Comment parler de l’école sans s’appesantir sur son rôle dans la construction du citoyen ? Comment évoquer la lutte contre le réchauffement planétaire sans établir le lien avec la mondialisation ? Comment esquisser des solutions au retard dans l’économie numérique sans creuser cette idée d’un «Google européen» ?  

Faisant montre d’une grande prudence tactique, les candidats n’ont pris aucun risque. Sous le regard complice des journalistes, ils ont servi leurs discours jargonnants. Jamais ils ne se sont hissés à la hauteur de la fonction présidentielle. © Le Monde / Ludovic Marin / AFP

 

Le second tour de la présidentielle française aura lieu dimanche prochain. Dans cette perspective, les deux finalistes ont débattu mercredi dernier. Emmanuel Macron et Marine Le Pen étaient censés décliner leurs ambitions pour le présent et le futur. Sur l’état de la France, comme sur ses liens avec le reste du monde, on s’attendait à de grandes orientations. On espérait voir émerger des visions ou des caps. Las. Entre des éléments de langage policés, des chiffres balancés à tire-larigot, on a assisté à un échange faussement technocratique et inutilement verbeux. Comme si on avait affaire à deux postulants à une fonction administrative ou gouvernementale. Imputable aux deux modérateurs, ce glissement traduit une mauvaise conception de la fonction présidentielle, réduite à une dimension gestionnaire.

Tétanisés par l’enjeu

Même si cela peut paraitre barbant, il convient de le rappeler : unique dans les démocraties libérales, le président de la République française est la «clef de voûte des institutions.» Incarnation de l’autorité de l’Etat, il veille au respect de la Constitution et assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Garant de l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire, il a un rôle prépondérant en matière de diplomatie et de défense. Elu sur un projet, il est censé indiquer les grandes orientations de la politique nationale. S’il préside le Conseil des ministres, il ne détermine pas la politique de la nation. Il ne l’a conduit pas non plus, cette responsabilité étant dévolue au gouvernement. S’il dispose de compétences administratives, il n’est pas le chef de l’administration, ce statut étant reconnu au Premier ministre. La concordance majoritaire favorise-t-elle l’«arbitraire présidentiel» ? Le principe demeure : l’exécutif français est dyarchique.

Pourtant, les modérateurs ont demandé aux candidats de décliner des «mesures concrètes.» En agissant de la sorte, ils ont réduit cet échange à des questions d’intendance. En les invitant à parler «clairement», ils l’ont asphyxié, lui retirant toute dimension prospective. Sur l’école, comme sur le climat, l’économie numérique, la situation de l’Outre-mer, le projet européen ou les relations internationales, ils n’ont guère poussé les débatteurs à dessiner de nouveaux horizons, les laissant déflorer les sujets. Visiblement tétanisés par l’enjeu, Léa Salamé et Gilles Bouleau ont laissé l’impression d’avoir un parti-pris. Comment parler de l’école sans aborder la question de la sécurisation de ces lieux ou sans s’appesantir sur son rôle dans la construction du citoyen et de l’être social ? Comment évoquer la lutte contre le réchauffement planétaire sans établir le lien avec les deux piliers du capitalisme : la mondialisation et le libre-échange ? Comment esquisser des solutions au retard dans l’économie numérique sans creuser cette idée d’un «Google européen» ?

Match nul

Sur la place de la France et son rayonnement international, nos confrères ont été incapables d’entraîner les candidats hors de leur zone de confort, se satisfaisant d’incantations. Ni la gestion du vaste et très éclaté plateau continental français ni la sécurisation des routes maritimes ni l’avenir de la francophonie et, encore moins, celui de la langue française n’ont retenu leur intérêt. Comme il y a cinq ans, ce débat a viré en une banale formalité. Faisant montre d’une grande prudence tactique, les candidats n’ont pris aucun risque. Sous le regard complice des journalistes, ils ont servi leurs discours jargonnants. Jamais ils ne se sont hissés à la hauteur de la fonction présidentielle. Comme s’ils espéraient aider Emmanuel Macron à tirer avantage de sa prétendue maîtrise technique, Léa Salamé et Gilles Bouleau n’ont jamais eu le courage de les inviter au dépassement.

Au vu de la fadeur de ce débat, eu égard à l’ennui généré par ces trois heures de discours à courte vue, aucun candidat n’a réussi à lever les doutes sur sa capacité à aborder les défis d’aujourd’hui ou à poser les bases de la France de demain. Certes, Emmanuel Macron bénéficie de la prime au sortant. Mais ses idées, convictions et positions semblent toujours aussi friables. Sa compréhension de la démocratie, comme son rapport à autrui, paraissent toujours biaisés par une arrogance certaine. Quant à Marine Le Pen, elle souffre d’un préjugé défavorable lié à sa filiation et à ses revirements spectaculaires. Difficile, dans ces conditions, de les départager. Si on peut conclure à un match nul, il appartient aux Français de trancher, en âme et conscience et loin de toute pression médiatique.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. ACTU dit :

    Les résultats ci-dessous montrent que plus d’un français sur deux vivant au Gabon est raciste et qu’ils n’ont pas leur place chez nous.
    Que l’auteur de cet article passe sous silence cet aspect important signifie qu’il est fort probable qu’en tant que française d’origine elle appartient bien à l’un de ces 3 groupes qui potentiellement sont racistes ?

    Les résultats du premier tour – bureaux de vote au Gabon 

    Emmanuel MACRON 715 34,86 %
    Marine LE PEN 208 10,14 %
    Eric ZEMMOUR 306 14,92 %

  2. SERGE MAKAYA dit :

    Marine LE PEN 208 10,14 %
    Eric ZEMMOUR 306 14,92 %

    QUE FONT CES RACISTES AU GABON ?

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