L’histoire retiendra peut-être que la Transition gabonaise s’est effondrée non sous le poids des armes, mais sous celui des urnes. Trente et un milliards de francs CFA engloutis, une légitimité électorale en lambeaux, un pays au bord du doute absolu : le scrutin du 27 septembre 2025 devait consolider la Vè République, il en a révélé la fragilité. La question n’est plus «qui a gagné ?» mais «que reste-t-il à sauver ?» Et si la seule issue, pour éviter la dérive, était d’annuler et recommencer ?

Trente et un milliards pour falsifier la vérité : jamais la démocratie n’aura coûté si cher à la dignité d’un peuple. Entre l’honneur d’un pays et la peur d’annuler, le pouvoir choisit la honte pour le moment. © GabonReview

 

Jamais la Transition n’avait semblé si proche de son propre naufrage. Le scrutin qui devait refermer la parenthèse du coup d’État d’août 2023 a rouvert toutes les plaies qu’il prétendait guérir : fraude, improvisation, défiance, soupçon. Le pays qui voulait prouver sa maturité démocratique se découvre pris au piège de son ambition. Derrière le tumulte des proclamations, une interrogation s’impose : comment la Vè République peut-elle naître proprement d’un vote aussi vicié ?

Démocratie à crédit et union sacrée des mécontents

Le chiffre est vertigineux : 31,7 milliards de FCFA, soit le prix d’un hôpital moderne ou de centaines d’écoles rénovées, ont été investis dans ces élections. Pour quel résultat ? Des urnes contestées, des bulletins disparus, des procurations en rafales et un silence embarrassé du ministère de l’Intérieur et de la plus haute institution du pays. L’État a payé pour la démocratie, et récolté la suspicion.

Ce qui devait être la vitrine du renouveau post-Bongo ressemble à un miroir fêlé où se reflètent les vieux démons du passé : clientélisme, manipulation, improvisation. Le Gabon voulait démontrer qu’il avait tourné la page des fraudes chroniques ; il démontre au contraire qu’il n’a pas encore appris à voter honnêtement, ni à organiser une élection digne de ce nom.

Il est rare de voir l’histoire politique produire une telle unanimité. Un parti allié, le PDG, des anciens Premiers ministres, l’opposition, l’Autorité de contrôle des élections et du référendum (ACER) – elle-même : tous s’accordent sur le constat d’échec. Ali Akbar Onanga Y’Obeghe parle de «pires élections jamais organisées» ; Raymond Ndong Sima évoque un «retour à la case départ» ; Bilie-By-Nze, dans un avertissement au président Oligui aussi exhortatif que prophétique, déclare : «Deux chemins s’offrent à vous: écouter les voix lucides qui appellent à annuler et sauver l’honneur du pays, ou céder aux faucons et prouver que le refus d’hier n’était qu’un prétexte. Ce choix, vous ne l’aurez pas deux fois».

Quand la majorité, l’opposition et l’arbitre s’accordent sur la faute, c’est que le système a perdu sa colonne vertébrale. La Transition se rêvait refondation ; elle ressemble désormais à une répétition générale de la désillusion.

Maintenir la honte ou reprendre le vote ?

Oui, si la Vè République veut éviter de naître dans le mensonge. Non, si elle craint de s’avouer déjà incapable. Le dilemme d’Oligui Nguema n’est pas administratif, il est moral. Annuler coûterait cher – sans doute 30 milliards de plus – mais persister coûterait l’irréparable : une Assemblée sans crédibilité, un pays sans confiance, un pouvoir sans autorité morale.

Le Gabon n’a pas besoin d’élections “tenues”, il a besoin d’élections “crues” – vraies, vérifiables, incontestables. Refaire voter, c’est restaurer l’idée même de la République. Refuser, c’est lui infliger sa première faillite morale avant même son baptême institutionnel.

En tout cas, le verdict de l’Histoire sera impitoyable. On ne fonde pas une République sur des résultats suspects. Le courage politique, aujourd’hui, ne consiste pas à sauver la face mais à sauver la foi. Si Oligui veut inscrire son nom dans la durée, il devra faire ce qu’aucun régime avant lui n’a osé : reconnaître que la vérité du peuple vaut mieux que la stabilité du mensonge.

 
GR
 

6 Commentaires

  1. MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Ce document est très percutant. Je suis GabonReview depuis plus de 3 ans mais jamais je n’ai vu et lu un article ou il n’ y a même pas une once de circonstances atténuantes au pouvoir en place concernant les élections du 27 septembre 2025. Et la phrase suivante en dit long : »reconnaître que la vérité du peuple vaut mieux que la stabilité du mensonge ».

