Investitures à l’UDB : la roulette russe

En s’avançant sans s’être préalablement concertée avec les autres soutiens de Brice-Clotaire Oligui Nguéma, l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) a créé les conditions d’une lutte fratricide.

À quelques semaines de sa première joute électorale, l’UDB joue à la roulette russe. Si le parti présidentiel veut faire cavalier seul, il ne sait pas comment les autres membres de la majorité présidentielle se positionneront. © GabonReview
Comme on pouvait s’y attendre, les investitures à l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) font grand bruit. Et pour cause : lancé le 5 juillet dernier par le président de la République, ce parti doit a priori jouir sinon du soutien, du moins du regard bienveillant des institutions. Il doit aussi bénéficier de moyens conséquents, sans commune mesure avec ceux de ses concurrents. Mieux, à ce jour, il est le seul à avoir décliné des prétentions sur l’ensemble des sièges, aux législatives et aux locales. C’est dire s’il a théoriquement vocation à devenir une force dominante voire hégémonique. Cependant, au regard de sa jeunesse, on peut nourrir des doutes quant à la justesse, à l’efficacité et à la légitimité de certains de ses choix. On peut surtout se demander si sa démarche s’inscrit dans la dynamique d’«inclusivité» chère à son fondateur.
Rancœur des recalés, inexpérience des candidats, extrême jeunesse du parti
À quelques semaines de sa première joute électorale, l’UDB joue à la roulette russe. Son secrétaire général peut évoquer les dispositions statutaires, son propos ne convainc personne. Il peut parler d’«adhésion aux valeurs et (à) la ligne politique», d’«implantation locale et de capacité de mobilisation» ou encore de «probité morale et (de) discipline militante», son argumentaire suscite l’étonnement. Son parti ayant tout juste un mois d’existence, il ne peut avoir une idée précise de l’engagement, de l’envergure et de la moralité des postulants. Du coup, plusieurs questions sourdent : «Et si la Commission des candidatures et investitures (CCI) était une caisse de résonance ?», «Et si ces choix ont été décidés d’autorité, en fonction des accointances des prétendants ?» Jusque-là présentée comme une auberge pour transhumants politiques, l’UDB est maintenant soupçonnée de fonctionnement peu démocratique.
Au lendemain de son lancement, l’UDB fut brocardée pour avoir accueilli des figures marquantes de l’ère Ali Bongo. Elle fut pointée du doigt pour avoir accepté d’héberger des personnalités en délicatesse avec la vertu publique. Anticipant cette critique, son président-fondateur avait proclamé sa volonté de «mettre en relation toutes les composantes de notre société, de manière inclusive et participative». Fort de cela, on imaginait ses principaux cadres briguer puis obtenir son investiture. Ayant changé de braquet, le parti présidentiel est-il toujours sur la même lancée ? Ayant opté pour le rajeunissement, quitte à confier son destin à des néophytes, peut-il encore prétendre tirer bénéfice de réseaux locaux et d’une prétendue expérience ? Ne risque-t-il pas d’être confronté à la rancœur des recalés, à l’inexpérience de ses candidats et à son extrême jeunesse ?
La suite peut réserver des surprises
Contrairement au Parti démocratique gabonais (PDG) jadis, l’UDB ne peut ni se prévaloir d’un maillage territorial ni miser sur la discipline de ses membres. Elle ne peut non plus parier sur la solidarité entre coreligionnaires de trop fraîche date. Bien au contraire. N’en déplaise au directeur de cabinet de son président-fondateur, cette formation politique ne peut déjà prétendre être «le parti au pouvoir», sa structuration ayant à peine débuté. Sauf mauvaise foi, elle ne peut affirmer être «le candidat plébiscité (…) par l’ensemble des Gabonais», Brice-Clotaire Oligui Nguéma ayant été porté par les forces politiques les plus représentatives. À ces vulnérabilités internes se greffent des menaces externes : si le parti présidentiel veut faire cavalier seul, il ne sait pas comment les autres membres de la majorité présidentielle se positionneront. En cas de second tour, les anciens d’Alternance 2023 vont-ils faire cause commune, y compris face à l’UDB ? Et le PDG ? Ne pourrait-il pas être tenté de lui faire payer son arrogance prématurée, ses débauchages massifs voire une certaine déloyauté ?
Si ces questions ne sont pas mises sur la table, la suite peut réserver des surprises. La bataille de légitimité en cours au PDG en rajoute à l’incertitude : selon le verdict final, certaines candidatures UBD pourraient être contestées. Déjà, on parle de démissions antidatées ou de candidats n’ayant pas respecté la période de viduité prescrite par la loi. Info ou intox ? Peu importe. C’est la bouteille à l’encre. En s’avançant sans s’être préalablement concertée avec les autres soutiens de Brice-Clotaire Oligui Nguéma, l’UDB a créé les conditions d’une lutte fratricide. Pourtant, d’aucuns ont appelé à structurer la majorité présidentielle autour du président de la République. En pure perte. Si elle n’a pas encore vécu, l’alliance informelle constituée au lendemain du 30 août 2023 semble à bout de souffle. Peut-elle survivre ? Oui, si le président de la République consent à passer des accords politiques avec ses différents soutiens. Autrement, il pourrait malgré lui devenir la victime collatérale d’une stratégie manifestement mal pensée.

1 Commentaire
« Lutte fratricide » trop alarmiste, Roxanne. Doit-on à nouveau sacrifier notre démocratie avec ces arrangements opportunistes. L’UDB n’a pas besoin d’acheter des soutiens comme ce fut le cas du PDG. Que chaque parti qui soutient Oligui démontre le poids de son soutien sur le terrain, sinon on va revenir à cette culture de partis qui ne se créent rien que pour obtenir des postes où monayer des arrangements pour des investissements pour les législatives et les municipales. Que chacun montre son poids ensuite Oligui pourra voir claire qui merite des postes de nominations au gouvernement et dans la haute administration