Canular au long cours, un courrier à l’adresse du Pape Jean-Paul II, attribué au légendaire océanographe Jacques-Yves Cousteau, fait état des «choses abominables de ce petit pays [le Gabon], première puissance du monde dans sa face occulte, et dans ses mystères innombrables et négligés par le monde». Friands de fantastique, de mystérieux et de métaphysique, les Gabonais n’ont jamais interrogé l’authenticité de la fameuse missive,  faux flagrant et pourtant. 

L’auteur, vraisemblablement Gabonais, de la lettre au Pape se serait-il pris pour Cousteau lors d’un voyage chamanique à l’Iboga ? © Gabonreview

 

Publiée pour la première fois, il y a près de 15 ans, par le mensuel gabonais Femmes d’Aujourd’hui, la lettre du commandant Cousteau au Pape Jean-Paul II après une supposée plongée dans les eaux territoriales du Gabon, est une mystification, un canular des plus grotesques. À la vérification, Jacques-Yves Cousteau, célèbre commandant du tout aussi fameux navire océanographique, le Calypso, n’a jamais plongé dans les eaux du Gabon.

Fleuves du Gabon, Iboga et Bwiti dans le pur style de l’Apocalypse de Jean

L’affirmation par le prétendu Cousteau, dès le premier paragraphe de la lettre, d’avoir exploré et navigué dans «les mers, les lacs et fleuves du Gabon» ne saurait être de lui. Officier de la Marine nationale française, formé à l’École navale de Brest, le commandant du Calypso savait absolument que le Gabon n’a pas de mers. L’allégation est d’autant plus aberrante que le légendaire plongeur n’est nulle part connu pour avoir remonté l’Ogooué ou arpenté ses rives. Mieux, la correspondance du scientifique des fonds océaniques et du milieu marin, qui dit avoir rencontré «les Babongo qui sont les Pygmées du Sud du Gabon en pays Apindji et en pays Tsogho», est avant tout un compte-rendu ethnographique.

Indiquant, en effet, avoir assisté à un culte Bwitiste, son récit cède le pas à l’ethnologie, s’éloignant curieusement de l’océanographie. Les ¾ de la lettre sont d’ailleurs consacrés au Bwiti dont le mythe fondateur, la cosmogonie, l’importance de l’Iboga (appelé «plante vert-jaune» dans le texte) sont décrits en substance. Au final, le courrier au Pape se révèle n’être qu’un plaidoyer, une action promotionnelle du Bwiti. Une petite épopée comme savent si bien la décliner de nombreux maitres du Bwiti.

Inconnue de la Fondation Cousteau

Rien d’étonnant puisque Annie Chantal Bikène, fondatrice et directrice du mensuel Femmes d’Aujourd’hui, premier média à avoir rendu public la fameuse lettre, assure l’avoir reçue d’une association travaillant alors à la valorisation du Bwiti. Elle en a perdu trace et contact depuis lors. À l’époque où la fameuse lettre (sans signature, ni date, ni en-tête) est déposée dans les bureaux de Femmes d’Aujourd’hui, ladite association était basée dans le quartier situé derrière l’église Saint-Michel de Nkembo à Libreville, vraisemblablement à Avéa.

Une association informelle… à l’origine d’un fake époustouflant avant l’heure. Un fake au long cours malgré ses grossières erreurs. Notez : «Mon âme resta au Gabon et mon corps ici, en France, où je fus enterré». Y désignant le pays où il ‘fut’ enterré, Jacques-Yves Cousteau a-t-il donc écrit cette lettre après son enterrement ? Cet anachronisme n’a pas étonné ceux qui continuent de promouvoir le canular en question.

