Une enquête et ses révélations renvoyées aux calendes grecques. Pas moins de 8,3 milliards de francs CFA subtilisés des poches de l’Etat. Mettant à nu les mécanismes, auteurs et bénéficiaires de droits de douanes détournés, un dossier dont Gabonreview a reçu copie, dévoile l’amplitude de la corruption au sein de l’administration des douanes gabonaises. Du fait de certaines connivences, la répression été empêchée.

© Gabonreview

 

On savait que la douane gabonaise était une administration minée par la corruption. Mais on avait aucune idée de l’ampleur de celle-ci. On la croyait circonscrite aux petits agents de constatation, elle a pourtant gagné toutes les strates de cette régie financière. Si, comme les moutons, les petits douaniers broutent là où ils sont attachés, les chefs, inspecteurs de tous grades, sont les principaux concepteurs et bénéficiaires de cette mafia à grande échelle, soutenue et alimentée par les opérateurs économiques, pour dépouiller l’Etat d’une part importante des recettes douanières au profit de quelques individus. Les graves révélations d’un dossier dont Gabonreview a reçu copie devraient faire tomber les grosses têtes impliquées dans ce scandale. Que nenni !

L’enquête

Tout commence en 2017 lorsque l’ancien DG des douanes, Lewamou Obissa, confie à un inspecteur général des finances, initiales AMC, la mission de procéder à un contrôle après dédouanement des importations entre 2017 et 2020. L’homme, qui capitalise près de 33 ans de service, est entouré d’une équipe de cinq personnes, composée d’inspecteurs et contrôleurs des douanes.

Dès son entame, la mission constate de nombreuses irrégularités dans les dossiers de certains importateurs. Alors que la mission se poursuit, en octobre 2020 un changement intervient à la tête de la douane : Boris Admina Atchoughou est nommé Directeur général de la Douane gabonaise et des droits indirects. Le nouveau DG réaffirme à AMC sa volonté de voir cette mission se poursuivre et la renforce par un complément d’effectifs et une mise à disposition d’un budget de fonctionnement.

La mission ainsi légitimée, AMC met les bouchées doubles pour débusquer les importateurs véreux. Sur la base de fausses factures mises à jour au terme des auditions des transitaires sur procès-verbal, il dresse une première liste de 20 structures fautives de fraudes douanières. Les infractions sont d’une ampleur insoupçonnée. En effet, le montant des déclarations frauduleuses mis à jour au terme des investigations dépasse l’entendement du vieux douanier, tant le procédé bien huilé établit, sans équivoque, la complicité de l’administration douanière. Fort de ce que l’enquête révèle, AMC décide de rendre compte au DG pour suite à donner.

Atermoiement

Contre toute attente, en dépit de plusieurs relances et demandes d’audience, Admina Atchoughou, pourtant signataire de l’ordre de mission, lui oppose une fin de non-recevoir. L’inspecteur général des finances n’aura plus jamais accès à son DG pour lui rendre compte du dossier explosif. Il y a que certains opérateurs économiques épinglés l’avaient prévenu de leur proximité avec le DG. L’inspecteur avait négligé ces intimidations qu’il prenait alors pour des subterfuges de contrevenants pour échapper au redressement. Le DG serait-il en connexion ou de connivence avec les opérateurs économiques épinglés ? Son attitude viserait-elle à protéger ses amis ?

Il y a que la liste des opérateurs épinglés compte des entreprises influentes disposant de puissants soutiens dans les hautes sphères. Ousoto s/c de Madia Lengoubouanet Germain, société écran de Luxury Car appartenant à un sujet libanais, importateur et fournisseur de voitures de luxe, a ainsi fait de fausses déclarations à hauteur de 3,5 milliards de francs CFA ; Gesparc en a pour 1,2 milliards ; Hérault Macono pour 660 millions ; Prix Import pour 375 millions ou encore Codalec pour 225 millions. Les vingt (20) entreprises épinglées et leurs complices de l’administration douanière ont ainsi distrait du budget de l’Etat pas moins de 8,3 milliards de francs CFA.

Gangrène et omerta

À combien donc s’élèveraient les déclarations frauduleuses si la mission de AMC s’était effectuée sur l’ensemble du portefeuille clients de la douane ? C’est résolument le casse du siècle. Ce dossier qui démontre les collusions et les compromissions du DG des douanes, et son parapluie haut perché, avec les importateurs, reflète la grande corruption qui gangrène l’administration gabonaise.

L’affaire a été portée à la connaissance des services spéciaux qui ont ouvert une enquête. Celle-ci n’a débouché que sur l’omerta et l’impunité. Un membre éminent du giron de l’ex-Coordonnateur général des affaires présidentielles, alimentant régulièrement la chronique et dont les réseaux sociaux font souvent leurs choux gras, est subitement intervenu pour instruire les enquêteurs de surseoir à l’enquête. En procédant ainsi, qu’est-ce qui empêche le DG et son sauveur inattendu de faire chanter, en catimini, les opérateurs indélicats et leur faire cracher, pour leur bénéfice personnel, une part de la manne querellée ? Pendant ce temps, AMC qui a fait le travail et qui, conformément à la loi, mérite de toucher sa part du contentieux continue d’espérer. Il en va ainsi du Gabon sous le management d’une jeune garde qu’on croyait porteuse de changement dans la gestion du pays.

