Entre la «presse de la présidence de la République» et celle dite «libre et indépendante», c’est l’escalade. Pour mettre un terme à cette tension, certains journalistes doivent se convertir aux principes déontologiques.

Travestissant les propos de Christian Patrichi Tanasa et Ike Ngouoni Aîla Oyoumi, les journaux proches du palais s’adonnent à la calomnie voire à la diffamation, prenant sur eux la responsabilité de nuire à l’honneur et à la réputation d’autrui. © Montage Gabonreview

 

Respect de l’autre et des normes en vigueur Affirmations à la limite de la dénonciation calomnieuse, détournement des propos ou écrits d’autrui, menaces, saisine de la Haute autorité de la communication (Hac) et même plaintes… Entre la «presse de la présidence de la République» et celle dite «libre et indépendante», c’est l’escalade. Au sortir de son «conclave extraordinaire» du 10 août courant, l’Organisation patronale des médias (Opam) s’est dit prête à «rendre coup pour coup», affirmant se réserver «le droit d’ester en justice contre X (…) et contre les différents organes de presse gratuitement malveillants envers ses membres.» Quelques jours plus tard, son président a exigé des «excuses publiques (de la part) des officines du palais présidentiel.» A l’inverse, ces sites n’ont eu de cesse d’accuser l’Opam d’ourdir un complot contre le «porte-parole et directeur de la communication présidentielle, Jessye Ella Ekogha», coupable d’avoir prétendument «mis un terme aux pratiques de financement, direct ou indirect (…) dont les médias dits indépendants (auraient) bénéficié

A quelle fin ultime ?

Comment en est-on arrivé à une telle tension ? Pour l’Opam, la réponse coule de source : leurs adversaires tentent de polluer le débat né des «graves révélations faites, au tribunal de Libreville, par les anciens alliés des actuelles mains dirigeantes du palais présidentiel.» Selon une «stratégie de communication aussi hasardeuse, irréfléchie qu’inopérante», ils en arrivent à accuser «l’institution qu’est le président de la République (…) de corrompre les responsables de presse libre et indépendante.» «Ce sont les organes de presse contrôlés par le palais présidentiel qui alimentent cette situation honteuse et scandaleuse. Nous voulons pour preuve, la reprise à leur compte, de nombreux tracts mensongers qui circulent sur les réseaux sociaux (…) En tant que président, je ne l’accepte pas», a expliqué Télésphore Obame Ngomo dans une lettre ouverte à Sylvia Bongo Ondimba.

Comme on pouvait l’anticiper, la «presse de la présidence de la République» ne l’entend pas de cette oreille. De son point de vue, l’Opam campe dans une logique de «règlement de comptes.» Son objectif ? «Obtenir la démission de Jessye Ella Ekogha» et «concentrer le tir sur la première dame, Sylvia Bongo Ondimba et sur le fils aîné du couple présidentiel, Noureddin Bongo Valentin.» A quelle fin ultime ? Mystère et boule de gomme… Or, en prétendant avoir eu accès aux délibérations du «conclave extraordinaire» de l’Opam, ces journaux diffusent une information non vérifiée, flirtant avec la désinformation et la manipulation. En travestissant les propos de Christian Patrichi Tanasa et Ike Ngouoni Aîla Oyoumi, ils s’adonnent à la calomnie voire à la diffamation, prenant sur eux la responsabilité de nuire à l’honneur et à la réputation d’autrui. En se posant en boucliers de la famille nucléaire du président de la République, ils laissent le sentiment d’accepter des directives rédactionnelles venues de milieux extérieurs au journalisme, se posant en organes de propagande.

L’esprit de nos institutions

A l’évidence, cette crise a été rendue inévitable par la conjonction de trois éléments : la trop forte politisation de certains sites, leur illégalité assumée et une mauvaise compréhension de la déontologie journalistique. Comment en sortir ? En appliquant les règles et en respectant l’esprit de nos institutions. Si la séparation entre vie publique et vie privée était étanche, jamais la famille nucléaire du président de la République n’aurait été citée dans la gestion des deniers publics. Si le président de la République n’était pas perçu comme le chef exclusif d’un camp politique, nul n’aurait eu l’idée de créer une presse directement rattachée à son cabinet, les médias publics étant déjà à sa disposition. Si ces sites avaient été contraints de décliner leurs adresses et les identités de leurs animateurs, ils auraient hésité avant de lancer des accusations gratuites. Si d’aucuns ne confondaient pas journalisme et propagande politicienne, ils ne se sentiraient pas dans l’obligation de réagir avec véhémence, quitte à triturer les faits.

A bon droit, la Hac a déploré cette «propension aux attaques confraternelles», appelant «au ressaisissement, à la retenue, au respect mutuel et à une saine solidarité confraternelle.» Il lui reste maintenant à aller au-delà. Invitera-t-elle la «presse de la présidence de la République» à se conformer aux dispositions de la loi n° 019/2016 relatives à la création des entreprises de communication numérique ? On ose l’espérer. Déjà, on peut se réjouir du rappel de certains principes déontologiques. Pour eux-mêmes, pour le métier et pour la République, certains journalistes ont intérêt à se convertir à la notion de respect. Respect de l’autre et des normes en vigueur.

 
GR
 

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