Par d’incessants bricolages juridiques et institutionnels, le gouvernement laisse le sentiment d’être soumis aux caprices de l’actuel ministre des Forêts.

Le gouvernement donne l’impression de travailler à la gloire d’un homme (Lee White) ou d’être soumis à ses caprices. La volonté de celui-ci étant d’effacer l’œuvre de ses prédécesseurs et de s’exonérer de toute reddition des comptes. © PFBC/Steve Jordan/AFP

 

Sommé de rendre compte, Lee White choisit le tour de passe-passe. Depuis plusieurs années, la société civile lui demande de faire la lumière sur sa gestion de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). Le soupçonnant d’œuvrer à sa propre gloire, elle lui reproche d’avoir détourné cet établissement de sa mission originelle. Depuis quelques mois, les écogardes crient leur mal-être. Pêle-mêle, ils dénoncent l’absence de statut juridique, le non-versement des cotisations aux organismes de prévoyance sociale, l’accumulation des arriérés de salaire… Pourtant, à la faveur du dernier Conseil des ministres, le gouvernement a entériné le projet de transformation l’ANPN en Agence nationale de préservation de la nature.

Pertinence à démontrer

Attendue depuis des mois, cette décision traduit l’entêtement de l’actuel ministre des Forêts. Expression de sa volonté d’effacer l’œuvre de ses prédécesseurs, elle tend à l’exonérer de toute reddition des comptes. Prétendant ne pas vouloir être «juge et partie», Lee White a toujours milité pour l’extension du mandat de l’ANPN.  Arguant de la nécessité de séparer les activités de gestion durable de l’attribution des permis et autres missions de police, il s’est néanmoins démené pour la création d’une structure chargée de la gestion de «toutes les aires protégées du (pays)», en plus de «la connaissance, la préservation et la valorisation de la biodiversité ainsi que de la lutte contre les conflits homme-faune sur toute l’étendue du territoire national». Comment améliorer la connaissance sans réaliser des inventaires biologiques ? Comment assurer la préservation sans conduire des missions de surveillance ? Comment garantir la valorisation sans s’accorder sur les modalités de gestion ? À en perdre son latin…

Lee White a toujours présenté la mutation de l’ANPN comme une décision forte, porteuse d’une meilleure gouvernance des ressources naturelles. Mais son argumentation ne résiste pas à l’analyse. Bien au contraire. Il dit vouloir responsabiliser des entités distinctes pour la définition des taux de prélèvement, l’attribution des licences d’exploitation et la surveillance. Mais, il confie la connaissance, la valorisation et la préservation de la ressource au même établissement public, se permettant le luxe d’en étendre le mandat à tout le pays. Toute-puissante sur 11,25% du territoire national, l’ANPN le sera désormais sur 100%. Grâce à un discours à l’opposé de ses intentions, son ancien secrétaire exécutif a réussi à enfumer l’ensemble du gouvernement. Au vu du peu de résultats engrangés, la pertinence de sa réforme reste à démontrer.

Embrouillamini juridique et institutionnel

Du reste, ce projet de loi en rajoute au cafouillage déjà orchestré à l’inspiration de Lee White. En février 2017, l’ordonnance n°007/PR/2017 consacrait la modification et la suppression de certaines dispositions de la loi n° 003/2007 du 27 août 2007 relative aux parcs nationaux. Deux mois plus tard, un décret référencé 00111/PR/MEFPEPGE annonçait la création et l’organisation d’une ANPN-préservation de la nature. «En ouvrant un champ plus large (…), l’article 9 nouveau de cette ordonnance consacre bien l’extension des activités admises à l’intérieur d’un parc national et répond aux exigences de développement de notre pays», expliquait alors le gouvernement. Si cette rengaine n’a pas été reprise, on peut se demander pourquoi faut-il attendre l’intersession parlementaire pour initier cette réforme. On peut aussi s’interroger sur la cohabitation entre différents instruments juridiques visant le même objectif. Y aura-t-il désormais une ANPN créée par la loi en gestation et une autre, fondée sur un décret ? Embrouillamini juridique et institutionnel…

Par ces incessants bricolages, le gouvernement laisse le sentiment de ne cerner ni les enjeux ni les mécanismes de mise en œuvre de sa politique de gestion des ressources naturelles. Au-delà, il donne l’impression de travailler à la gloire d’un homme ou d’être soumis à ses caprices. «En 2009, on a hérité d’une agence bien faite sur le papier mais qui n’était pas opérationnelle. Nous avons (actuellement) 150 voitures, des bateaux, des avions. On est peut-être devenu une référence en termes de bonne gestion des parcs nationaux dans la sous-région (…) Des investisseurs (…) commencent à venir (…) pour développer la prochaine phase des parcs nationaux», affirmait, pince-sans-rire, Lee White, en 2017.  Soit ! Au-delà des aspects logistiques, quelles réalisations concrètes ? Si l’ANPN est une ‘’référence’’, pourquoi faut-il en changer le mandat ? Comment interpréter les grèves récurrentes de son personnel ? Quid des fameux investisseurs ? Ayant passé plus de 10 ans à la tête de l’ANPN, avant d’en exercer la tutelle technique, l’actuel ministre serait plus responsable en présentant son bilan. S’y refuser revient à reconnaître son échec. Persister à défendre une réforme déjà rejetée équivaut à noyer le poisson.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Giap EFFAYONG dit :

    Les gabonais sont vraiment des pauvres gens.Maintenant ils rasent les murs dans leur propre pays.

  2. Alain Christian dit :

    Si ce projet avait été conduit par Mike Fay lui-même comme à l’origine, plutôt que d’être passé aux mains de cet imposteur…Dommage pour le Gabon. Près de 20ans après, par pure incompétence, on vient de tuer l’une des véritables opportunités de tourisme et grande source de devises d’un pays tropical, telle qu’il en existe au Kenya, en Afrique du Sud, en Tanzanie ou au Zimbabwe où ces agences (des parcs) sont parmi les acteurs économiques les plus rentables dans leurs pays.

  3. Lavue dit :

    Faut regarder plus loin. Tout cela émane du complexe d’infériorité refoulé d’ALI BONGO. Il veut apparaître comme quelqu’un de sérieux aux yeux de colons blancs comme le Prince Charles d’Angleterre. Il n’a aucune connaissance des sacrifices consentis par nos aïeux
    et parents pendant la longue période d’esclavage et celle de la colonisation. Quand on s’est battus pour chasser le criminel et le violent blanc, la personne qui nous a renié toute dignité humaine, on doit se garder 50 ans après de désigner des gens comme Lee White ministre. C’est pas bon pour l’image du pays, pour la confiance des compatriotes, ça heurte encore beaucoup de consciences. Ces Blancs savent bien dans quels rôles ils « aident » les dictateurs complices africains: celui d’experts, de conseiller spécial du Président et que sais-je encore. Mais pas ministre, pour un non Gabonais Blanc, comme si le pays manquait de hauts cadres. Aucun Européen ne peut avoir une meilleure connaissance de notre forêt et de sa gestion que nous-mêmes. Les entreprises qui massacrent les forets gabonaises et africaines sont avant tout françaises, européennes et pourquoi Lee White n’œuvrerait-il pas pour celles-ci. Mais que voulez-vous, ALI BONGO de par sa faible formation universitaire et humaine nourrit en lui beaucoup de complexes et il ne l’a que trop démontré. Pour paraphraser quelqu’un de la secte PDG, on ne fait pas de l’intelligent avec de l’idiot.

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