Les plus hautes autorités de la république dont le ministre de l’Economie, le Premier ministre et le président de la République, devraient se saisir de ce dossier constituant un scandale financier inacceptable. Les auteurs, leurs complices et leur protecteur étant clairement identifiés. Au moment où le Gabon est sous la supervision rapprochée du FMI, de tels agissements sont de très mauvais signaux envoyés aux partenaires financiers du pays.

À moins de vouloir confirmer le sentiment largement partagé  au Gabon selon lequel certains peuvent tout se permettre. Parallélisme des formes oblige, il est à rappeler que de nombreux compatriotes ayant récemment cru avoir le droit de jouer avec les deniers publics, ont été mis en prison et y sont encore. Ali Bongo ne cesse de déclarer que la main de la justice ne tremblera plus devant les prédateurs et les fossoyeurs de l’Etat. Pour que ce ne soit pas une vaine parole, il a là une belle occasion de le démontrer.

 
GR
 

8 Commentaires

  1. ENDUNDU dit :

    Un membre proche des collégiens du Palais, un proche du chef de la Young Team du palais est à l’origine du blocage des investigations menées dans la Douane gabonaise. Beaucoup d’argent divertis là- bas. Ce n’est un secret de polichinelle. Pitié mon pays GABON où des fortes sommes d’argent prennent des circuits financiers parallèlement au Trésor public. 🤔🤔🤔

  2. Gayo dit :

    Sachant que nous sommes gouvernés par des affairistes dont Ali Bongo qui profite grassement de la corruption des institutions telles que la Douane, il ne faut pas rêver. La Douane est gangrené par des pratiques mafieuse parce Ali Bongo est un mafieux qui comme son père se sert du pouvoir pour leurs affaires. Malheureusement c’est le développement de notre pays qui en pâtit. La famille Bongo, Mbourantsuo, les Dabani et tous les membres de leur court ne se suffisent pas aux détournements, ils ont besoin de ne pas payer la douane et les impôts.

  3. MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. A partir du moment ou GABONREVIEWS publie une telle bombe cela signifie que le bord de mer est déjà au courant. les 2 derniers paragraphes sont très explicites quand à ce que doit devenir ce dossier. DE deux choses l’une et là c’est pas un kongossa, le gouvernement doit agir ne pas le faire c’est se rendre complice. Nous attendons. Bravo AMC. Amen.

  4. Man K dit :

    Rien de surprenant ! Le DG met le dossier sous le coude par parce-que : soit étant lui même impliqué, soit il couvre les gens de son giron. Aujourd’hui,on peut se permettre de dire que la justice ferme les yeux pour le bon vouloir d’un groupuscule de gens corrompus à souhait. Mieux, quand le DG actuel ne fera plus leur affaire, ils ressortiront ce dossier pour l’évincer comme il est coutume dans cette administration. Ils nous sortiront de leur chapeau maléfique un nouveau DG sans état de service et corvéable à souhait pour continuer leur sale besogne. Ainsi va le Gabon.

  5. Lavue dit :

    Qui pour traduire tout cela aux populations afin qu’elles comprennent les enjeux de l’élection présidentielle de 2023? Avec le système BONGO-PDG point de développement et d’avenir durable dans ce pays. Les mauvaises pratiques sont une seconde nature, ne demandez pas aux gens qui n’ont jamais travaillé dur pour gagner de l’argent, qui ne connaissent que les raccourcis de la corruption de changer par leur bon vouloir. Non, ils ne changeront jamais. Il faut « décapiter » la tête et tout cela aurait une chance de disparaître, sinon ça ne changera jamais. Sinon les populations instrumentalisées par le PDG iront voter comme des moutons pour leurs bourreaux économiques. Faut parvenir par tous les moyens à leur faire comprendre que le système BONGO-PDG actuel est à l’origine de tous leurs maux, il est à bout de souffle et ne peut rien apporter de nouveau.

  6. Leraleurdunet dit :

    Toujours le mêmes noms qui sortent et jamais d’impunité

  7. Pauline Theydert dit :

    C’est vous là, Gabonrexiew! Pourquoi AMC lorsqu’on démantèle le jeu d’un criminel, vous vous permettez de couvrir l’individu, à quoi bon de publier un élément comme ça, moi je dirai que c’est des histoires !

  8. […] y a en effet que le 11 mai dernier Gabonreview publiait un article titré «Le casse du siècle : la Douane, l’inspecteur des finances et les 8,3 milliards de fraude». Le texte indiquant que pas moins de 8,3 milliards de francs CFA avaient été subtilisés et […]

Poster un commentaire