Recyclant les recettes du passé, le Parti démocratique gabonais (PDG) contribue à brouiller l’image du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).

Les vieux clivages persistent, plongeant le climat politique dans une inquiétante stagnation et compromettant la promesse de renouveau du CTRI. Jour après jour, l’Assemblée nationale de Transition se coule dans les habits de celle dissoute le 30 août 2023. © GabonReview

 

Dix mois après la mise en place du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), les inquiétudes se font lourdes. Certes, les partis politiques et la société civile continuent de proclamer leur soutien à la Transition. Certes, ils n’ont de cesse de réitérer leur engagement à œuvrer à sa réussite, réaffirmant leur désir de doter le pays d’«institutions fortes, crédibles et légitimes» au terme d’ «élections locales et nationales libres, démocratiques et transparentes». Mais, le projet de révision du Code électoral n’a pas fini de susciter des remous. Porté par le ministre de l’Intérieur, ce texte est vertement critiqué. Pour certains députés de la Transition, il est l’expression d’une volonté de «liquider les acquis démocratiques chèrement acquis, y compris au prix du sang». Pour d’autres, il signe un «recul» voire «un retour au parti unique».

Dégradation du climat politique

N’ayant pu être auditionné une première fois pour des raisons de forme et de délai, le ministre de l’Intérieur l’a finalement été le 10 juin courant.  Au terme de cette session, des lignes de fracture sont apparues : d’une part, les députés issus du Parti démocratique gabonais (PDG) ; d’autre part, ceux se réclamant de l’ancienne opposition et de la société civile, les uns étant majoritairement acquis au texte quand les autres se disent unanimement contre. Comme l’affirme Radio France internationale, «la loi électorale est le premier texte (…) qui a fait voler en éclats le consensus». Désormais, le CTRI est face à ses engagements. Ayant affirmé n’avoir «nulle vocation à s’éterniser au pouvoir», ayant proclamé vouloir «reconstruire l’édifice démocratique et recoudre (le) tissu social», sa réaction est attendue. Va-t-il soutenir un camp, au risque de nourrir la défiance ou de porter le flanc à toutes les accusations ?

Pour l’heure, les arguments des députés font craindre une dégradation du climat politique. Se prononçant sur le fond, les contestataires dénoncent les pouvoirs exorbitants accordés au ministère de l’Intérieur. S’appuyant sur le calendrier de la Transition, ils subordonnent la modification de la loi électorale à l’adoption de la Constitution. À l’inverse, les défenseurs du texte disent ne pas vouloir faire obstacle à l’action gouvernementale. Manifeste, ce schisme est aussi évocateur : d’un côté, le souci d’accoucher d’une loi plus conforme aux standards démocratiques ; de l’autre, la volonté de se poser en relais de l’exécutif. Comme si l’histoire s’écrivait à rebours, comme s’ils ont reçu des consignes particulières, les députés issus du PDG disent être tenus de faire corps avec le gouvernement. Recyclant les recettes du passé, ils contribuent à brouiller l’image du CTRI, accusé d’être «le PDG en treillis». Est-ce leur objectif ? Est-ce un piège insidieusement tendu ?

Vieux clivages, vieilles habitudes

Depuis sa mise en place et, sous la conduite d’un ancien ministre de l’Intérieur, l’Assemblée nationale de Transition peine à envoyer des signaux de rupture. Encore moins à s’inscrire dans une dynamique nouvelle. Durant la mise en place des commissions, cette question s’était déjà posée, quatre présidences sur six ayant été confiées à des militants PDG. Au nombre de ceux-ci, un ancien Premier ministre et deux anciens ministres de la Défense. Particulièrement troublant, le choix de ces barons de l’ère Ali Bongo avait jeté une ombre sur la perspective d’un renouvellement de la pratique politique et administrative. Quant à la reconduction du président de la commission des Finances, elle fut perçue comme la preuve d’une volonté de s’installer dans la continuité. La même conclusion fut établie suite à la nomination d’un ancien vice-président de la commission des Lois à la tête de cette instance de première importance.

Jugé superfétatoire, ce débat n’a jamais été mené au fond. Considérant, à juste titre, avoir mis en place une chambre très colorée, composée de personnalités aux expériences variées, le CTRI ne s’y est pas intéressé, laissant le PDG cultiver l’amalgame. Trop fier d’avoir réussi son opération de verrouillage, le PDG a tout fait pour le taire. Refusant de se lancer dans une sorte de curée, l’ancienne opposition et la société civile ont assisté impassibles. Conséquence : les vieux clivages ont persisté. Les vieilles habitudes aussi. Si la loi portant révision du Code électoral est loin d’être adoptée, une bataille rangée se profile à l’horizon. Comme si l’histoire repassait les plats, on imagine déjà deux camps aux positions irréconciliables : le PDG en soutien du gouvernement ; l’ancienne opposition et la société civile en contempteurs. Jour après jour, l’Assemblée nationale de Transition se coule dans les habits de celle dissoute le 30 août 2023.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. le fait pour le CTRI de vouloir faire participer tous le monde à l’effort de reconstruction du pays pose problème, car beaucoup de ceux « repêcher reste arc bouté dans leu manière d’être.

    Transposé sur le plan politique cela donne ce que vous décrivez. Au CTRI de prendre ses responsabilités.

    Amen.

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