La nomination de l’équipe conduite par Alain-Claude Billie-By-Nzé place Ali Bongo face à son propre échec : il n’a ni stabilisé l’exécutif ni créé les conditions du travail dans la sérénité.  

Entre un Premier ministre au passé controversé, un ministre d’Etat habitué des retournements de veste, un autre soupçonné d’enrichissement injustifié, des ministres aux faits d’armes introuvables ou d’illustres anonymes, l’«erreur de casting» pourrait avoir été rééditée une fois de plus. © flickr.com

 

«Efficacité», «intégrité» et, «sens des priorités». Au terme du conseil des ministres de mardi dernier, le président de la République a énoncé des principes. Son auditoire aura-t-il la durée de vie pour s’en imprégner ou les appliquer ? Voire… Sous Omar Bongo Ondimba, les premiers ministres avaient le temps de voir venir : Casimir Oyé Mba, Paulin Obame Nguéma, Jean-François Ntoutoume-Emane et Jean Eyéghé-Ndong occupèrent la fonction respectivement pendant 4 ans et 6 mois, 4 ans et 3 mois, 7 ans, et 3 ans et 6 mois.  Même si l’on assista à l’émergence de quelques «roitelets», les ministres pouvaient travailler. Sans doute par souci d’imprimer sa marque, Ali Bongo a rompu avec cette pratique. Par désir d’affirmation, il a changé les gouvernements à un rythme effréné, créant les conditions d’une instabilité chronique tout en hypothéquant toute possibilité d’action.

7 Premiers ministres, 20 gouvernements en 14 ans

Deux informations attestent de ce manque de stabilité. Quand son prédécesseur avait usé 5 premiers ministres en 42 ans, le président de la République en est au 7ème en un peu moins de 14 ans. Depuis septembre 2009, la longévité moyenne d’un chef de gouvernement s’établit à 23 mois, soit moins de deux ans. Quant aux gouvernements, leur nombre est encore plus éloquent : 20, soit une durée de vie moyenne de 8 mois. Pour toutes ces raisons, la nomination de l’équipe conduite par Alain-Claude Billie-By-Nzé place Ali Bongo face à son propre échec : il n’a ni stabilisé l’exécutif ni créé les conditions du travail dans la sérénité. Peut-on initier des lois adaptées au contexte, assurer leur exécution ou exercer le pouvoir réglementaire de façon efficace quand on redoute de quitter sa fonction à tout moment ? Peut-on concevoir des politiques publiques ou les mettre en œuvre en étant sous la menace de la déchéance voire du licenciement ou du chômage ?

Pour se soustraire de tout examen de conscience, pour ne pas engager sa propre responsabilité, Ali Bongo a choisi une stratégie en trois temps : l’appel à une meilleure implication des organes en charge du suivi ou du contrôle, la mise en cause de la moralité des ministres et, le rappel des préoccupations des populations. En insistant sur l’«efficacité», il a pointé les manquements du Conseil national de coordination et de suivi du Plan d’accélération de la transformation (CNCSPAT), du Parlement et de la Cour des comptes. En appelant à plus d’«intégrité», il a mis en garde le gouvernement contre les comportements peu vertueux. En évoquant «le sens des priorités», il l’a invité à s’attaquer au «quotidien des Gabonais», c’est-à-dire à leurs conditions de vie. Venant d’un président de la République adepte du turn-over, ces instructions relèvent du pilatisme ; elles ne visent ni à fixer les règles de conduite ni à définir les modalités d’action, mais à dégager sa responsabilité.

L’«erreur de casting» rééditée

Eu égard aux railleries et doutes suscités par la valse des gouvernements, Ali Bongo fait comme toujours, rejetant tous les torts sur des personnalités sans grand pouvoir de décision.  N’empêche, la composition du nouveau gouvernement en dit long sur sa conception de la vertu publique et du profil des ministres. Entre un Premier ministre au passé controversé, un ministre d’Etat habitué des retournements de veste, un autre soupçonné d’enrichissement injustifié, des ministres aux faits d’armes introuvables ou d’illustres anonymes, l’«erreur de casting» pourrait avoir été rééditée une fois de plus. Certes, ces choix n’ont rien d’illégal. Certes, ils peuvent s’expliquer. Mais, en se situant sur le seul terrain de la loi, le président de la République s’est fermé à toute considération éthique ou morale. En privilégiant ses proches ou les affidés de son entourage, il a minimisé la dimension technocratique.

