Seules les valeurs démocratiques permettent de sortir par le haut des situations les plus difficiles. Pour ainsi dire, la bonne gouvernance doit présider à toute œuvre de remise en route du pays.

Confisquer les libertés fondamentales, contraindre les populations à l’inaction voire à l’oisiveté, se refuser à toute concertation et ériger l’exception en règle, revient à instrumentaliser la pandémie. © Gabonreview/Shutterstock

 

N’en déplaise aux gogos de tout poil, l’objectif est clair : domestiquer les libertés publiques. Dans le projet de loi fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires, de nombreuses restrictions sont prévues. En arrière-plan, une idée : l’allongement de l’état d’exception. En conférant au gouvernement le pouvoir de «décréter le confinement total ou partiel de tout au partie du territoire national» sans en référer au Parlement, ce texte laisse transparaitre des intentions inavouées. En transformant l’exécutif en seul juge de l’opportunité de fermeture de «certains établissements» et de limitation des «rassemblements sur la voie publique», en lui permettant d’imposer «l’utilisation (…) de tout dispositif ayant vocation à prévenir la propagation du risque sanitaire», cette loi bride les libertés individuelles. Tout en s’attaquant à l’État de droit, elle tente de vider la citoyenneté de tout sens.

Bouc-émissaire ou prétexte

Dans ce projet de loi figurent de nombreuses mesures prévues dans les lois n° 11/90 du 16 novembre 1990 et 001/2020 du 25 avril 2020 relatives à l’état d’urgence. Mais, rien n’y est dit sur la veille sanitaire ou la surveillance épidémiologique. Ni la centralisation des informations existantes, ni le mécanisme de collecte et de traitement des données, ni les modalités de contrôle de qualité, ni la cartographie des risques encore moins les indicateurs ne sont prévus. Le gouvernement aura beau s’épancher sur la responsabilité de l’État de garantir la santé à l’ensemble des citoyens. Il pourra toujours disserter sur la nécessité de se prémunir contre «toute maladie infectieuse à très forte contagion.» Son argumentation se fracassera toujours contre le désir de liberté, inhérent à la personne humaine. Avant de songer à protéger les hommes contre d’hypothétiques «catastrophes sanitaires»il faut d’abord respecter le droit de chacun d’agir librement sans s’exposer à l’arbitraire ou à des mesures adoptées par calcul partisan.

Avec ce projet de texte, toutes les libertés publiques sont aujourd’hui en sursis. Susceptibles d’être confisquées ou mise entre parenthèses par la seule volonté du gouvernement, elles ne bénéficient plus d’aucune protection. En clair, la loi en cours de discussion fait peser une lourde hypothèque sur certaines libertés, particulièrement celle d’aller et venir à l’intérieur du territoire national ou celle de se réunir en tout lieu et à tout moment. Or, comme nous l’enseigne l’histoire, seules les valeurs démocratiques permettent de sortir par le haut des situations les plus difficiles. Pour ainsi dire, la bonne gouvernance doit présider à toute œuvre de remise en route du pays. Confisquer les libertés fondamentales, contraindre les populations à l’inaction voire à l’oisiveté, se refuser à toute concertation et ériger l’exception en règle, revient à instrumentaliser la pandémie. C’est faire du covid-19 un bouc-émissaire voire un prétexte. C’est surtout retarder la reprise du cours normal des choses

Retrouver la vie normale

Fortement tributaire des exportations de matières premières, l’économie nationale a été durement touchée. Déjà, le gouvernement a annoncé une croissance de 0,2 % contre 3,1 l’année dernière, soit une baisse de près de 3 points. Certes, la conjoncture internationale y a été pour beaucoup. Certes, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une «forte décroissance», brandissant le spectre de «la pire récession depuis la Grande dépression». Mais, la résilience au covid-19 dépend d’abord des capacités d’organisation et d’anticipation. Autrement dit, elle tient à la conjugaison de trois éléments : l’absorption du choc, l’évaluation puis l’exploitation des opportunités et, enfin, la capacité à se réinventer. Pour y parvenir, il ne faut ni s’apitoyer sur son sort, ni se satisfaire d’un sombre comptage encore moins essayer de faire une exploitation politicienne de la situation. Comme demain se prépare aujourd’hui, la relance de notre économie doit s’envisager dès à présent.

