Intrusion armée chez Ngoulakia : vengeance du régime déchu ou avertissement du nouveau pouvoir ?

Dans la nuit du mardi 5 septembre, des hommes armés ont fait irruption au domicile à Libreville de Léon Paul Ngoulakia, cousin du président déchu et ex-opposant de fraiche date, alimentant ainsi les craintes de règlements de compte politiques dans le contexte de la transition militaire amorcée avec le putsch contre Ali Bongo fin août.

Léon Paul Ngoulakia. © GabonReview

Le mardi 5 septembre dans la nuit, des hommes armés ont fait irruption au domicile de Léon Paul Ngoulakia à Libreville, cousin germain du président Ali Bongo également connu pour avoir dirigé le Conseil national de sécurité de 2009 à 2013. Selon des témoins dans le quartier du Haut de Gué-Gué, vers 23h, des militaires, vraisemblablement, en tenues noires et armés, sont arrivés à bord de 5 véhicules Land Cruiser VX devant la maison de M. Ngoulakia.

Ils ont exigé de voir l’ex-opposant. Face au refus du gardien d’ouvrir, ils l’ont menacé d’usage de grenade lacrymogène et sont entrés de force dans la propriété. Ne trouvant pas M. Ngoulakia qui se serait réfugié dans sa chambre, et sa famille étant absente, ils sont repartis en promettant de revenir.

Un parent pas comme les autres

Cet incident intervient dans un climat entre espoir et incertitude depuis le putsch militaire du 30 août ayant fait tomber Ali Bongo et avec lui le régime cinquantenaire Bongo-PDG.

Si, à la faveur du coup d’État, plusieurs arrestations ont eu lieu dans l’entourage d’Ali Bongo, notamment celle de son fils Noureddin Valentin, et que le nouveau pouvoir a annoncé l’ouverture d’une enquête contre ces personnes pour, entre autres, «haute trahison contre les institutions», «détournement massif des deniers publics», «malversation financière internationale en bande organisée», «falsification de la signature du président», on s’étonnera de ce que Léon Paul Ngoulakia puisse entrer dans ce registre.

Certes cousin de l’ex-chef de l’État, Léon Paul Ngoulakia n’était littéralement plus aux affaires depuis 2016 lorsqu’il avait rompu avec lui. Candidat à la présidentielle remportée par M. Bongo cette année-là, il avait finalement rejoint l’opposant Jean Ping qui revendiquait également la victoire. Après avoir été, durant le dernier septennat, vice-président du parti d’opposition Les Démocrates de Guy Nzouba-Ndama, il en a démissionné en juin dernier. Tournant le dos à l’opposition, il a annoncé solennellement son retour au sein du Parti démocratique gabonais, le parti au pouvoir, lors du passage d’Ali Bongo Ondimba à Akiéni, le 7 juillet 2023.

L’appel d’août 2015

On ne saurait vraiment comprendre qu’il soit aujourd’hui en bisbille avec des militaires «républicains» à qui il demandait, en août 2015, à travers un appel, de ne pas participer à la destruction du pays. Il rappelait alors leur engagement aux forces de défense et de sécurité : «Servir sous le drapeau non pas pour obéir à la volonté rapace et égoïste d’un homme abandonné à lui-même, mais servir la République, l’intérêt général et le peuple gabonais souverain». Ngoulakia indiquait alors que «tout autre engagement à dessein de satisfaire l’appétit vorace de pouvoir d’un homme au détriment de la volonté populaire est suicidaire, et tôt ou tard, voué à l’échec». On y est : les militaires se sont montrés républicains.

L’intrusion armée au domicile de Léon Paul Ngoulakia alimente les craintes de règlements de compte et d’actions de forces pouvant être restées fidèles à l’ancien régime et qui entendent discréditer le nouvel homme fort de Libreville, le Général Oligui Nguema. Elle pose question sur la sécurité de certaines personnalités dans le contexte de transition politique en amorce.