Pour tenir compte de ces paramètres, il lui fallait être au clair sur les relations entre le gouvernement et la présidence de la République. Or, sur ce point, tant d’anecdotes peu glorieuses circulent. Tant d’hérésies se racontent. De notoriété publique, le gouvernement est caporalisé par le cabinet présidentiel, depuis au moins le passage de Maixent Accrombessi, le point de non-retour ayant été atteint avec la magnificence de Brice Laccruche-Alihanga. De ce point de vue, l’«efficacité», l’«intégrité» et le «sens des priorités» dépendent avant tout du président de la République lui-même et, accessoirement, de son cabinet. Bien entendu, le CNCSPAT, le Parlement et la Cour des comptes peuvent y contribuer. Si «le quotidien des Gabonais (doit devenir) prioritaire», chacun doit jouer son rôle tout en se tenant prêt à rendre des comptes. Mettre fin à l’instabilité gouvernementale commande aussi d’assumer ses actes.

 
GR
 

7 Commentaires

  1. Rembourakinda dit :

    Mbolwani, un septennat et quatre premiers ministres… Pour quel bilan ? Nous sommes bien tombés au sous-sol, aucune chance de revoir le ciel avec ces clows. La lutte continue.

  2. de kermadec dit :

    Réponse à Rembourakinda: Je dirai même plus: une très grande majorité du peuple gabonais, grâce à A.B.O n’est pas tombé au sous sol mais bien plus bas, il se situe, actuellement en as du bas, je vous laisse imaginer, cela veut tout dire, bref cela reflète l’ambiance générale actuellement au sein des « cerveaux musclés ».

  3. messowomekewo dit :

    Ces gens ne font que tourner en rond, malheureusement le pays stagne. Eux sont convaincus qu’ils sont la crème du pays. Des vrais « bras cassés » on vous dit. Aussi longtemps que cette bande d’amateurs sera au commande , rien de vraiment bon ne pourra se faire. Aucune vision, incapables de se projeter, que de grands slogans creux, aucune action d’envergure capable de redonner un peu d’espoir aux jeunes… c’est triste.

  4. Prince dit :

    Même si on change de gouvernement tous les jours rien ne changera dans ce pays rien, le problème c’est celui qui est à la tête c’est aussi simple c’est lui qu’on doit changer c’est tout il n’est pas à la hauteur

  5. Gayo dit :

    Lui-même Ali Bongo est une personne à la moralité douteuse. Comment comprendrait-il l’importance de ne pas présenter au gabonais des personnalité au passé douteux comme Bilié Bi Nzé ou reconnus pour leur manque de constance et de consistance comme Ndemezoo. On ne peut pas vouloir le changement de mentalité en gouvernant avec des hommes qui inspirent aux populations que l’ont veut transformer le manque d’intégrité et de valeurs.

  6. Yann Lévy Boussougou-Bouassa dit :

    Juste pour la réflexion : Article 8, alinéa 2 : « Il détermine la politique de la Nation ». Article 15, alinéa 2 : « Sur proposition du premier ministre il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions . » Ces éléments sont issus de la constitution et traitent de deux compétences du président de la République.

    Peut-on se mettre du gel alcoolique aussi facilement sur les mains avec ceci ? Quelqu’un a dit et écrit un jour que la raison est la chose la mieux partagée. Essayons de lui donner raison.

  7. MBALLA Axel dit :

    Il est rare de voire votre journal dans la pertinence, mais cette fois, vous aviez la « condamnation à la justesse » à faire valoir.
    C’est bien. Il est temps d’effacer votre antériorité votre conformisme par excès face un régime qui a tout détruit et qui rentre définitivement dans sa phase d’autodestruction..

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