Le communiqué signé des ministres en charge de la Réforme des institutions et de l’Intérieur ravive le souvenir peu glorieux de la Concertation politique ratée de mars 2023.

Le communiqué du gouvernement n’est pas de nature à rassurer. À la limite, il conforte les sceptiques, apportant de l’eau au moulin des contempteurs du CTRI. Seuls les animateurs d’une organisation sont capables d’identifier les personnes les mieux outillées pour en défendre les options. © GabonReview

 

Sur le chemin de la «refondation de l’État», de la constructions d’«institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif (…)», c’est peut-être l’une des décisions les plus lourdes de conséquences jamais prises depuis l’avènement du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Par un communiqué signé des ministres en charge de la Réforme des institutions, de l’Intérieur et de la Sécurité, le gouvernement invite les «partis politiques légalement reconnus» à lui «proposer quatre (4) membres (chacun), parmi lesquels seront choisis les représentants de la classe politique au Dialogue national inclusif». Comme on pouvait l’anticiper, cette information ravive le souvenir peu glorieux de la Concertation politique ratée de mars 2023. Au-delà, elle fait planer le doute sur les intentions du CTRI et sur le caractère inclusif de cette rencontre si attendue, unanimement considérée comme une étape décisive du processus politique en cours.

De l’eau au moulin des contempteurs du CTRI

Sans sombrer dans le catastrophisme, il faut rappeler des choses simples. Jusque-là, le président de la Transition a laissé le sentiment de vouloir faire évoluer la pratique politique. Dans le respect des spécificités, il a multiplié les contacts. Partis ou personnalités politiques, acteurs de la société civile, organisations corporatistes, toutes les forces sociales ont devisé avec lui en choisissant elles-mêmes leurs représentants. Au moment de la mise en place du Parlement ou lors de la composition de son cabinet, certains acteurs ont été consultés. À chaque fois, ils ont eu la latitude de désigner leurs mandataires. Même si des frustrations ont éclaté à propos des délégations spéciales ou des nominations dans la haute administration, la participation et le respect de la souveraineté des parties ont incontestablement été au fondement de la méthode Brice Clotaire Oligui Nguéma. Pourquoi et au nom de quoi doit-il renoncer à ces principes ?

Depuis le début et, mieux encore, depuis la publication du communiqué n° 0026 relatif au chronogramme de la Transition, le Dialogue national inclusif est l’objet de toutes les supputations. Sur son format, comme sur son statut juridique, la composition du comité d’organisation ou les modalités de sélection des délégués, les questions et propositions fusent. Tirant les enseignements de la Conférence nationale de 1990, des Accords de Paris de 1994 et du Dialogue d’Angondjè de 2017, certains plaident pour une rencontre souveraine et inclusive. S’efforçant de définir des bonnes pratiques en comparaison au monumental loupé de mars 2023, d’autres se prononcent pour la désignation des participants par leurs organisations. Aux uns comme aux autres, le séminaire préparatoire, tenu le 10 février dernier à Cap caravane, n’a pas apporté de réponses. Dans un tel contexte, le communiqué du gouvernement n’est pas de nature à rassurer. À la limite, il conforte les sceptiques, apportant de l’eau au moulin des contempteurs du CTRI. Après tout, seuls les animateurs d’une organisation sont capables d’identifier les personnes les mieux outillées pour en défendre les options.

Le CTRI face à lui-même et à sa crédibilité

Sauf à ne nourrir aucun dessein collectif, on ne peut rester sourd aux plaintes et suggestions de l’opinion. À moins de poursuivre des ambitions inavouées ou de se tenir prêt à gérer le pire, on ne peut reproduire les erreurs du régime déchu. Comme le rappelle le député de la Transition Geoffroy Foumboula Libéka Makosso : «Nous ne pouvons continuer avec les mêmes pratiques, car produisant les mêmes résultats, à moins que l’on refuse de tirer les enseignements de ce qui a conduit notre pays dans cette situation.» Autrement dit, ni l’organisation des assises ni le choix des participants ne doivent être de la responsabilité du gouvernement, déjà occupé à conduire la politique de la nation. Sur des questions ou activités ponctuelles, à l’instar du Dialogue national inclusif, il semble plus fécond d’opter pour la mise en place de comités dédiés à ces seules tâches, comme nous n’avons eu de cesse de l’affirmer, en pure perte.

S’il est à l’épreuve des faits, le CTRI se trouve face à lui-même et à sa crédibilité. S’il gagnerait à rester fidèle à ses engagements de départ, il lui appartient de cerner les attentes du peuple. Il lui revient de comprendre les ressorts de l’adhésion à son action. Pour lui, comme pour le président de Transition, là se trouve le vrai défi. A ce stade, rien ne sert de foncer ou de se montrer sourd à tout son discordant. Sauf à prendre le risque de décevoir les espoirs placés en lui ou à œuvrer à l’échec du Dialogue national inclusif, le CTRI peut encore reconsidérer le mode de désignation des délégués, quitte à déplaire aux esprits malins tapis dans l’ombre.

 
GR
 

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