Au plan social, les ratés enregistrés dans la mise en œuvre des mesures d’accompagnement ont créé une situation de surchauffe. Avec un réalisme aux confins du renoncement, le Premier ministre lui-même a fait part des craintes de révolte populaire. C’est dire si rien ne va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Dès lors, une conclusion s’impose d’elle-même : à un moment ou à un autre, le pays devra retrouver la vie normale. Et le plus tôt serait le mieux. Le prolongement de la période d’exception, comme le laisse augurer le contenu du projet de loi en discussion, déplacerait complètement le débat. Inévitablement, le consensus actuel cèderait la place à une polémique sur la protection et le respect des libertés publiques. Chercher à rallonger l’état d’urgence, c’est remplacer les préoccupations de santé par des considérations d’ordre sécuritaire. C’est surtout offrir aux populations des raisons de douter de l’effectivité de l’épidémie et, pourquoi pas, de l’existence même du coronavirus.

 
GR
 

4 Commentaires

  1. diogene dit :

    Une citoyenneté où les résultats des votes sont systématiquement inversés à chaque élections a t elle un sens ? Où l’assemblée dite nationale est un ramassis de copains et coquins pas plus élus que le président lui même ?

    Le gouvernement fantoche ne considère les chambres que si elles sont dédiées à entériner automatiquement ses délires politiques , économiques et sociaux…

    Appliquer les règles démocratiques n’est pas envisageable dans une dictature !

    Revenir à la normale n’est ni possible , ni souhaitable dans la mesure où notre mode économique a généré les épidémies et pandémies dues aux zoonoses et ce depuis plusieurs siècles. Mais aussi l’épuisement de la planète, la surpopulation qui plombent toute tentative de recommencement.
    Nous sommes donc obligés sous peine d’extinction, de passer en mode décroissance forcenée.
    La décroissance : construire sain et solide, travailler moins, laisser la nature vivre sa vie et concevoir l’humain comme un élément parmi les autres et non comme un conquérant dominateur et exterminateur.

    Si la normalité s’exprime par l’exploitation des moutons sous la surveillance des chiens pour que les cochons s’engraissent, NON MERCI !

  2. Merci dit :

    Je trouve quand même que la presse tire un peu trop vite sur le Gouvernement. Que voulez-vous que le Gouvernement fasse face à l’incivisme et à l’irresponsabilité d’une bonne partie de la population qui se pavane dans les rues comme si de rien n’était et en grandissant le risque de contagion? Pour l’intérêt de la nation des décisions fortes doivent être prises, on ne peut lutter contre cette crise sanitaire avec légèreté sous prétexte de préservation des libertés individuelles.

    • Eternité dit :

      Les gouvernants auraient du commencer par respecter la volonté du peuple qui à vomi la politique destructrice du PDG en 2016.

      Le peuple gabonais n’a aucune confiance en un gouvernement ( institutions pseudo républicaines ) dont l’intérêt n’est porté que par l’humiliation collective d’une nation.

      Aucune pédagogie pour accompagner le peuple à mieux vivre cette pandémie, juste de la punition et des privations de libertés permanentes…

      Le chaos entraine l’incivilité…pour le peuple gabonais, l’enfer du covid-19, c’est les gouvernants qui prétendent administrés le pays

  3. Fille dit :

    « N’en déplaise aux gogos de tout poil, l’objectif est clair : domestiquer les libertés publiques. Dans le projet de loi fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires, de nombreuses restrictions sont prévues. En arrière-plan, une idée : l’allongement de l’état d’exception. En conférant au gouvernement le pouvoir de «décréter le confinement total ou partiel de tout au partie du territoire national» sans en référer au Parlement, ce texte laisse transparaitre des intentions inavouées. En transformant l’exécutif en seul juge de l’opportunité de fermeture de «certains établissements» et de limitation des «rassemblements sur la voie publique», en lui permettant d’imposer «l’utilisation (…) de tout dispositif ayant vocation à prévenir la propagation du risque sanitaire», cette loi bride les libertés individuelles. Tout en s’attaquant à l’État de droit, elle tente de vider la citoyenneté de tout sens. » Ekiééé Roxanne ! Votre belle plume que nous apprécions tant depuis des années nous fait vraiment croire que nous sommes en démocratie ! Ca fait au moins rêver. Prenez soin de vous.

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