Friands de fantastique, de mystérieux et de métaphysique, les Gabonais n’ont jamais interrogé l’authenticité de la fameuse missive. Avides de sensationnel, certains médias l’ont transformé en marronnier, publiant d’une année à l’autre ses extraits les plus fantasmagoriques. Pourtant, jointes au téléphone et par courriel, ni l’Equipe Cousteau (anciennement dénommée Fondation Cousteau) ni la Cousteau Society n’ont entendu parler de la fameuse lettre au Pape. Pas plus qu’elles n’ont retrouvé de traces d’une mission au Gabon de celui dont elles gèrent et perpétuent l’œuvre et la mémoire. «Dans les archives on trouve un projet de plongée au large du littoral gabonais. Mais ce projet, datant de la fin des années 50, a été abandonné. Votre affaire est tellement fantastique que ça se saurait si elle avait existé. Elle aurait au moins été archivée dans la catégorie ‘Observations aquatiques non-identifiées’», explique, agacé, un agent de l’Equipe Cousteau.

Le site officiel et conjoint de l’Equipe Cousteau et de The Cousteau Society liste les expéditions du Calypso sans jamais mentionner la fantastique épopée gabonaise.

Il n’en reste pas moins qu’au début des années 1990, «Cousteau a effectué une escale au Gabon. Juste une escale de trois jours. Il n’a pas plongé», soutient un ancien agent de la capitainerie du Port-Môle de Libreville, rencontré dans le quartier Louis à Libreville.

Armageddon

Longue de quatre pages A4, une partie de la fameuse lettre, digne des Marvel comics books, est de nouveau en circulation. Rédigé dans le pur style de l’Apocalypse de Jean, livre biblique sur la fin des temps et le combat final (l’Armageddon) opposant les forces du Mal à celles du Bien, le morceau choisi raconte : «Je me rendis sur mon bateau pour explorer la mer du Gabon où je perdis mon âme. J’ai découvert des merveilles sous les eaux de la mer du Gabon, des merveilles uniques au monde. Puis, je vis un navire hollandais dans les profondeurs des eaux de la mer du Gabon. Je visitai le navire chargé des biens et des ossements hollandais échoués au cœur de la mer inexplorée et inconnue du monde. Je vis l’or et le trésor enfouis dans une grande grotte comme la Calédonie gardé par un dragon serpent ayant un point rouge au front qui se transforme en un puissant sir-roi (un homme sirène qui avait des pouvoirs et me vit, frappa de sa queue sur ma caméra et me saisit. Il m’emmena vers d’autres dimensions pour voir les choses que je ne peux pas mentionner dans cette lettre et que ma langue ne pourra jamais prononcer. Il grava mon nom sur une Pierre et quand je regardai, je vis la date à laquelle j’allais mourir.

Saint Père, prie pour mon âme qui, hormis les merveilles qu’elle vit, vit également des choses abominables de ce petit pays, première puissance du monde dans sa face occulte, et dans ses mystères innombrables et négligés par le monde

Fantastique ! On croirait lire Apocalypse, le dernier livre de la Bible. Le créateur-rédacteur de la lettre au Pape avait de l’inspiration et de la suite dans les idées. Peut-être s’est-il pris pour Jacques-Yves Cousteau lors d’un voyage chamanique à l’Iboga ?  Lire l’intégralité de la lettre ICI

 

 

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GR
 

19 Commentaires

  1. BEYEM dit :

    Il n’y a pas de fumer sans feu. D’après le texte, il y a avait un projet dans les années 50. Puis, le commandant fit une escale de 3 jours. Alors pendant ces 3 jours, que faisait-il? Et pourquoi seulement au Gabon?
    En tout cas, je lirai toujours cette fameuse lettre, car elle transporte aussi…

    • La Rédaction dit :

      Le Calypso était un chalutier, donc n’ayant pas une grande autonomie. Il marquait donc de nombreuses escales dans les villes côtières. Cousteau avait sans doute visité Libreville, comme le font bien de marins à chaque escale dans un port. Mais les deux organisations qui gèrent son héritage et ses archives sont formelles : il n’a pas plongé au Gabon, tout comme un paquebot peut rester quelques jours dans un port sans y transborder quoi que ce soit ou sans y travailler, juste pour le repos de l’équipage.
      Faut pas aussi chercher absolument à justifier ce faux courrier. Merci de continuer à nous suivre.

