Formé le 8 mars dernier, et installé après la cérémonie de prestation de serment deux jours plus tard, le gouvernement Ossouka II connaît, parmi les ministres, des fortunes diverses depuis cent jours. Quelques réussites, beaucoup de ministres inaudibles, et des déceptions.

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Sous Yves-Fernand Manfoumbi, le ministère du Commerce et des PME est devenu une des principales places fortes du gouvernement, avec un ministre très présent sur le terrain sur le plan national et sur la scène internationale. Dès le 8 avril, un mois après son retour dans l’équipe gouvernementale, Yves-Fernand Manfoumbi fait, devant l’ensemble du personnel de son département ministériel, la présentation de la «Stratégie nationale de développement du secteur privé». Il dévoile ainsi son plan d’action, marqué notamment par l’annonce d’un nouveau Code du Commerce. Puis, il se met à la préparation de l’élection du bureau directeur de la Chambre de Commerce qui devrait se tenir non plus en ce mois de juin, mais en novembre prochain.

Ensuite, l’ancien directeur général du Budget se rend au Cambodge et au Vietnam où il prend une part active à la Mission économique et commerciale de la Francophonie. Il sollicite et obtient que la prochaine réunion de cette instance se tienne à Libreville à partir du 6 juillet prochain. La voix du Gabon qu’il porte est ainsi entendue. Toujours sur le front extérieur, il vient de conduire, la semaine dernière, la délégation gabonaise à la 12ème Conférence des ministres du Commerce de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui se tenait à Genève. Mardi 21 juin, il représente le Gabon à la réunion du Conseil des investisseurs français en Afrique noire (CIAN) à Paris. Incontestablement, il a mis en lumière le ministère du Commerce et confirme que «si tout n’est pas commerce, le commerce est essentiel», comme l’a dit un secrétaire d’Etat français au Commerce extérieur. En tout cas, personnalité très engagée et très déterminée, Yves-Fernand Manfoumbi montre qu’il veut rapidement arriver à des résultats.

Manfoumbi, Diramba, Paillat, Ndembet Damas…

Autre ministre en vue après une relative discrétion, Jean-Norbert Diramba. Le ministre du Tourisme vient de présenter, le 9 juin dernier, une nouvelle «Stratégie nationale du Tourisme» visant à mieux vendre la destination Gabon. Après avoir pris le temps nécessaire pour observer, l’ancien maire LD (les démocrates) de Mouila a enrichi l’ancien dispositif, l’adaptant aux exigences actuelles du secteur. Plus clair, plus cohérent et plus attractif, ce document est apprécié des acteurs locaux du secteur du tourisme et de l’hôtellerie.

Pour sa part, tombé dans un département assez délicat, les Transports, Brice Paillat est au front pour mettre fin à la déliquescence des entreprises placées sous la tutelle de son ministère : CNNII, Sogatra, et, bien évidemment, il s’est résolument mis en première ligne face au casse-tête continu qu’est la Setrag qui doit, selon lui, «moderniser la voie ferrée dont elle a hérité». Si ses projets de restructuration devaient aboutir, ils permettraient de relancer l’ensemble de ce secteur si sensible. Au départ, l’opinion était assez interrogative, voire dubitative, sur l’ancien Secrétaire général de l’Assemblée nationale, mais aujourd’hui, il a su démontrer ses capacités en matière de redressement des entreprises du secteur.

On pourrait y ajouter le ministre de la Justice, Erlyne Antonella Ndembet Damas, qui a eu la bonne idée de faire construire un bâtiment moderne d’incarcération pour les femmes à la prison centrale de Libreville. Il lui reste à améliorer ses rapports avec les syndicats du secteur sur la carrière des magistrats. L’ancienne juge paraît toutefois quelque peu lessivée depuis quelque temps.

Pour sa part, Alain-Claude Bilie-By-Nzé a su poursuivre la mise en œuvre des politiques publiques dans le secteur dont il a la charge, et singulièrement dans le domaine de l’eau. Outre les canalisations tracées et creusées sur la bordure des trottoirs de Libreville en vue d’une amélioration de l’adduction d’eau, chefs-lieux de province et chefs-lieux de département le reçoivent régulièrement pour le lancement ou la finition des opérations. Une activité menée tambour battant au cours de laquelle le ministre de l’Energie et des Ressources hydrauliques qui traite ses sujets avec détermination – parce que pour lui tout est urgent – a lancé un programme basé sur l’égalité des chances entre les provinces et les départements en ce qui concerne la distribution de l’eau. Il porte, dans son champ d’action, l’ambition gouvernementale d’amener le bien-être et la qualité de la vie chez les Gabonais. Bref, des choses concrètes.

