Le 22 du mois en cours, un volcan, situé à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), est entré en activité, relançant le débat sur l’impact des aires protégées sur la coopération internationale.

Les autorités congolaises, les acteurs de la protection de l’environnement semblent surpris et dépassés par l’éruption du volcan «le plus dangereux du monde». En aurait-il été de même si des gorilles de montagne ou des rhinocéros blancs avaient été massacrés ? On peut en douter. © rfi.fr

 

A la fois rageante et désespérante, cette information a circulé tout au long du week-end écoulé : le 22 du mois en cours, aux environs de 16h30 en temps universel, un volcan, situé à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), est entré en activité, faisant 15 morts et d’importants dégâts matériels. Quand bien même ce bilan provisoire semble en-deçà de ceux enregistrés dans le passé, cette catastrophe naturelle relance le débat sur la gouvernance politique en RDC. Elle incite aussi à interroger la prise en compte des travaux scientifiques. Au-delà, elle invite à se poser des questions sur l’impact des aires protégées sur la coopération internationale. Après tout, le Nyiragongo est contiguë au Parc national des Virunga, inscrit sur la liste du patrimoine mondial depuis 1979 et considéré comme une zone humide d’importance internationale depuis 1996. L’Organisation des Nations-unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) et ses partenaires n’auraient-ils pas pu aider à prévenir un tel désastre ?

Recours à la solidarité internationale

En février 2020, une équipe internationale était descendue dans les entrailles du volcan. Alarmée par le rythme de remplissage du lac de lave, elle avait parlé d’un risque de tremblement de terre et d’éruption dans un délais de quatre ans, c’est-à-dire à l’horizon 2024. «C’est le volcan le plus dangereux du monde», affirmait alors le vulcanologue italien Dario Tadesco. Présente dans la région à travers une mission de maintien de la paix, l’Organisation des Nations-unies (Onu) engagea alors des discussions avec les bailleurs de fonds en vue de financer un plan de prévention. «Nous sommes conscients de l’importance de garder les volcans sous surveillance afin de protéger les civils et de sauver des vies», assurait un de ses porte-paroles. N’empêche, l’Observatoire volcanologique de Goma (OVG) n’hésita pas à démentir l’information, dénonçant des «rumeurs fausses et non fondées». Pis, l’opération de levée de fonds fit chou blanc, la Banque mondiale mettant fin à son financement en juin 2020. Un peu moins d’une année plus loin, les résultats sont là…

Comment tout cela a pu être possible ? Couramment appelée «science du danger», la cindynique privilégie une approche globale, systémique et transversale. Se fondant sur la recherche scientifique, elle fait appel aux modèles existants tout en laissant une place à l’incertitude. Devant garantir l’acceptabilité sociale de ses options, elle commande d’engager le débat avec l’ensemble des acteurs de terrain. A tout le moins, elle recommande une pleine et entière implication des autorités politiques. Pouvant occasionner des dépenses à fonds perdus, elle a généralement recours à la solidarité internationale. Surtout quand elle s’intéresse aux biens publics mondiaux. Au-delà, elle requiert la mise en place d’autorité de gestion souple et autonome, capable d’agir rapidement et de façon adaptée à toute situation d’urgence. L’Etat congolais et les partenaires du parc national des Virunga l’ignoraient-ils ? Pourquoi n’ont-ils pas accordé du crédit aux prévisions des scientifiques ? Quelle lecture faire de leur inaction ?

Affichage et communication

De par leur enchaînement, ces événements semblent être la conséquence d’une irresponsabilité partagée. Tout au moins, ils apparaissent comme le contrecoup d’une inconséquence généralisée. Sur la réduction du risque et l’information aux populations, comme sur leur évacuation ou une éventuelle assistance aux victimes, pas grand-chose n’a été prévu. En annonçant l’interruption de «son séjour en Europe pour rentrer (…) afin de superviser la coordination des secours», le président congolais a davantage fait dans l’affichage et la communication.  A ce jour, rien n’est dit sur les secours médicaux, les lieux de regroupement ou encore le financement des opérations, le ministre de la Communication s’étant contenté d’évoquer des discussions sur les «mesures urgentes». Du côté des partenaires du parcs national des Virunga, c’est le silence de cathédrale. Comme les autorités congolaises, les acteurs de la protection de l’environnement semblent surpris et dépassés par les événements. En aurait-il été de même si des gorilles de montagne ou des rhinocéros blancs avaient été massacrés ? On peut en douter.

Pourtant, des études sur les caractéristiques géomorphologiques ou géologiques de cette zone existent, nombreuses. Avec un plus d’écoute et de rigueur, une anticipation aurait été possible. Même s’il n’aurait jamais pu empêcher l’éruption, l’OVG aurait pu en atténuer les impacts, notamment en aménageant les versants pour canaliser l’écoulement de la lave. Il aurait également pu mettre en œuvre un mécanisme d’alerte et d’évacuation en identifiant les zones de regroupement. Fort de ses moyens et de sa discipline, le Japon a développé un mécanisme similaire à l’efficacité reconnue. Avec le soutien de la coopération internationale, particulièrement les parties prenantes à la conservation de la biodiversité, le RDC aurait pu y parvenir. Mais personne ne l’a entendu de cette oreille. Où l’on en vient à s’interroger sur la valeur ajoutée de la conservation.

 
GR
 

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