Le soutien de l’ancien président français aux régimes les moins vertueux ne s’est jamais démenti.

Jacques Chirac et ses homologues burkinabè Blaise Compaoré, gabonais Omar Bongo Ondimba, camerounais Paul Biya et congolais Denis Sassou Nguesso, lors d’un sommet franco-africain, à Cannes le 16 février 2007. © Patrick Kovarik / AFP

 

En 42 ans de vie publique, Jacques Chirac aura livré quatre batailles pour la présidence de la République. Défait en 1981 et 1988, il l’emporta à la troisième tentative en 1995, avant d’être reconduit en 2002 pour un ultime quinquennat. A la retraire depuis maintenant 12 ans, il a tiré sa révérence le 26 septembre courant. Son exceptionnelle longévité politique en fait incontestablement l’une des figures essentielles de politique française des 60 dernières années. Président de la République, Premier ministre, ministre, maire de Paris, président de parti, il aura énormément pesé sur les relations entre son pays et ses anciennes colonies. Seulement, sa carrière se sera faite à l’ombre des réseaux d’influence et autres lobbies intervenant dans divers domaines afin de détourner, à des fins personnelles, le produit des matières premières ou de l’aide publique au développement. C’est dire si un acteur majeur de la Françafrique vient de s’en aller.

Sauver des dictateurs en danger

Tous les observateurs s’en souviennent : aux dires de Jacques Chirac, «la démocratie est un luxe pour les Africains». Même s’il s’en est défendu en juillet 1999 au cours d’un voyage à Lomé au Togo, son soutien aux régimes les moins vertueux ne s’est jamais démenti. Au nombre de ses amitiés les plus solides, on a pu compter les inamovibles Denis Sassou Nguesso et Paul Biya. Parmi ses fréquentations les plus régulières, on pouvait retrouver les regrettés Omar Bongo Ondimba  et Gnassingbé Eyadema ou encore Abdou Diouf. Personne ne se souvient l’avoir vu anticiper ou accompagner les mutations du continent. Nul ne se rappelle l’avoir entendu plaider pour une meilleure prise en compte des défis de l’époque : l’acceptation de l’alternance, la liberté d’expression, la transparence dans la vie publique, la responsabilisation des élites dirigeantes ou l’exigence d’une meilleure répartition des richesses n’ont jamais guidé sa politique africaine. Quand bien même la décence commande de la compassion en pareille circonstance, la jeunesse du continent n’a pas vraiment des raisons de se lamenter.

Présenté comme un gaulliste, Jacques Chirac avait cru bon chausser les bottes de Charles de Gaulle. Entre 1995 et 1997, il s’attacha les services du tristement célèbre Jacques Foccart, concepteur de cette Françafrique de sinistre réputation. Comme s’il ne pouvait se départir des réseaux occultes, où l’affairisme le dispute à la négation des libertés. Comme s’il ne pouvait prendre ses distances avec cette diplomatie de l’amitié, où les intérêts individuels priment sur ceux des peuples. Ayant toujours prétendu aimer «l’Afrique, ses territoires, ses peuples et ses cultures», l’ancien président français affirmait aussi en mesurer les besoins et en comprendre les aspirations. N’empêche, tout le monde se souvient des interventions militaires, organisées à son initiative pour sauver des dictateurs en danger ou mettre fin à des régimes pas assez alignés sur ses positions : Premier ministre en septembre 1986, il fit déployer 150 parachutistes à Lomé pour soutenir un Gnassingbé Eyadema menacé par un commando ;  président de la République en novembre 2004, il ordonna la destruction des aéronefs de l’armée ivoirienne en vue d’affaiblir Laurent Gbagbo.

Laxisme vis-à-vis de la corruption et de l’irresponsabilité

Ces rappels doivent permettre à chacun de se faire une idée motivée de l’action de Jacques Chirac. Et pour cause : s’il a toujours frayé avec les dictateurs les plus rétrogrades, l’homme a systématiquement feint de défendre les intérêts du continent. Dans les instances internationales comme à l’occasion de ces très passéistes sommets France-Afrique, il a régulièrement fait vibrer la corde sensible. Mais, ni le lyrisme de ses discours, ni ses assauts de belles intentions ne peuvent occulter sa conception paternaliste des relations avec le continent. Directe ou indirecte, sa contribution au retard de l’Afrique doit être interrogée, analysée avec froideur, recul et lucidité. S’il ne faut nullement faire son procès, il faut lui donner sa juste place. Son laxisme vis-à-vis de la corruption, du sectarisme politicien, de l’irresponsabilité et de l’incompétence d’une élite en trompe-l’œil ne peut être minimisé ou passé sous silence.

Il y a 23 ans disparaissait François Mitterrand, l’homme du discours de La Baule et de l’ouverture aux démocraties de façade. Hier, c’était au tour de Jacques Chirac, l’homme du discours de Brazzaville sur la «démocratie vivante», de tirer sa révérence. A 16 années d’intervalle et à quelques différences notables près, ces deux interventions sont demeurées des vœux pieux, le service après-vente ayant invariablement fait défaut. Résultat des courses : les populations africaines en ont gardé un profond ressentiment, quand elles ne nourrissent pas un sentiment anti-français. A la jeune génération de le comprendre et d’inverser la tendance…

 
GR
 

3 Commentaires

  1. SERGE MAKAYA dit :

    1- «la démocratie est un luxe pour les Africains» (Chirac)
    2- « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » (Sarkozy)
    3- « toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’Empire : la constitution éventuelle, même lointaine, de self-governments dans les colonies est à écarter. » (De Gaulle)

    ON PEUT AJOUTER D’AUTRES CITATIONS DE CES COLONS… JE TERMINE PAR CETTE BELLE PHRASE DE SEKOU TOURE (même s’il n’est pas un modèle pour beaucoup): »Nous préférons la dignitéLa dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage » (https://youtu.be/oJxg3kUuqIw)

  2. Serge Makaya dit :

    Il y a une chose que les africains doivent appliquer désormais, c’est de CESSER d’être des COMPLEXÉS devant des hommes comme nous, et qui sont de race blanche. Car ils ne sont pas plus humains que nous. Quoique certains d’entre eux l’ont pensé. Mais laissez les dans leur cogitations à la CON. Jacques Chirac fait partie de ces gens qui ont sans cesse pensé tout bas que l’africain (ou l’homme noir) est de race inférieure au sien.

    Nous avons un SACRÉ retard à rattraper dans plusieurs domaines: scientifique, technologique, etc… Mais c’est toujours possible de rattraper ce retard. Car je suis certain d’une chose, c’est qu’il nous faut prendre notre destin en main. Et l’Afrique deviendra une GRANDE PUISSANCE MONDIALE si et seulement si les africains travaillent la MAIN dans la MAIN. Oui, fait la FORCE. Il est venu le temps de nous réveiller et de nous libérer du dernier CARCAN NEOCOLONlALISTE qu’est la France. Car, avec elle, aucun progrès n’est possible, et l’Afrique ne s’eveillera jamais. René Dumont et son best-seller « l’Afrique noire est mal partie » n’avait pas totalement tort. Il a juste oublié de souligner l’implication de son pays (la France) dans ce grand retard de notre Afrique.

  3. Bouffard dit :

    Chirac vu de l’Afrique !

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