    Allo UB ont dit quoi!!! Amen.

  2. Jean Jacques dit :

    Au Gabon la honte, n’existe pas pour les voleurs, corrompus faux politiciens au Gabon la bonne gouvernance n’existe pas, la vraie justice, n’existe pas, au Gabon les fameux politiciens corrompus vont la politique c’est pour eux-mêmes, avec leurs familles, iis font la politique pour se SERVIR ET NON SERVIR LE PEUPLE .

  3. Nathan DZIME NGOGO dit :

    Il y a une vérité crue : Un Peuple, mérite ses dirigeants ! J’ajouterai personnellement qu’un Peuple mérité ses élections.

    En effet, depuis Léon Mba, le Gabon ne vit que ce type d’élections. De mémoire d’électeurs, il ressort bien, que depuis le premier président du Gabon, les mêmes griefs ont toujours été portés à l’organisation des élections dans ce pays. Cela devient donc une tradition plus qu’enracinée. Et si tout ceci nous montrait une facette de ce pays que nous voulons absolument cacher, et qui à chaque élection nous revient comme un tsunami pour nous submerger.

    1- Le Gabon est un pays composé de plusieurs peuples aux passés et psychologies différentes voire diamétralement opposées. Mais ces visions antagonistes de la Société, loin d’être une richesse, constituent un blocage pour notre vivre ensemble, pourquoi ? Parce que les gens ne s’acceptent pas du tout dans leurs diversités.
    Le constat est clair et amer : la grande majorité de tout ce qui peut unir un peuple à savoir les mariages, les partis politiques, le travail commun, de groupe d’amitié voire religieux… n’est constituée en majorité que de groupes ethniques et tribaux voire familiaux. En effet, nous retrouvons encore dans ce pays, des familles absolument opposées à des mariages mixtes (d’ethnies différentes), par le simple fait de la stigmatisation ethnique des potentiels époux. De même, très souvent les partis politiques ne se résument qu’à de simples groupes ethniques voire familiaux…Que dire alors de la composition des cabinets ministériels et de la haute Administration ? L’on n’accepte à côté de soi, que le « parent » sinon une personne de la contrée, avec laquelle on parle le même patois. Bien entendu, à ce jeu, c’est la performance qui trinque… car les recrutements et autres promotions ne se font que sur la base ethnique et non des capacités des candidats. Qu’advient-il alors lors des élections comme celle que nous vivons en ce moment ?

    Naturellement lors d’élections, cela commencera par le gonflement superficiel (par quelques mécanismes) de la valeur électorale de sa communauté ethnique : en clair, la manipulation du fichier électoral. Ensuite suivra le faussement volontaire des règles de vote, pourtant bien établies. Suit, le transport des « touristes électoraux » à travers le pays, toujours dans la même stratégie du « crapaud qui veut se prendre pour un boeuf »… Pour enfin aboutir, à la manipulation des suffrages issus des urnes.

    Tout ceci n’est pour moi, qu’une conséquence d’un mal plus profond qui est que nous ne nous acceptons pas dans nos diversités. Combien de fois, dans mon expérience personnelle, me suis-je fait étiqueter « Camerounais » (avec mon respect humain dû à cete Nation), par d’autres gabonais d’autres régions, juste parce qu’ils savaient que je suis d’une certaine région du Gabon proche du Cameroun?
    En clair, nous sommes résolus à ne jamais nous rapprocher pour faire chemin d’existence ensemble, pour le bien de notre pays.

    2- Ces faits précités ne sont pas nouveaux, et ont même été amplifiés durant les dernières décennies par des individus déterminés dans la conservation du pouvoir. En cela, je dirai que le Peuple Gabonais (avec tout le respect que je lui dois), est comme un rat de laboratoire sur lequel on teste toutes les théories de gestion groupes (comme la gestion de groupe par le chaos).

    3- Les résultats sont là : un pays qui piétine. Mais dans l’avancée de l’existence humaine, piétiner est synonyme de « reculer à grands pas ». Les mêmes problématiques nous collent aux basques depuis une éternité, nous privant de nous concentrer tous ensemble sur les problèmes de développement.

    Quelle pourrait être une des solutions:

    Au-delà des sempiternels cris qui résonnent comme du déjà entendu depuis des décennies, à élection, il est urgent de prendre des mesures : car puisque nous sommes incapables de penser « Gabon », et parce que le développement ne nous attend pas, nous devons coller à la réalité au lieu de nous accrocher à un modèle colonial français de gouvernance étatique centralisée. Nous devrions penser à des modèles de gouvernance qui font leurs preuves ailleurs en Afrique et dans le monde.