    • Eddy dit :

      Merci pour votre article.

      J’ai entendu parler de cette lettre, que j’ai d’ailleurs lu pour la première fois en 2012. Mais ils n’a jamais été question d’une lettre écrite de la main du Commandant Jacques Yves Cousteau, qui en effet était déjà décédé bien avant l’apparition de celle-ci.

      Toutefois, il existe des procédés par lesquels les gens communiquent avec l’au-delà, on ne doit pas l’ignorer…

      Pour ce qui est de la plongée dans les faits, là encore, nous devrions le savoir, notre monde n’est pas rythmé que par le visible.

  2. CYR Moundounga dit :

    Bjr. 2 observations. la première, Doit-on situer le terme « fake » dans ce contexte. Car de mémoire la fameuse lettre date d’il y a 15 ans. Secundo cela occulte-t-il le mysticisme à la Gabonaise qui est un réceptacle occulte de grande nature à même de rendre crédible cette lettre. D’abord pourquoi cette sortie actuelle ((depuis 15 ans) qui sent le démentie. Amen.

  3. Sima dit :

    Slt Cousteau à découvert ce qu’il a découvert, et il a vu se qu’il ne fallait pas voir car il n’a pas fait tout les rythmes initiatiques,personne ici n’est censé ignorer que les eaux gabonaises sont d’une nature mystérieuse, ainsi que nos forêts. Je dirais plutôt qu’il manque une partie de vérité car on a pas publié toute la lettre, arrêter un peu vod. Je suis initiée et fier des traditions de mon pays.

    • Obame dit :

      Mon frère tu as tout a fait raison une partie de la vérité n’est pas mis au tapis,on veux toujours camoufler la vérité mais quand elle sortie elle est sortie ,nous tous autant que nous sommes nous savons comment notre pays a été bâti,il faut revenir au origine pour comprendre certains choses….le temps est un bon facteur.

  4. Missambo dit :

    Je suis gabonais (par le mariage) et ai, il y a de cela déjà bien des années, contacté la Fondation Cousteau à Paris. Voici un copier/coller de sa réponse envoyée par email :

    « L’abus que vous me signalez fait hélas partie de la cohorte de fables qui émaillent les traces du Commandant Cousteau partout dans le monde.
    Sans doute les gens ont ils besoin de légendes pour rêver.
    Cependant il ne faut pas abuser de leur crédulité et leur mentir. Jamais le Commandant ne nous a menti sur ses découvertes et ses explorations. Nous devons respecter cette ethique. Sa vie n’a pas besoin de cela pour être remarquable et respectable.
    C’est donc avec fermeté que je dément ces assertions et que je vous serais reconnaissante de publier mon message.
    Nous avons tous intérêt à protéger notre planète, le Gabon possède un trésor naturel exceptionnel qui bénéficie a tous les êtres humains, se faire peur ne peut que lui nuire et accélérer sa destruction.
    Le commandant Cousteau Cousteau à dit: « les gens protègent ce qu ils aiment »,soyons fiers de notre environnement et trouvons les moyens de vivre ensemble nous et la nature, avec les dangers et les bénéfices de nos forces mutuelles, sans inventer des risques imaginaires très toxiques pour nous deux.

    Bien cordialement,
    Francine Cousteau

  5. LeConSultan dit :

    Vu sur cet angle je réalise maintenant comment les bibliographes nous ont menti et continue à nous mentir… Quelques modifications dans la dite lettre et on restait dans une sorte d’obscurantisme éternelle. L’analyste a bien fait de soulever l’ethnocentrisme de la dite lettre… Même chose qu’on relève dans la bible aujourd’hui un livre ethnocentrique et Tribal. Une analyse aussi poignante me pousse à remettre en question bcp de choses.

