La 19ème réunion des parties du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) doit être l’occasion de regarder la réalité en face et de s’interroger sur la pertinence de certains jugements.

En organisant ses assises dans un environnement tel que celui du Gabon, notamment marqué par l’incarcération du directeur général des Forêts, le PFBC n’apporte-t-il pas sa caution à la corruption ? N’est-ce pas une façon d’accorder une prime à la mal gouvernance ? © Montage Gabonreview

 

Curieusement, l’information ne suscite pas beaucoup d’enthousiasme. La 19ème réunion des parties du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) se tient à Libreville du 5 au 8 juillet courant. Pendant trois jours, «plusieurs ministres en charge des forêts et de l’environnement (…), des représentants des pays donateurs, des chefs d’entreprise, et des partenaires membres d’organisations et institutions à travers le monde» essaieront de «trouver des voies et moyens pour accélérer la mise en œuvre de la Déclaration de la Comifac, de la Déclaration de Glasgow sur le Fair deal et de l’ensemble des résultats des conférences internationales.» Sans se laisser impressionner par les discours jargonnants, ce sera le moment d’interroger la pertinence de certains jugements. Ce sera aussi l’occasion de regarder la réalité en face. Pour tout dire, ce sera le temps des questions. Des bonnes questions.

Prime à la corruption et à la mal gouvernance 

Depuis le Sommet de la terre de Johannesburg et davantage depuis 2009, le Gabon se prévaut d’un leadership environnemental. Pourtant, à y regarder de près, sa gouvernance forestière et environnementale semble hasardeuse. Et les résultats bien maigres. Les négociations en vue de la signature d’un Accord de partenariat volontaire (APV) avec l’Union européenne dans le cadre du Forest law enforcement for governance and trade (Flegt) ? Plus personne n’en parle. Le projet de Contrôle de l’aménagement forestier (Caf) ? L’Agence française de développement (AFD) a récemment dénoncé des «dépenses inéligibles», exigeant le remboursement. L’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale (Cafi) ? Les réunions préparatoires à la phase 3 se tiennent. Mais nul ne sait si les phases 1 et 2 sont échues et quelles sont en sont les retombées concrètes. Les parcs nationaux ? Leur autorité de gestion navigue en eaux troubles, accumulant des impayés de salaires. Pendant ce temps, les scandales de corruption se succèdent.

Au-delà des annonces, l’actualité du secteur forestier est encore dominée par l’incarcération du directeur général des Forêts. Accusé de «corruption, concussion, exploitation illégale d’un permis forestier, falsification de documents, faux et usage de faux», Ghislain Moussavou a d’abord été gardé à vue pendant quelques jours. Le 24 mai dernier, il a été présenté au juge puis écroué. Depuis lors, les rumeurs et révélations se multiplient, certains de nos confrères ayant évoqué l’existence d’un réseau impliquant des proches collaborateurs du ministre des Forêts, en l’occurrence son directeur de cabinet et ses conseillers en charge des questions juridiques et financières. Même s’il plaidera toujours la méconnaissance de ces faits, Lee White ne peut s’exonérer de toute responsabilité. Du moins, au plan politique. En organisant ses assises dans un tel environnement, le PFBC n’apporte-t-il pas sa caution à la corruption ? N’est-ce pas une façon d’accorder une prime à la mal gouvernance ?

Objectifs décidés d’autorité

A moins d’avoir la foi du charbonnier, on ne peut présenter le Gabon comme «le leader africain de l’environnement.» Sauf à faire montre de surdité volontaire ou à poursuivre des desseins inavoués, on ne peut vanter l’adoption de «politiques courageuses» visant à faire émerger une «bio-économie résiliente.» Ni la vision ni les objectifs ni le cadre juridique et institutionnel n’ont fait l’objet d’un consensus national.  Bien au contraire. Décidés d’autorité, ils font peu de cas des intérêts des parties prenantes, notamment la société civile et les populations rurales. La mise en œuvre ? Elle se fait généralement au mépris des textes et procédures, ouvrant la voie à l’arbitraire et à la corruption. Dans un tel contexte, d’aucuns se demandent si les politiques forestières sont réellement au service du Gabon, de son peuple et de son développement. Il s’en trouve aussi pour dénoncer leur instrumentalisation à des fins de légitimation politique ou pour y voir la consécration de l’écologie coloniale.

Comme on l’a relevé au plus fort de la révolte des populations de Mékambo, le gouvernement n’a jamais porté les principes de la démocratie environnementale : transparence, participation et reddition des comptes. Il ne s’est non plus jamais soucié de l’équité sociale. En témoignent l’inexistence d’un statut des écogardes, les incessantes tentatives de modification du Code forestier et de la loi relative aux parcs nationaux, le flou artificiellement entretenu sur la tutelle de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) ou la faible prise en compte des droits des populations. Pourtant, certains partenaires continuent de tenir des discours laudateurs.  Sous peine de sombrer dans le simplisme mystificateur, les participants au PFBC doivent entendre le message envoyé par la déchéance de Ghislain Moussavou.

 
GR
 

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