En procédant à une analyse stratégique de son adversaire, Alternance 2023 pourrait voir le portrait-robot de son candidat se dessiner de lui-même.

Alternance 2023 devrait identifier les forces de son vis-à-vis puis se demander comment en réduire les effets. La plate-forme de l’opposition devrait aussi cerner ses faiblesses puis chercher à les transformer à son avantage. En agissant selon cette méthode éprouvée, le portrait-robot du candidat consensuel pourrait se dessiner de lui-même. © GabonReview

 

Le ralliement de Bertrand Zibi Abeghé à Alexandre Barro Chambrier a suscité des remous. Et pour cause : au moment du retrait de sa candidature, l’ancien député du Haut-Ntem affirmait se tenir à la disposition du futur candidat consensuel d’Alternance 2023. Or, à ce jour, la plate-forme de l’opposition n’a encore désigné personne, les pourparlers se révélant complexes du fait de la modification des règles du jeu et du caractère insolite de la prochaine présidentielle, désormais absorbée par les législatives. Comment comprendre l’annonce de Mouila ? Serait-ce une fuite organisée ? Une anticipation du résultat des tractations en cours ? Ou plutôt le signe de la détermination du président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) à faire cavalier seul au cas où il ne serait pas désigné ?  Dans les esprits de nombreux observateurs, ces questions se choquent et s’entrechoquent, donnant lieu aux scénarii les plus divers.

Trois critères

À moins de deux semaines du scrutin, l’opinion s’impatiente et les supputations vont bon train. Sous la présidence de son président en exercice, François Ndong Obiang, les réunions se multiplient. Mais, la fumée blanche tarde à apparaître. Dans ses causeries, Paulette Missambo a beau demander de voter pour «le changement, c’est-à-dire les candidats d’Alternance 2023», les populations ne sont pas rassurées pour autant. Pis, la présence de certains membres dans l’hinterland est parfois perçue comme une dérobade, une manœuvre visant à parasiter le débat, leurs pairs de pouvant décider en leur absence. Pourquoi courir à Mouila ou Tchibanga quand on a eu l’occasion de s’y rendre durant la pré-campagne ? Pourquoi ne pas régler, une fois pour toutes, cette question ? Pour se donner le temps de laisser émerger une dynamique favorable ? On veut le croire. Mais on peut émettre des réserves.

Pourtant, en vue de la désignation du candidat consensuel, Alternance 2023 doit analyser la donne créée par les derniers ajustements juridiques, ses membres doivent se poser des questions simples. Ont-ils un intérêt à engager la bataille des législatives ? Pris individuellement, lequel parmi eux est à même d’obtenir la majorité à l’Assemblée nationale ? Ne doivent-ils pas plutôt faire l’impasse des législatives et se concentrer sur la présidentielle ? Dans une telle hypothèse, ils devraient commencer par se fédérer autour d’une personnalité remplissant les trois critères suivants : la capacité à s’ouvrir à des forces extérieures à la plate-forme ou à en attirer ; la capacité à réduire l’influence de leur adversaire commun dans ses bastions traditionnels du Haut-Ogooué, de l’Ogooué-Lolo et de l’Ogooué-Ivindo et ; la capacité à capitaliser les querelles internes au Parti démocratique gabonais (PDG) et à la majorité, de nombreux anciens barons y ayant été mis sur la touche quand certains alliés étalent publiquement leurs frustrations.

Méthode éprouvée

En bute aux incessants bricolages juridico-institutionnels opérés dans le seul intérêt du PDG, Alternance 2023 gagnerait à procéder à une analyse stratégique de son adversaire. En clair, la plate-forme de l’opposition devrait identifier les forces de son vis-à-vis puis se demander comment en réduire les effets. Elle devrait aussi cerner ses faiblesses puis chercher à les transformer à son avantage. En agissant selon cette méthode éprouvée, le portrait-robot du candidat consensuel pourrait se dessiner de lui-même. Le scrutin à venir étant bizarroïde à maints égards, il serait illusoire de chercher à reproduire 2016, même s’il faut en tirer quelques enseignements. Jean Ping paraissait alors le mieux armé, le plus outillé. On le disait détenteur de fonds quasi-inépuisables et d’un impressionnant «carnet d’adresses» à même de faire pencher la balance. On connaît la suite. Mais, on ne saura plus jamais comment les choses se seraient-elles passées si Guy Nzouba Ndama ou Casimir Oyé Mba furent désignés.

En laissant à chaque postulant la liberté d’aller sur le terrain, Alternance 2023 leur a donné la possibilité de confronter leurs vues et propositions aux peurs, doutes et rêves des populations. Elle espérait faire émerger une lame de fond pour décider en conséquence, dans le feu de l’action. Las. La fusion de la présidentielle dans les législatives a créé un contexte encore inimaginable il y a quelques jours, l’obligeant à revoir sa stratégie, quitte à y intégrer des considérations peu éthiques et pas toujours avouables, notamment l’arithmétique ethnique, le genre ou les diverses affiliations des uns et des autres. Si la coalition de l’opposition ne fait pas montre de froideur, elle pourrait avoir du mal à décider. Si ses membres ne font pas preuve d’élévation, ils pourraient se condamner au naufrage collectif.  Il leur reste quelques jours pour se montrer à la hauteur du défi et de l’enjeu.

 
GR
 

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