  6. Mbamba dit :

    En tout cas vous mentez. Vous êtes qui pour savoir s’il a vraiment visiter ce qui est dans la lettre ou pas ? Acceptez les propos pourquoi vous cherchez à nous fermer les yeux encore et toujours ?! Si la lettre est « fake » vous allez-y plonger on va voir si vous en ressortirez de là…

  7. Jean de Dieu MEYO dit :

    La première parution de ce récit n’est pas une copie de lettre mais plutôt un extrait d’un livre avec indication des pages et chapitres. En effet, j’ai personnellement reçu une copie des copies de ces extraits il y a bientôt 20 ans.
    Et je peux affirmer ici que ce que j’y ai découvert est différent sur certains points à ce qui est publiée dans la presse. Mon défunt père un historien l’avait reçu par de la par d’un de ses correspondant en France par mail. Aujourd’hui chacun y va de sa version de l’histoire.

  8. Milangmissi dit :

    Gabonreview vous êtes courageux tenter de sortir des conneries de la tête des Gabonais quel challenge ambitieux!!!
    @admin après vous allez aussi démentir que le Brésil n’a jamais perdu 100 à 1 contre l’Inde avec un unique but de Pélé. Puis la décision de la Fifa d’exclure à jamais l’Inde.
    Puis la mort du frère Pélé sur une séance de tirs au but, lequel frère serait enterré dans le stade Maracana.

    « Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé. » Albert Einstein

  9. Granta dit :

    Vraiment pathétique.
    Quel est l’intérêt de ce démenti ? Faite comme les autres.
    Pour démonter qu’une chose est fausse apportez la preuve de ce qui est vrai.
    Faite nous une plongée au Large des côtes Gabonaises et revenez nous avez le Film.
    Pouvez-vous aussi nous édifier sur la compétition de Jet-sky au Large des fameuses côtes Gabonais en 2017 si ma mémoire est bonne, n’as pas vu son couronnement ? Que s’est-il passé le premier jour ?
    Vous êtes responsable de vos écrits devant l’histoire de notre Pays. Aussi bien physiquement que mystiquement. Respectons la mémoire du commandant Cousteau.

    • La Rédaction dit :

      L’intérêt de cet article est de tordre le cou et mettre un terme à ces légendes urbaines que vous affectionnez tant.

      Ah, ce cher raisonnement inoculé au Gabon par les Emergents : « apportez la preuve », même lorsqu’il s’agit de choses immatérielles. Pourtant, même au tribunal, on fait des appels à témoins. Les héritiers professionnels et les archives de Cousteau apportent un démenti formel mais n’y voyez pas une preuve.

      Des caravelles portugaises de l’époque des grandes découvertes (15è siècle) aux cargos et navires de commerce que charrie le port d’Owendo depuis de longues décennies, en passant par les chalutiers ayant longtemps pêché dans l’Estuaire du Gabon avant l’interdiction, personne n’a enregistré ou signalé la fantasmagorie décrite dans la fameuse lettre. Si votre preuve est l’accident survenu, en juillet 2014, lors de la course motonautique internationale organisée dans les mêmes eaux, retenez qu’en formule 1 motonautique les accidents du genre ne sont pas rares, cette discipline, particulièrement dangereuse, étant classée avec raison dans les “sports extrêmes”. C’est arrivé plusieurs fois à Abu-Dhabi alors que les esprits gabonais de Cousteau n’y sont pas.

      L’interpolation n’est pas une pratique nouvelle dans le monde. Que quelques Bwitistes en aient usé, ne fait pas de leur texte une vérité et il n’en reste pas moins que la lettre au Pape est un faux !

    • Biswe dit :

      Oui, vous avez parfaitement raison, c’est pathétique!!!

      Quel intérêt ou bénéfice tirez-vous de la perpétuation de ce « fantasme » hors la soumission volontaire à la pensée magique, ce reliquat de la mentalité primitive?

  10. Gaboma dit :

    Pourquoi la rédaction qui que le Gabon n’a pas de mer?

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