dit :

    Cher ALI
    Tu portes en toi les germes de ta propre destruction .
    OYIMA ? C’est pour quand ?

  5. MAYOMBO MAPANGOU JEAN CLAUDE dit :

    SA propre mère « LA MAMA  » a elle aussi des compte à rendre !!!

  6. Kombila Aimé dit :

    Ali Bongo doit d’abord interpellé sa belle-mère Patience Dabany et ses oncles et cousins etc.. tous ont pillé le Gabon.

  7. Ali m'a tuer dit :

    Qui est poursuivi pour avoir mal géré les fêtes tournantes dans le haut ogooué?
    « bête comme Ali » doit figurer dans le dico

  8. Bouka Rabenkogo dit :

    Il faut commencer par Ali Bongo Ondimba qui entretien la tradition de « Voler à Soit Même » établit par Albert Bongo (son père adoptif) et son clan, qui sont incapables de justifier aujourd’hui, la provenance de leur immense fortune.
    « La charité bien ordonnée commence par soi même »
    Vous avez transformer tous les gabonais en voleur de leur propre richesse. Le mouvement « ÇA DOIT SE FAIRE MAINTENANT » soutien à 100% le propos du Révérend Mike Jocktane qui appelle au départ d’Ali Bongo pour l’Avènement de la « Nouvelle République » et d’une « Nation ».
    « Le Patriote »

  9. Nil dit :

    le Gabon tristement celebre

  10. Petit Yannick dit :

    Très bel article. Tout est dit. Tout est claire.
    Rien d’autre à ajouter.
    Roxane Bouenguidi…mes sincères encouragements.

  11. custer93 dit :

    Ce type de traque est non seulement complexe mais en l’etat, le gouvernement Gabonais n’a pas les outils pour mener pareille campagne à moins que le but est simplement de divertir voir de brandir une épée de Damoclès au dessus de la tête des opposants afin de les obliger à faire profil bas et ainsi raser les murs. Pour des délits de malversation financière, il nous faudra une juridiction capable de savoir traquer les avoirs planqués dans des banques étrangères et peut être nationales. Pour cela, l’état à besoin d’avoir à sa disposition des juristes aguerris à ce type d’exercices hors vu ce que l’on observe on est tenté de dire q’il en existerait pas au Gabon. De plus, vue la confusion entre la séparation de pouvoir qui caractérise notre pays, fort est à parier que le gouvernement téléguidera la justice en pointant du doigts les futurs victimes certainement déjà choisis. Enfin, il faudra des décennies, entre les enquêtes, les auditions et les mises en demeures pour que les 1er coupables tombent. Aucun Gabonais de la classe politique actuel ou ancienne n’a hérité de quelques parents riches à ma connaissance. Et le gap entre ce que peux rapporter les émoluments en tant que fonctionnaire fut-il ministre durant des années et l’opulence dans laquelle certains vivent il y a un os. Tous iraient simplement derrière les barreaux!

    • Petit Yannick dit :

      Vraiment aucun n’a hérité d’un grand parent affairiste. Tous sont devenue a partir des années 90, pour certains bien avant, subitement richissimes.
      D’où sortent-ils l’argent avec lequel ils ont construit a gauche a droite ? Anciens comme nouveaux dirigeants. Opposants comme Émergents.

  12. o_nome dit :

    « Comité stratégique des finances publiques dirigé par son directeur de cabinet » mais il gère tout dans ce Gabon Emergent c est vraiment un surhomme* ce Mr …

  13. douckdouk dit :

    une seule chose, que ce système change, car il est pourri- tous, des mafiosistes… A commencer par la maman qui avait fait couler toute la banque du Lexembourd- 19 milliards- et c’est pas tout, tout le marché de Mont MBOUET avec son sois disant terrain ancestral- pitié le gabon… en 2016, les memes moutons iront voter les pilleurs à cause des bieres et de 5000 a chaqu’un voir meme 2000.

  14. PIP dit :

    Un texte à produire une éjaculation….Ce pays regorge de talents étouffés…Merci pour ce texte bien taillé. Vraiment bravo.

  15. Mayi Mayo dit :

    Et svp, ne nous prenez pas pour des idiots hein! On veut voir tout le monde à la barre: les ba Dabany, les ba Oyiba, les Bongo, les Louèmbè, Acrombessi, Souleyman, Seydou Kan, j’en passe et des meilleurs. Ce sera plus équitable et plus crédible. Merci.

  16. Mayi Mayo dit :

    Je dis hein, donc le béninois dircab en chef présidait même un Comité Stratégique des finance publiques? éh bèn mon vieuuuuxxx!!!Je comprends mieux pourquoi c’est lui qui se charge d’acheter des hôtels particuliers de 65 milliards à Ali à l’étranger. Et c’est comme ça depuis 30 ans!Bon, si c’est comme ça, les autres de l’opposition ont eu raison de bouffer aussi! Non mais attendez, ça c’est quel maboulisme où je vais voir les patrons qui sont en au sommet de la pyramide s’empiffrer et moi je vais rester là à les regarder?! Non, ce qui dérange Ali c’est qu’il n’ait pas été et qu’il ne soit toujours pas le seul habilité à puiser éternellement dans les caisses de l’Etat sans compte à rendre. Il aurait adoré voir une opposition famélique, de gens sans le sous mais en face il a des gens qui sont indépendants financièrement, matériellement et qui n’en ont rien à cirer de lui.ça a le don de l’irriter, d’où ses gesticulations stériles.
    Mr Ali Bongo, dites nous, c’est quoi cette société écran que tu as monté avec ton cousin Oyiba et qui s’appelle ShipOmar, société immatriculée à Gibraltar et « battant pavillon » marocain? Et c’est quoi ces mallettes d’argent qu’Acrombessi apportent à chaque fois chez votre ex femme aux USA?
    Mr Ali Bongo tant que vous ne nettoierez pas devant votre porte, il vous sera difficile, voire très difficile, de jouer au donneur de leçon ou à faire le Mr Propre.

