«Reine du pagne tissé» pour les aficionados, Collé Ardo Sow, la styliste sénégalaise de renom, «petite sœur d’Albert Yangari», était présente à ses obsèques, les 7 et 8 décembre 2023 à Libreville et Franceville. Ayant appris le décès de l’une des personnes lui ayant fait confiance dès ses débuts dans la mode, elle a spécialement fait le déplacement de la capitale gabonaise pour rendre un vibrant hommage à cet «homme exceptionnel». Témoignage de celle qui prépare les 40 ans de la maison de mode «Collé Ardo Sow» à Libreville. 

La stylise sénégalaise, «Reine du pagne tissé», Collé Ardo Sow, à Libreville. © Gabonreview

 

Le samedi 18 novembre 2023, Albert Yangari Ngoruma, ancien directeur de la publication du quotidien L’Union, ancien ministre gabonais, est décédé à l’âge de 80 ans. Personnalité ayant gravité pendant des décennies autour de l’ancien président Omar Bongo, il a recueilli des hommages émérites tant au niveau national qu’international. Dans la cohorte des personnes ayant fait le déplacement express de Libreville et Franceville, la stylise sénégalaise, «Reine du pagne tissé», Collé Ardo Sow. Proche de l’illustre disparu, elle a voulu graver en lettres d’or l’estime, le vibrant hommage à cet homme qu’elle côtoie depuis 1985.

Assise dans un salon d’un hôtel de la capitale gabonaise, sous les effluves d’un léger fond musical, tout droit venue de Dakar où elle venait d’achever un défilé de mode international, en célébration des 40 ans de la marque et de sa maison de mode éponymes, Collé Ardo Sow, a rencontré quelques journalistes locaux à qui elle a témoigné la grande affection et présenter son hommage à l’«homme exceptionnel» qu’était Albert Yangari. 

Un artiste dans l’âme

«Comment ai-je connu Albert ? Je suis venue en 1985 au Gabon parce qu’il y avait la foire du 12 mars, je crois, qui était sur la corniche. J’ai fait une exposition là-bas. Je venais de commencer. J’ai commencé en 1983. C’était juste 2 ans après ma première collection au Sénégal. J’ai été invitée à participer à la foire de Libreville», a-t-elle raconté, bien nostalgique. 

La styliste ayant en son temps habillé les hôtesses d’Air Gabon et d’Air Afrique raconte que quand elle est arrivée à Libreville, elle avait créé des vêtements, parce qu’elle fait du tissage, des modèles pour Air Gabon avec les logos et tout ce qui va avec. «J’avais déjà habillé Air Afrique et je suis venue avec quelques modèles. Quand j’ai fait ça, le président Bongo est passé, il s’est arrêté. Et après Albert Yangari est passé. Il s’est arrêté. Il a regardé les vêtements. C’est un artiste dans l’âme parce qu’il est parti, puis il est revenu et m’a demandé comment étaient faits ses vêtements», a-t-elle expliqué. 

Collé Ardo Sow indique en outre que quelqu’un était venu. Il s’agit de madame Laure Gondjout qui était venu récupérer les vêtements, envoyée par le président Omar Bongo. «J’ai été avec Laure Gondjout, Yolande Biké et Albert Yangari. C’était mes portes d’entrée au Gabon», s’est-elle souvenue, non sans dire qu’à cette époque, Albert Yangari était ministre du Tourisme. 

C’est à ce moment et au regard du travail réalisé par la jeune Sénégalaise que l’ancien ministre du Tourisme lui avait proposé de faire un défilé au Gabon. «Depuis 1985 à aujourd’hui, on n’a pas arrêté. Sa famille venait en vacances chaque mois à Dakar. Il a des petits-enfants qu’il m’a envoyé pour étudier à Dakar. Sa femme et ses enfants venaient en vacances à Dakar. Tout ce qui se passe dans sa famille au Gabon, je viens», a-t-elle confié. 

«Dans la vie, il faut avoir une locomotive»

Albert Yangari Ngoruma est décédé, le 18 novembre 2023, dans la matinée à la Polyclinique El Rapha à Libreville. Victime d’un accident cardiovasculaire (AVC) il y a moins d’une année, il était en proie à d’autres morbidités telles que le diabète. «Avec sa perte, c’est comme si le deuil est au Sénégal. J’ai des messages tous les jours», a regretté la stylise, faisant savoir qu’Albert Yangari était quelqu’un qui lui donnait confiance. Pour elle, «dans la vie, il faut avoir une locomotive». 

Et l’ancien patron de L’Union en était le sien. «Mes premières machines, c’est lui qui me les a achetés. Je devais travailler avec lui à Franceville. On avait ouvert une usine de fabrication de vêtements. Mais, c’était pour faire des draps, des serviettes, des peignoirs de bain parce qu’il était dans l’hôtellerie. Il était le ministre du Tourisme», a-t-elle révélé.   

Ce qui lui fait dire qu’au lieu d’aller acheter les tissus ailleurs, «il voulait que les Gabonais travaillent, gagnent de l’argent». «Il a acheté des machines et il m’a dit de les gérer. Je suis allée à Franceville, j’ai amené les tailleurs du Sénégal, je les ai formés et je devais rester, mais je ne savais pas que j’étais enceinte de ma fille, Amina, qui est maintenant styliste comme moi. Je lui ai donc dit qu’il faut que je rentre parce que mes enfants sont petits. Il m’a donné de l’argent».

«Le peuple gabonais a perdu un homme exceptionnel»

Elle renchérit plus nostalgique encore : «il m’a donné tellement beaucoup d’argent que j’ai acheté mes machines, j’ai fait mon dédouanement et le reste je le lui ai renvoyé parce qu’il ne me l’avait pas donné pour que moi, j’utilise. Depuis ce jour, il m’a accroché parce qu’il disait qu’il n’a jamais vu quelqu’un à qui on donne l’argent il a ramené». 

«C’est ce qui m’a accroché à Albert. C’est pour cela qu’il s’est accroché à moi. Il m’a fait confiance. Chaque fois qu’il voulait faire quelque chose, il m’appelait et je lui donnais des conseils. Il pouvait bien aller les demander à qui il voulait, mais c’est à moi qu’il demandait», a déclaré Collé Ardo Sow, soulignant qu’elle était sa «petite sœur». 

«J’étais sa petite sœur. Et il m’a fait confiance, sa famille m’a fait confiance». «Le peuple gabonais a perdu un homme exceptionnel. Un homme qui tenait à l’amitié. Il est parti, mais je pense qu’il a laissé quelque chose derrière lui. C’est quelqu’un qu’on ne pourra jamais oublié», a-t-elle dit, ajoutant que «personnellement je ne pourrais jamais l’oublier parce que ce qu’il a fait pour moi, c’est tellement grandiose».

 
GR
 

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