Le conseil des ministres a adopté le 8 mai, un projet de loi fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires. Pris en application de l’article 47 de la Constitution, ce texte intervient à quelques heures de la fin de l’état d’urgence prorogé le 25 avril dernier. Le gouvernement ne viole-t-il pas la Constitution en contournant ainsi la contrainte de l’étape du Parlement ?

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Certainement lassé de devoir toujours solliciter les deux chambres du Parlement, notamment pour une seconde prorogation de quinze jours de l’état d’urgence en République gabonaise, les membres du gouvernement ont, le 8 mai en Conseil des ministres, opté pour l’adoption d’un projet de loi fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires.

Celui-ci pris en application de l’article 47 de la Constitution fixe les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires. Tel que présenté, il va autoriser le maintien des mesures de riposte sur la durée de la crise sanitaire actuelle.

Ainsi, le nouveau cadre juridique prévoit qu’en cas de catastrophe sanitaire, le gouvernement est autorisé à prendre, pour des besoins de santé publique, toutes mesures de nature à prévenir, lutter et riposter contre la catastrophe sanitaire en cause. «Lesdites mesures sont prescrites afin de faire disparaitre de manière durable la catastrophe sanitaire, y compris en dehors de tout état d’urgence», assure le communiqué final du Conseil des ministres.

Dispositions et portée du nouveau texte

A ce titre, le gouvernement pourra :

  • Décréter le confinement total ou partiel de tout ou partie du territoire national ;
  • Imposer la fermeture temporaire ou l’ouverture selon des horaires aménagés de certains établissements accueillant le public ;
  • Imposer des mesures de distanciation sociale dans les espaces publics, les entreprises, les transports publics et privés, les établissements accueillant le public ;
  • Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ;
  • Organiser un dépistage massif de la population ;
  • Imposer le dépistage périodique des personnes considérées comme des vecteurs principaux de la catastrophe sanitaire, notamment du fait de leur activité professionnelle ou des modalités d’exercice de ladite activité ;
  • Imposer le port ou l’utilisation de tout dispositif ayant vocation à limiter ou à prévenir la propagation du risque sanitaire ;
  • Autoriser les entreprises à déroger au droit commun du travail en vue d’aménager les horaires et conditions de travail afin d’assurer la sécurité de leurs salariés et prévenir ou limiter la propagation de la crise sanitaire par le recours notamment au télétravail, à la rotation, au chômage partiel, à l’anticipation des congés, principaux et supplémentaires ;
  • Fixer les conditions de conclusion de transactions électroniques ;
  • Fixer les modalités du démarchage, vente et livraison en ligne et à domicile ;
  • Définir le cadre permettant la réalisation des formalités administratives en ligne ;
  • Définir les modalités d’un chômage technique applicable aux agents des secteurs public et privé durant la période de mise en oeuvre des mesures susvisées ;
  • Déterminer les secteurs d’activités ne pouvant faire l’objet d’un confinement général et les règles spécifiques applicables à ces secteurs en matière d’hygiène et de santé au travail, de durée du travail, de repos hebdomadaire ou dominical et de rémunération ;
  • Aménager les règles relatives à l’exécution et l’application des peines privatives de liberté pour assouplir les modalités d’affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires ainsi que les modalités d’exécution des fins de peine ;
  • Ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens. L’indemnisation de ces réquisitions est régie par les dispositions légales et réglementaires en vigueur ;
  • Prendre des mesures temporaires de contrôle de prix de certains produits rendus nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ;
  • Prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments ou tout autre dispositif médical approprié pour l’éradication de la catastrophe sanitaire.

Cette pléiade de dispositions permet donc de maintenir et renforcer les mesures de ripostes sur la durée de la crise du Covid-19 au regard de la propagation du virus migrant progressivement vers l’intérieur du pays. Autrement dit, le projet de loi offre aux autorités, qui ne seront plus obligés de passer par le Parlement, les mêmes prérogatives que celles ayant, tout récemment, permis la mise en place de l’état d’urgence.

Avec un Parlement acquis au pouvoir, le gouvernement n’a pourtant rien à craindre. N’a-t-il pas toujours obtenu la majorité des voix pour faire passer tout ce qu’il préconisait ? Doit-on donc penser à une certaine paresse de l’exécutif ? A-t-il en horreur les quelques voix discordantes parfois notées au Parlement ou, plus simplement, n’aime-t-il pas travailler un tout petit peu ? Sinon, comment expliquer cette volonté d’automatiser les choses pour éviter les procédures ?

En tout cas, les élus du peuple ne pourront plus rechigner si le gouvernement veut proroger, à volonté, les mesures restrictives des libertés publiques et individuelles.

 
GR
 

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