Le gouvernement a déclenché la colère des syndicats. La protection des droits des salariés et l’amélioration des conditions de travail sont des exigences de notre époque.

Reprenant l’ensemble des vieilles lunes libérales, le projet de code du travail en discussion préconise l’abandon de nombreux droits acquis. © thelandofdesire

 

Le gouvernement a mis le feu aux poudres. Il a peut-être agi de bonne foi. Mais son projet s’attache à défendre les intérêts des patrons. Reprenant l’ensemble des vieilles lunes libérales, il préconise l’abandon de nombreux droits acquis. Militant pour l’assouplissement des conditions d’embauche et de licenciement, il a déclenché la colère des syndicats, plongeant le pays dans une période d’incertitude. Même si un nouveau round de discussion est censé s’ouvrir le 03 février prochain, on peut nourrir des craintes pour l’avenir. Pour une bonne partie de la classe ouvrière, l’actuelle ministre du Travail cumule un double péché originel : avoir fait toute sa carrière au sein de la représentation locale du plus ancien membre du Big Four de l’audit et avoir dirigé la Confédération patronale gabonaise (CPG). Outre le fait d’être perçue comme une adepte de l’optimisation fiscale, Madeleine Berre est aussi décrite comme le bras armé des patrons. Quand elle défend une idée, d’aucuns y voient toujours l’ombre des puissances d’argent.

Un marché du travail à structurer

Certes, un déverrouillage du contrat de travail faciliterait l’embauche et les licenciements. Mais, cela ne garantira en rien la mobilité des travailleurs. Tributaire de l’environnement économique, notre marché du travail reste à structurer : comme les monopoles, les concentrations y sont encore possibles. Malgré l’existence d’un régime de la concurrence, des abus de domination y sont consommés. Quelle chance pour une personne licenciée de retrouver un emploi quand des trusts ont pignon sur rue ? Comment changer de position quand des pans entiers de l’économie sont entre les mêmes mains ? Pour sûr, Madeleine Berre criera au procès en sorcellerie. Ce sera toujours une manœuvre de diversion. Sauf à se complaire dans l’erreur d’analyse, tout observateur de la vie économique doit nourrir des inquiétudes. Au regard du poids sans cesse grandissant de certaines entités, les travailleurs pourraient bientôt être soumis au diktat des investisseurs.

Pour changer d’emploi, il faut avoir la possibilité de choisir. Pour passer d’une position sociale à une autre, il faut bénéficier d’une variété d’offres. Là où l’investissement direct étranger est diversifié, là où les investisseurs viennent d’horizons divers, là où existe une saine concurrence, le travailleur jouit de la liberté de choisir. Il peut mieux monnayer ses compétences. Il peut, pour ainsi dire, tirer profit de la flexibilité. Un peu plus de deux décennies en arrière, le mouvement de privatisation avait eu un impact non négligeable sur le tissu économique et le marché du travail. Usant de sa fonction régulatrice, l’État avait alors milité pour la mise en œuvre de plans sociaux. S’appuyant sur les dispositions légales, il avait demandé aux entreprises de limiter les licenciements ou de favoriser les reclassements. En cette ère de retour à la concentration, on ne peut ne pas en tirer des enseignements.

Logique de développement durable

Le Code du travail doit être compris comme un outil de mise en œuvre de la politique de l’emploi. La politique de l’emploi, elle-même, doit découler de la politique économique. Or, dans son Programme pour l’égalité des chances, Ali Bongo évoque l’urgence de diversifier «notre économie dans l’agriculture et l’agro-industrie, l’industrie du bois, l’industrie minière et les services.» Soucieuses de commercer avec les marchés les plus exigeants, les entreprises opérant dans ces secteurs se prévalent d’une responsabilité sociale certaine. Plus prosaïquement, elles s’efforcent de concilier efficacité économique et équité sociale. De ce point de vue, on ne saurait opposer la diversification de l’économie à la protection des travailleurs. Bien au contraire. Dans une logique de développement durable, l’une ne va pas sans l’autre. Autrement dit, la protection des droits des salariés et l’amélioration des conditions de travail sont des exigences de notre époque. C’est dire si le projet porté par Madeleine Berre a quelque chose de décalé.

Déjà engagées dans des processus volontaires de certification (RSPO, FSC, Global reporting initiative, Pacte mondial…), de nombreuses multinationales installées au Gabon sont disposées à respecter les droits des travailleurs tout en œuvrant à l’amélioration de leurs conditions de travail. Pourquoi la législation nationale doit-elle subitement devenir moins exigeante ? En sécurisant les salariés, les entreprises peuvent accroitre leur motivation. Elles peuvent, tout autant, gagner en productivité, donner de la valeur ajoutée à leurs marques et s’ouvrir un accès préférentiel aux marchés des capitaux. Pour les patrons, les salariés doivent devenir des partenaires et non des adversaires. Il en va de l’intérêt des entreprises et de l’économie nationale.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Eniga dit :

    Cher compatriote,

    Arrêtez les inepties et d’exciter la population pour rien.
    Oui, il faut une évolution du code de travail gabonais vers plus de souplesse.
    Car à part certaines grandes entreprises dans ce pays, la plupart des petits employés ne bénéficient pas de la protection du code de travail.
    Comment traiter-vous: votre ménagère, nounou, gardien ou manoeuvre etc… (sans fiche de paie,congés etc…).
    L’Etat lui-même ne respecte pas son code du travail.
    Preuve qu’il inefficace car trop couteux…
    Plus de souplesse permettrait de sortir du système informel pour les sécuriser dans leur emploi.
    De plus cela a un cout celui du travail.

    Nous avons besoin de travail pour tout les gabonais pour pouvoir développer ce pays et pas de corporatisme stérile qui font fuir les investisseurs.

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