Les partisans du moindre effort, les inaudibles et les autres

Si on devait choisir une bonne brochette de membres du gouvernement qui étaient très attendus, mais qui «font du tourisme», on en citerait une dizaine. Il y a de la déception lorsqu’on évoque le ministère de l’Intérieur. Toujours pas de délivrance de la carte nationale d’identité (la fameuse CNI) en dépit des promesses fermes faites par Lambert Matha. De plus, la criminalité connaît une remontée dans le Grand Libreville notamment. Ce qui pourrait faire de Libreville une des villes les plus dangereuses du continent. Une large majorité de Gabonais jugent «insuffisante la performance du gouvernement dans la lutte contre la grande criminalité». Le manque de résultats dans ces deux domaines symbolise l’échec de l’ancien secrétaire général du ministère de l’Intérieur. Son vécu et sa présence continue dans le département semblent ne pas l’aider outre mesure.

Le ministre de la Santé et des Affaires sociales fait lui aussi partie des membres du gouvernement qui déçoivent. En dépit de ses descentes dans les CHU, les lignes ne bougent pas ainsi que l’attestent bien de leaders syndicaux de son secteur. En outre, le fait que son nom soit cité dans la gestion des fonds Covid ne le rend pas populaire dans l’opinion qui l’attend aussi sur l’amélioration du fonctionnement des organismes de protection sociale. Protéger les personnes vulnérables, à l’instar des retraités et des Gabonais économiquement faibles, devrait redevenir une priorité, mais que voit-on ? La CNSS et la CNAMGS sont dans la gadoue. Guy-Patrick Obiang Ndong peut-il être le ministre qui sauvera les deux Caisses ? Nombreux en doutent.

Dans la même veine, le ministre de l’Economie, bien qu’en poste depuis une trentaine de mois, paraît dépassée par les évènements. Le dialogue social n’est déjà pas son point fort. En tant que président de la Commission sur la lutte contre la vie chère, que dit-elle de l’inflation galopante ? Quelle étude a-t-elle publié sur l’inflation ? Quelle est la stratégie gouvernementale pour améliorer le pouvoir d’achat des populations ? Motus et bouche cousue ! Où en est le Plan d’accélération de la transformation (PAT) de l’économie du Gabon ? Où est passée la relance de l’économie ? Motus et bouche cousue ! Les critiques qui lui sont faites sur tous ces plans paraissent justifiées. Question : Nicole Jeanine Lydie Roboty Mbou est-elle vraiment à la hauteur à ce poste de ministre de l’Economie du Gabon ?

Francis Nkéa Ndzigué, lui, accumule maladresses sur maladresses à chacune de ses sorties médiatiques. «Un ministre ça démissionne ou ça ferme sa gueule», lui aurait conseillé Jean-Pierre Chevènement qui avait choisi de partir du gouvernement Rocard en janvier 1991 à la suite de plusieurs désaccords avec le Premier ministre.  Depuis qu’il a, l’année dernière, publié un plan de lutte contre la corruption, les résultats tardent à se faire voir. Ce ministre a-t-il perdu d’avance ses combats pour la bonne gouvernance ? L’opinion n’a aucun doute à ce sujet. «Il n’a pas pris le couteau du bon côté», a dit de lui un avocat du barreau du Gabon.

Complètement disparu de la circulation est le ministre de la Promotion des investissements et de l’Amélioration du climat des affaires. Depuis son départ du département du Commerce, Hugues Mbadinga Madiya semble se chercher «un nouveau pas de danse» qu’il ne parvient pas à trouver. Ça rame…

Le secteur de l’Urbanisme et de l’Habitat est confronté depuis plusieurs années à des conflits fonciers. Olivier Abel Nang Ekomiyé ne s’est jamais montré en capacité d’y apporter des solutions. Bien qu’il ait dirigé pendant quelques années l’ANUTTC, le mastodonte régulant le secteur, l’ancien banquier semble flotter. Ou plutôt il nage… et risque de se noyer. En tout cas, l’opinion n’a pas perçu chez ce membre du gouvernement une détermination à régler les problèmes.

Au ministère de l’Enseignement supérieur, on a oublié d’organiser les élections universitaires. Le mandat des responsables des universités et grandes écoles a expiré depuis six mois. Au ministère des Sports, Franck Nguéma a montré de trop nombreuses lacunes dans le management des hommes et des évènements. S’il ne gère pas l’équipe nationale de football – ce qui est plutôt du ressort de la Fegafoot, l’opinion pense qu’il a accumulé des bourdes, dont la dernière, très retentissante, reste le voyage risqué de l’équipe nationale de football sur Kinshasa qui a fait monter au créneau des footballeurs jusque-là très taiseux, à l’instar de Bruno Ecuélé Manga. La communication, même parfaite, ne peut pas tout régler tout le temps.

