Le 3 février 2014 au Gabon, un train en provenance de Franceville percutait, au niveau de Nkoltang, une voiture avec à son bord sept personnes, dont six d’une même famille et un voisin. Entre disparition du dossier au tribunal de Libreville et quête de justice, Me Béranger Nzé a exhumé cette affaire pour qu’elle soit jugée. Une procédure de citation directe a été initiée à l’encontre de Setrag, l’État gabonais et le conducteur de train. Tous sont attendus au tribunal de première instance de Libreville ce jeudi 7 mars. Le début d’un épilogue ?

Me Béranger Nzé entouré de Célestin Boussougou Kombila et Mariette Mapaka, le 5 mars 2024. © GabonReview

 

Au Gabon, une affaire ayant défrayé la chronique en 2014 pourrait à nouveau cristalliser les attentions. Alors que le dossier avait disparu au tribunal de première instance de Libreville, que l’affaire avait été dite classée, avocat au barreau du Gabon, Me Béranger Nzé a décidé avec son équipe, de l’exhumer pour que justice soit enfin rendue. D’autant plus que, a assuré l’avocat au cours d’une conférence de presse le 5 mars, «l’affaire n’a jamais été jugée». «Cette conférence de presse a un but de mémoire parce que ma team et moi, nous avons estimé qu’il était de notre devoir en tant qu’avocat assermenté, défenseur de la justice, de faire en sorte que cette affaire ne soit pas oubliée et qu’elle passe en jugement», a-t-il déclaré.

Le dossier reconstitué hors du tribunal

Ce jour-là, le 3 février 2014, aux environs de 7 heures du matin, un train voyageur de la Société d’exploitation du Transgabonais (Setrag), en provenance de Franceville, percutait au niveau de Nkoltang, un véhicule Toyota Avensis à bord duquel se trouvaient sept personnes dont un père de famille qui avant de se rendre au travail, allait déposer ses cinq enfants et un voisin à l’école, après avoir déposé sa compagne Mariette Mapaka, à son lieu de travail. Notamment, Joseph Ollomo Ondo (le père de famille), les enfants Irma Florentine Mapaka (10 ans), Josmar Simon Yotto Ollomo (7 ans), Chyrelle Eyang Ollomo (16 ans), Kelly Kathuischa Mouele (18 ans), Anne Sara Ngombo Doumou (9 ans) et le voisin Théo-Prince Kombila (8 ans).

Le dossier, a expliqué l’avocat, est passé devant le tribunal de première instance de Libreville. Il y a eu un jugement avant dire droit qui n’a pas statué sur le fond puis plus rien. Il avait pour ainsi dire, disparu du tribunal de première instance de Libreville. «J’ai été saisi par cette dame dans la douleur il y a 2 ans et je n’avais absolument rien pour la défendre à part sa version des faits», a déclaré Me Nze. Après trois mois de recherches infructueuses au niveau du tribunal, il a avec son équipe mené des investigations hors tribunal pour entrer en possession des procès-verbaux et autres éléments disparus donnant du volume au dossier. «Nous l’avons exhumé et nous avons pensé qu’il était immoral que l’on fasse comme si rien ne s’est passé», a-t-il dit.

Me Béranger Nzé invoquant le dossier reconstitué. © GabonReview

Sachets-poubelles, séjour en psychiatrie, invalidité

«J’ai estimé qu’il fallait que quelqu’un réponde de ces faits devant la justice», a expliqué l’avocat. Pris par les délais de prescription qui dans ce genre de cas sont de 10 ans, le 26 janvier 2024, il a saisi par voie de citation directe contre la Setrag, Barthélemy Yola le conducteur de train ce jour-là et l’État gabonais. «Setrag parce que nous pensons qu’il s’agit de sa responsabilité que nous démontrerons devant les juridictions ; l’État, parce que nous pensons que dans une certaine mesure, l’État a une responsabilité dans ce tragique accident ; le conducteur, parce que nous pensons qu’il est la pièce maîtresse de cet accident», a expliqué l’avocat à côté duquel se trouvaient la compagne du père de famille et le père du voisin.

Ce dernier, Célestin Boussougou Kombila, agent Gabon Telecom à la retraite a perdu son fils unique avec sa femme. Entre AVC, coma profond et invalidité, cette dernière est détruite  depuis 2014. «Elle n’a plus de vie. Elle pleure tous les jours. Que justice soit rendue», a déclaré le retraité. Mariette Mapaka elle, avait un projet de mariage avec son compagnon. Profondément touchée puisqu’ayant perdu ses trois enfants, elle a à la suite du drame été internée en psychiatrie. «C’est comme si ça s’est passé hier. Ce dossier avait disparu au tribunal mais aujourd’hui, grâce à Dieu, nous l’avons retrouvé. Que la justice me soit rendue pour mes enfants», a-t-elle déclaré. «Leurs corps avaient été emballés dans des sachets-poubelles», s’est-elle rappelée.

Pour que justice soit rendue

Elle a depuis lors quitté Nkoltang, mais note qu’à la suite de l’accident, Setrag a mis en place un dispositif de sécurité à l’endroit exact du drame. Entre autres, lampadaire, portique, rampe de sécurité autour des voies, une société de sécurité, des guérites, des panneaux de signalisation, la limitation de vitesse. Le procès, a informé l’avocat qui espère que les différentes parties seront présentes, aura lieu ce jeudi 7 mars au tribunal de première instance de Libreville. Le 1er décembre 2021, Setrag était saisie par correspondance pour «proposition de règlement amiable avant poursuite judiciaire». Une proposition rejetée par l’entreprise et qui a incité ce retour devant le tribunal en citation directe.

«Ce qui est fondamentalement important, c’est que notre action de mémoire vise à permettre aux familles d’avoir enfin justice et de faire le deuil de ce drame», a commenté l’avocat pour qui justice doit être rendue pour que la crédibilité du système judiciaire soit restaurée. À l’époque, explique-t-il, une exception avait été soulevée par Setrag. Laquelle avait été rejetée par le tribunal qui demandait que l’affaire soit plaidée au fond. «Il n’y a pas eu de débats au fond. Dès qu’on a renvoyé l’affaire à une prochaine date, cette affaire n’a plus jamais été appelée», a souligné l’avocat. Avec les familles, il espère que les responsabilités directes ou indirectes soient reconnues et que les coupables soient condamnés par rapport à ce que prévoit la loi.

 
GR
 

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