Le respect ou la promotion de nos us et coutumes ne doit pas servir d’alibi à la confiscation de certains droits. Encore moins à la négation de certaines libertés.

Les droits et libertés ne sont pas toujours respectés, les mauvaises pratiques ayant la peau dure. Au Dialogue national inclusif (DNI), les membres de la sous-commission présidée par le GA Auguste Roger Bibaye Itandas (en photo) en ont fait le constat. © GabonReview

 

De tout temps, le débat sur les droits et libertés a été celui de leur exercice. Même s’ils sont consacrés et protégés par la Constitution et ses annexes, ils ne sont pas toujours respectés, les mauvaises pratiques ayant la peau dure. Au Dialogue national inclusif (DNI), les membres de la sous-commission présidée par le GA Auguste Roger Bibaye Itandas en ont fait le constat, l’éthique des magistrats et auxiliaires de justice ayant été questionnée. Au moment de rendre leur copie, ils doivent se reposer quelques questions. Comment lutter contre «la corruption de l’appareil judiciaire» ? Comment annihiler les effets de «l’impunité du personnel judiciaire» ? Comment faire respecter la présomption d’innocence ? Comment «bannir les déviances»? A travers leurs réponses, les délégués doivent viser trois objectifs : la protection de la dignité de la personne humaine, l’élargissement de l’espace civique et, le raffermissement du vivre-ensemble.

Relativisme culturel, voie vers la discrimination

Pour ce faire, il faut partir d’un postulat simple :  le pouvoir de l’Etat ne peut être ni illimité ni arbitraire. Bien au contraire. Il doit être limité, de manière à permettre aux citoyens de vivre dans le respect de la dignité de chacun. A cet égard, trois valeurs doivent guider la réflexion : la liberté, la tolérance et, la responsabilité. Il s’agit, d’abord, de ne contraindre personne à agir contre sa volonté. Il s’agit, ensuite, de ne pas confondre égalité et uniformité ou de ne réduire quiconque à une seule caractéristique, fût-elle dominante ou marquante. Il s’agit, enfin, de respecter les droits des autres pour mieux protéger ceux de chacun. Si elle peut paraître accessoire, cette triple ambition fait consensus de par le monde, à quelques exceptions notables près. De ce point de vue, les délégués auraient tort de convoquer le relativisme culturel, au risque d’ouvrir à la voie à la discrimination.

Depuis au moins le 19 février 1959 et l’adoption de sa toute première constitution, le Gabon reconnait certains droits et libertés, notamment la liberté de conscience, le droit de fonder une famille et, le droit à l’éducation. Au fil du temps, de nouveaux droits et libertés ont été sanctuarisés. Pêle-mêle, la liberté d’association, le droit au libre développement de la personnalité, le droit au secret de la correspondance, le droit au travail, le droit à la propriété, le droit à la vie privée… Depuis le 22 avril 1997, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et, la Charte nationale des libertés de 1990 font partie du bloc de constitutionnalité. Même s’il «proclame (…) son attachement à ses valeurs sociales (…) traditionnelles, à son patrimoine culturel, matériel et spirituel», notre pays se dit favorable au respect des droits et libertés.

Entre traditions et instruments juridiques internationaux

Au moment de formuler leurs recommandations, les délégués doivent l’avoir à l’esprit. Ils doivent tout autant songer à se conformer aux engagements internationaux de notre pays. Autrement dit, la promotion de nos us et coutumes ne doit pas servir d’alibi à la confiscation de certains droits. Encore moins à la négation des libertés. Inaliénables et interdépendants, les droits de l’homme sont avant tout universels. «Le droit civil actuel ne prend pas en compte nos valeurs traditionnelles» ? Encore faut-il définir ces valeurs et ne pas les réduire à des anecdotes jamais vérifiées ou à ces croyances personnelles. Existe-t-il une «multitude de syndicats» ? Cette assertion ne saurait servir de prétexte à la restriction du droit à la liberté d’association et à la liberté syndicale, consacrée par la législation sur le travail. Au-delà, cela ne saurait légitimer une quelconque tentative de rétrécissement de l’espace civique, la liberté de réunion et la liberté d’expression étant intimement liées à la liberté d’association.

Avec une certaine curiosité, l’opinion attend les conclusion de la sous-commission «Droits et Libertés», prise en tenaille entre traditions et instruments juridiques internationaux. Sera-ce le début d’une ère de liberté, de dignité et d’égalité véritable ? Ou plutôt  la naissance d’une société à plusieurs vitesses, certaines pratiques coutumières étant profondément discriminatoires, notamment à l’égard des femmes ? Y verra-t-on le résultat d’un travail visant à adapter les valeurs traditionnelles et modernes propres au peuple gabonais aux droits et libertés fondamentales consacrés par les annexes de la Constitution ? Voire… En absence de modalités d’intégration de la coutume dans le droit positif, toutes ces options sur la table. Vivement le 30 avril.

 
GR
 

0 commentaire

Soyez le premier à commenter.

Poster un commentaire