  17. supernova dit :

    Roxanne Bouenguidi je vous demande en mariage ici et maintenant!!! Quel talent!!! Chapeau bas!!! ::-D

  18. Encore les choses de chez nous dit :

    Clair, limpide, sans passion et fluide dans la lecture. Rien en à redire, Respect Mme. pour cet article.
    Avec ces Auditions c’est tout un système qui tombera à moins d’être maboule et aveugle. Chose qui n’arrivera pas car le parti en place a tout à perdre.

  19. le 9 dit :

    assez bien écrit mais pas très approfondi ni appuyé par des exemple pour la compréhension d’un public plus large. c’est bien. ça donne envie de lire.

  20. OWIYOULOU dit :

    si ali bongo porte les germes de sa destruction, cela ne devrait que nous rejouir.
    si ces audits peuvent permettre de changer la classe politique cela ne devrait que nous rejouir.
    je constate malheureusement que les gens ont peur des auditions pourquoi? meme ceux qui n’ont rien fait comme moi.
    Publiez cela aussi pas seulement ceux qui insultent ali: tout le monde est justiciable

  21. KOUMBA CHRISTIAN dit :

    BRAVO
    Ce texte merite d’etre commenté par nos étudiants !
    ROXANNE , ton talent prouve que les émergents n’ont jamais cherché l’excelence !

  22. SAINTE MARIE dit :

    ALI PENSE ORGANISER LE CHAOS AUTOUR DE L’OPPOSITION APRES AVOIR REFUSE LA CONFRENCE NATIONALE!
    COMMENT VOIR MRS PING ,EYEGHE-NDONG,MYBOTO EN PRISON SANS REAGIR ?
    CONCRETEMENT ,ALI EST VRAIMENT POLITIQUE ?
    J’AI EN MA POSSESION LES DOCUMENTS QUI PROUVENT QUE SA VOITURE A ETE ACHETER GRACE AU DETOURNEMENT DE L’ARGENT PUBLIC…….

  23. Bil Ngana dit :

    Nous sommes tentés, une fois de plus, de douter de la sincérité du pouvoir. Depuis cinq ans, il nous habitue à des prises de positions ou à des décisions bruyantes et périodiques qui laissent croire à un nouveau départ. Pour n’aboutir, finalement, que sur des flops. Les exemples sont nombreux et le dernier en date concerne cette fameuse campagne de lutte contre la pauvreté. La pauvreté continue allègrement à nous accabler de manière drastique et nous nargue comme par le passé. La lutte contre les détournements massifs fait à présent son numéro et là, ABO n’a pas bien cerné le mammouth contre lequel il veut se frotter. Il (ABO) ressemble à ce parfait inconscient perché sur la branche qu’il commence à scier en ayant des mimiques semblables à des sourires forcés. Qui l’a forcé à entreprendre cette chose à l’issue incertaine ? Est-il normal, ce fameux jeune ? Les Nzouba Ndama, les 3M du 2C et les autres doivent à présent se rendre compte de leur idiotie consistant à suivre dans le fossé, la folie de la Mama, qui devrait accourir la première dans le box des accusés, puis ABO, cet héritier (il)légitme (?) de OBO, puis toute la fratrie. Ce n’est pas ainsi que les Gabonais avaient imaginé la suite de ce feuilleton. Mais la justice poursuit toujours ceux qui la bafouent impunément.

  24. Bil Ngana dit :

    Mon plus grand désarroi dans cette histoire de septennat d’ABO, est qu’on parle de mon Président en des termes seyant à un malotru. Mon Président doit être irréprochable, correcte et sensé. Il doit avoir le souci du bien-être de ses compatriotes et refléter ce qu’ils ont de plus digne, plus respectable et plus social. Il doit lui-même respecter la Loi qu’il incarne et ne jamais prêter le flanc à aucun coup tordu. Mon Président doit mériter le respect et la loyauté de tous ses concitoyens. Il doit être une icône que chacun a envie de garder chez soi, avec soi. Lorsqu’il est critiqué, jeté en pâture aux chiens et aux oiseaux, il ne mérite plus d’être mon Président : il est honni, vomi ; il doit partir.

  25. YENO ERIC dit :

    C’est la conference nationale d’ALI !!!!!
    Nous irons tous participer a ce suicide!
    L’enterrement du PDG en live au tribunal de LIBREVILLE .

  26. Ali et Cie, quelle bande de blagueurs! Ils achètent des hôtels particuliers de 65 milliards en France, entre autres, et ils viennent nous faire du bruit!

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