Y compris en Afrique, les sélections nationales ont recours à des joueurs d’origine étrangère, à des sang-mêlé et autres binationaux. Pourquoi blâmer la France pour cela ?

Le Gabon et la RDC ne s’était-ils pas écharpés sur ce thème à propos de Guélor Kanga (en surplus sur la photo) ? Comment donc comprendre les blagues douteuses et railleries à la limite du racisme à propos de l’équipe de France ? © Gabonreview/Facebook/equipedefrance

 

Comment comprendre les blagues douteuses et railleries à la limite du racisme à propos de l’équipe de France ? En 2018, au lendemain de la Coupe du monde organisée par la Russie, l’humoriste américain, Trevor Noah, avait déclenché la polémique en évoquant la victoire d’«une équipe africaine.» Même s’il avait maintenu sa référence à «leur identité africaine», il s’était néanmoins retracté, affirmant avoir voulu «célébrer la diversité» sans pour autant dénier aux joueurs leur «identité française.» Quatre années plus loin, la même rhétorique revient en boucle. Peut-on la banaliser ? Peut-on s’accommoder de ces analyses dignes de l’extrême-droite ? Doit-on transformer une équipe de football en exutoire des frustrations nées des dérives de la Françafrique ?

Une notion malmenée

Certes, on peut reprocher à la France de ne pas promouvoir assez de Noirs, de ne pas les reconnaitre à leur juste valeur ou d’avoir laissé sédimenter une forme de racisme. On peut toujours faire écho à Trevor Noah et affirmer comme lui : «Lorsqu’ils sont sans emploi, qu’ils commettent un crime ou qu’ils sont déplaisants, on parle d’eux comme des migrants africains. Mais quand leurs enfants gagnent une Coupe du monde pour la France, il ne faudrait parler d’eux que comme des Français.» On peut même disserter sur les conséquences de la politique de la France en Afrique. Mais on ne doit ni tout mélanger ni galvauder les notions. Autrement dit, on ne peut mettre en balance les errements d’une caste de mafieux avec les performances de sportifs. Au-delà, on ne doit pas occulter comment se construit et se maintient une identité : par l’interaction entre groupes.

Comme la Françafrique, l’identité est une notion malmenée. Objet de fantasmes divers, elle sert à justifier tout et son contraire. Tout au long de la dernière Coupe du monde, on a ainsi entendu deux sentences révélatrices d’un biais cognitif : «Faut battre cette France qui fait le désordre en Afrique» et «soutien à nos frères Africains et au dernier représentant de l’Afrique.» D’un côté, l’on veut utiliser le football pour faire payer à un pays les errements de sa politique étrangère. De l’autre, on se donne le droit de valider ou réfuter la citoyenneté de ce même pays, au nom des origines des gens.  Pourtant, si le sport peut aider à la matérialisation d’un projet politique, jamais il n’en est à l’origine. Appliquées au football, les méthodes de la Françafrique auraient donné lieu à un pillage des championnats nationaux. Est-ce le cas ? Non, la quasi-totalité des joueurs étant nés ou ayant grandi en Europe où ils évoluent tous.  Mieux, proche ou lointaine, une origine ne fait pas un citoyen. Elle ne définit pas non plus une nationalité.

Thèses ségrégationnistes

Nonobstant les thèses racistes ou ségrégationnistes, la nationalité n’est pas une notion biologique mais juridique. Faut-il le nier ? Faut-il faire passer la génétique avant la loi ? Y compris en Afrique, de nombreux pays pratiquent la naturalisation, l’intégration et l’assimilation. Y compris sous nos latitudes, les sélections nationales ont recours à des joueurs d’origine étrangère, à des sang-mêlé et autres binationaux. Pourquoi blâmer la France pour cela ? Au nom de la race ? Mais, la race ne définit pas l’appartenance à la nation.  Mieux, fut-il Noir, un Antillais est un Français comme un autre. Quant aux Métis, ils sont légitimes dans les pays de leurs mères comme dans ceux de leurs pères. Les naturalisés ? Sauf à vouloir en faire des citoyens de seconde zone, on ne peut les rattacher à d’autres pays contre leur gré.

Et «l’identité africaine» ? Mythe ou réalité ? En Afrique, les identités sont nombreuses et variées. Comme partout dans le monde, l’identité n’y est ni naturelle ni immuable mais évolutive. A ce sujet, des études existent, nombreuses. Plus éloquent, le Gabon et la République démocratique du Congo se sont récemment écharpés sur ce thème à propos de Guélor Kanga. S’ils s’en souvenaient, s’ils accordaient à l’acquis une valeur supérieure à l’inné, s’ils tenaient compte de l’existence de territoires ultramarins, s’ils intégraient le legs de l’histoire, nombre de commentateurs ne seraient sans doute pas tombés dans ces raccourcis intellectuels. Ne leur en déplaise, le football contribue aussi à réconcilier la France avec son histoire, sa géographie et sa législation voire sa sociologie. Dans le même temps, ce sport est à la fois un vecteur d’intégration et un ascenseur social : en aidant à l’émancipation de nombreux Noirs, il leur offre plus visibilité. Pourquoi s’en plaindre ?

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Omva dit :

    Tres juste !

    Ma fille possede la double nationalite italienne e Gabonaise.

    Meme plus proche de nous… Les unions entre ethnies font desormais legions… et c’est le Gabon du futur…

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