    La République Fédérale du Gabon

    1- Cette configuration confinera les « Tricheurs » et ceux qui ne savent pas se coller aux règles démocratiques et de Transparence dans une région et limitera de facto l’impact de la tricherie sur la région concernée. Et puisque la population sera plus réduite, cela permettra aux instances locales de superviser des élections, donc d’être plus efficaces vigilantes et proactives, pour ainsi garantir la transparence électorale tant souhaitée ;

    2- Chaque Région, étant devenue un Etat, bénéficiera de l’autonomie de gestion administrative et fiscale (à définir), ce qui pourra bénéficier aux investissements…donc à la richesse y produite car leurs résultats seront challengés par leur niveau de vie régionale. Et enfin les promotions dans ces Administrations pourront enfin être faite sur une base ethnique ou tribale comme vous voulez, sans trop d’impact sur le pays tout entier. De même, toute dérive budgétaire (en clair, les détournements et autres corruptions) seront circonscrits localement et ne freineront donc pas de beaucoup, l’évolution globale de la Nation.

    3- En ce qui concerne les élections des Responsables politiques, tels les « Gouverneurs » locaux et autres Représentants du Peuple, une fraude locale sera confinée au niveau local, et sera résolue par les Tribunaux locaux compétents (ce qui sera plus facile et rapide) mais dont les arrets auront une portée nationale naturellement…avec toutefois une Cour Constitutionnelle unique pour tout recours. Toutefois, et afin de garantir l’impartialité absolue de cette Cour, elle serait constituée de Magistrats hors catégorie, désignés (un par Etat) par un collège de Magistrat de chaque Etat.

    Inutile de vous dire qu’en adoptant ce régime, nous n’allons pas réinventer la roue car cela existe déjà dans d’autres pays et non des moindres…Le Nigéria (première économie d’Afrique), les Etats-Unis (première économie du monde), la Suisse…!

    Je ne parle pas ici de l’Etat idéal ; car les challenges seront tout aussi nombreux en matière de cohésion nationale, de politique économique de l’Etat, de sécurité et de défense et en matière sociale…

    Bien sûr, ce n’est qu’une proposition, mais je pense que nous devons y réfléchir sérieusement afin de cesser cette politique d’autruche qui nous cause tant de dégâts et de retard, sans parler des vies humaines gâchées.

    Mais il faut un courage politique pour déjà y réfléchir et puis pour le réaliser, sans attendre que des gens venus d’ailleurs nous apportent des solutions inadaptées à nos problèmes.

    Nous sommes Indépendants et Seuls Responsables de notre avenir devant Dieu et devant l’Humanité !

    Patriotiquement Vôtre !

  4. Jean Jacques dit :

    Nathan, c’est pour cela les tricheurs vont tout pour gagner le élections, par ce que les personnes la politique au Gabon les faux politiciens corrompus ils font la politique c’est pour leurs propres intérêts avec leurs familles.

  5. Gayo dit :

    Refaire tout le scrutin national et brûler 31 milliards n’a aucun sens. La quasi-totalité des circonscriptions ont voté correctement grâce à une transparence accrue (affichage des PV). Les écarts constatés sont des restes du système Bongo-PDG. Un scrutin observé et médiatisé est moins opaque que les élections sans contrôle d’hier.
    La bonne ligne : examiner les recours avec rigueur, reprendre uniquement là où des irrégularités prouvées existent (fraude, abus de procurations, violences, absence/retard de bulletins, intimidations, représentants empêchés).
    Sinon, on entérine : on ne punit pas les circonscriptions exemplaires ni les candidats honnêtes. Ce n’est pas l’affaire de quelques décideurs ; c’est celle des candidats qui apportent des preuves et de la volonté du peuple.

    • Gayo dit :

      Anne-Sophie Laborieux est probablement une sympathisante du partie de Bilie Bi Nze. Des irrégularités constatés grâce à une volonté de transparence inédite et vous voulez renvoyez électeurs et candidats sur le terrain. Ce ne sont pas seulement les 31 milliards du contribuable qui ne sont pas l’argent sorti de la poche d’Oligui mais aussi les candidats qui vont investir doublement pour leur élection. On reprend partout ou il y a eu des soucis mais on ne remet pas les circonscriptions où tout s’est déroulé parfaitement dans le processus. D’ailleurs l’un des deux sophistes à savoir Ali Akbar Onanga dans sa contestation dit que le scrutin était transparent et dans le calme chez lui : il ne demande pas l’anulation mais la validation.

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