Quant à Madeleine Berre, l’opinion constate que la gestion des dossiers au ministère de la Fonction publique reste opaque. Les fonctionnaires se plaignent de ne pas être suffisamment informés sur le déroulement de leurs carrières. En fait, on ne sent plus chez l’élue de Lambaréné la détermination qui était la sienne lorsqu’elle faisait son entrée au gouvernement en septembre 2015. Lessivée ? Épuisée ? Madeleine Berre est perçue dans l’opinion comme le ministre qui a fermé les portes de la Fonction publique aux jeunes diplômés qui frappent à la porte de ce ministère. Elle est aussi perçue, à tort ou à raison, comme le ministre qui bloque les avancements automatiques et toutes les régularisations des situations administratives, alors que la décision du gouvernement de bloquer tout avancement et reclassement avait été prise en 2018 pour trois ans. Nous sommes en 2022. En tout cas, depuis 100 jours, elle ne parle pas, elle ne fait rien. D’où l’ire des confédérations syndicales de la Fonction publique.

Quant à Lee White, son action aux Eaux et Forêts est illisible. L’opinion n’en retient que les mouvements d’humeur des agents qu’il n’est jamais parvenu à juguler. N’étant pas un homme connu pour le dialogue social, il ne fait rien qui vaille. En plus, pour des faits de corruption et de concussion présumés, un de ses collaborateurs, Ghislain Moussavou, directeur général des Forêts, a été placé en détention préventive. Cela ternit indubitablement l’image de ce ministre qui n’est jamais au courant de ce qui cloche dans son département, mais sait toujours tirer les marrons du feu.

Y a-t-il un ministre de la Pêche dans le gouvernement ?

Pour le reste, il semblerait qu’un ministre de la Pêche et de l’Economie maritime avait été nommé en mars dernier, mais qui s’en souvient ? Personne ne sait ce qui se fait dans le ministère, ni qui en est le ministre. Séverin Oswald Mayounou est toujours aux abonnés absents. Par ailleurs, après l’hyperactivité – il est vrai, pas toujours en réussite – de Biendi Maganga Moussavou, on cherche désespérément qui l’a remplacé au ministère de l’Agriculture. Ça flotte…

Pour sa part, Michel Menga, le ministre de la Décentralisation, de la Cohésion et du Développement des Territoires, est tellement inaudible et invisible que l’on se demande s’il fait toujours partie de l’équipe gouvernementale.

En fait, bien que le Gabon ne soit plus réellement dans un contexte de crise sanitaire qui pouvait expliquer l’atrophie de certains dans le gouvernement, beaucoup de ministres donnent le sentiment de ne pas être opérationnels. Conséquence : une absence manifeste de résultats concrets. De nombreux sujets irritent les Gabonais, et ils espéraient que le gouvernement parviendrait à y donner des suites favorables. Ce n’est pas le cas. Tous les regards sont rivés vers la cheffe du gouvernement. Quand ça ne marche pas, chère Madame, on procède au nettoyage des écuries !

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Isidore dit :

    Des ministres sans initiatives, si ce n’est que de ressembler à la famille qui les a placé à ces postes : Bongo – Valentin. Ou Valentin tout court… Les Bongo n’existent plus en réalité.

  2. Lavue dit :

    Et c’est quoi cette échéance de 100 jours. Faut éviter d’imiter tout bêtement ce qui se fait dans des pays normaux. Ou l’administration fonctionne, le parlement fonctionne, les sociétés créent de la richesse, les universités et les écoles sortent des cadres bien formés, la justice est en très grande partie indépendante. Faut pas imiter, faut pas reprendre les termes des autres juste pour faire comme eux, pour faire beau. Faut éviter des parallèles qui n’ont pas de sens.

    Vous croyez vraiment que dame OSSOUKA dirige le pays. C’est une pauvre dame qui suit et applique tout bêtement les instructions qu’elle reçoit, elle ne fait pas autre chose. En tous cas c’est ce qu’on fait savoir beaucoup de ses prédécesseurs à ce poste bidon (le SENEGAL l’a supprimé, et le SENEGAL c’est pas n’importe quelle République bananière d’Afrique Centrale). Comment dans un tout petit pays comme le Gabon le Président de la République ne peut pas être chef du Gouvernement? Finalement il sert à quoi réellement? En France, la politique étrangère est un immense domaine, la défense est très stratégique, les questions d’intégration européenne sont très stratégique pour le pays; c’est pourquoi ces domaines et mêmes d’autres que j’oublie ici sont réservés au Président de la République et les autres vont être gérés par le PM.
    Mais dans un pays comme le Gabon, on ne peut se permettre de calquer pareil modèle. C’est simplement bête.

    Faut laissez dame OSSOUKA tranquille, elle ne gouverne pas. , elle remplit une fonction. Vous pouvez lui donner 100 jours, 200 jours, 5 ans ça ne changera rien. D’ailleurs c’est pas elle qui forme le gouvernement on le lui impose. Les choses ne dépendent pas de son pouvoir ou de ses capacités, et je crois que tout le monde le sait. Mais c’est pas mauvais de le rappeler comme je le fais.

    Donc les histoires de bilan 100 jours après, faut laisser ça chez les autres qui évoluent dans des environnements absolument pas comparables aux nôtres.

    Merci.

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