Comme les opérations Mamba et Scorpion, la déchéance du maire de Libreville souligne une réalité : dans le choix des préposés aux fonctions, le pouvoir établi fait trop souvent l’impasse sur les considérations morales et la compétence technocratique.

S’il entend moraliser la vie publique, le pouvoir établi doit se soumettre à un examen de conscience sur deux aspects : le choix des préposés aux fonctions et, la valeur de la règle de droit. © D.R.

 

On n’en finit plus avec les scandales financiers. Après l’emprisonnement de l’ancien super-ministre de la Promotion des investissements, des Transports, des Travaux publics, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire, après l’incarcération de l’ancien tout-puissant directeur de cabinet du président de la République, le maire de Libreville vient d’être jeté en prison pour des faits de corruption présumée. En janvier 2017, la tristement célèbre opération Mamba avait généré des interrogations sur la passation des marchés publics et les circuits financiers. En novembre 2019, la terrifiante opération Scorpion avait suscité des questions sur le positionnement du cabinet présidentiel et sa responsabilité dans la gestion des sociétés d’Etat. Depuis quelques jours, une autre thématique est au centre des débats : la gestion des collectivités locales.

Errements de la gouvernance en vigueur

Contrairement aux premières impressions, cette polémique ne porte pas sur la libre gestion des collectivités locales. Au regard du caractère inachevé du processus de décentralisation, elle ne se rapporte pas seulement à la responsabilité des autorités décentralisées. Balayant un champ plus large, elle porte sur la gestion de l’Etat, pointant les errements de la gouvernance en vigueur. Se fondant sur les modalités d’exercice de la tutelle de l’Etat, certains experts présentent les collectivités locales comme «les entités les plus contrôlées de toute l’administration publique.» D’autres rappellent le rôle de la justice dans la validation des délibérations des conseils locaux. A la fin des fins, ils s’accordent sur une réalité : en matière financière, les maires agissent sous haute surveillance.

Naturellement, ces rappels appellent des éclaircissements sur deux points : la responsabilité de l’Etat et, l’effectivité de la libre administration. Selon l’article 359 de la loi sur la décentralisation, l’autorité de tutelle apprécie la légalité des actes pris par le maire. Le cas échéant, elle peut soit lui exiger de se conformer à la loi, soit s’en remettre à la juridiction compétente. Aux premiers couacs de l’ère Léandre Nzué, le gouvernement avait-il fait jouer ces dispositions ? Y avait-il songé au plus fort de la polémique sur le budget municipal ? On peine à le croire. De même, on peine à comprendre le choix de cette personnalité à la réputation de caïd : en le désignant comme tête de liste dans le 2ème arrondissement, avant d’en faire son candidat, le pouvoir établi avait-il misé sur le meilleur profil ? Avait-il parié sur une personnalité taillée pour l’emploi ?

Terreau fertile aux scandales

La fonction de maire n’est pas seulement politique. Elle est également administrative. Jouissant d’une double casquette, le maire est à la fois agent de l’Etat et agent exécutif de la commune. Chargé de la mise en œuvre des délibérations du conseil municipal, il dispose de pouvoirs propres. Pour remplir ses fonctions, trois critères paraissent indispensables : l’intégrité, l’ouverture et, la responsabilité dans la gestion des deniers publics. Mais, le pouvoir établi ne l’a jamais entendu de cette oreille. Dans la désignation de Léandre Nzué, l’arithmétique ethnique et les arrangements d’arrière-cour avaient prévalu. Comme toujours, des combinaisons de basse politique permirent d’imposer une personnalité parachutée depuis le château, passant par pertes et profits les considérations morales et la compétence technocratique. Une fois de plus, l’éthique, le savoir, le savoir-faire, le savoir-être et le savoir faire-faire furent minimisés. En agissant de la sorte, le pouvoir établi remuait un terreau fertile aux scandales de tous ordres.

S’il entend moraliser la vie publique, le pouvoir établi doit se soumettre à un examen de conscience sur deux aspects : le choix des préposés aux fonctions et, la valeur de la règle de droit. Sur l’un et l’autre de ces points, sa pratique n’a pas toujours été exempte de tout reproche. Trop souvent, il a jeté son dévolu sur des personnalités en délicatesse avec la morale publique. Dans bien des cas, il a cherché à contourner les dispositions légales, se lançant dans des interprétations spécieuses. Récemment encore, il a désigné un intérimaire au poste de maire de Libreville sans tenir compte ni du passif de l’homme ni l’esprit de la loi. Or, s’il veut conjurer les risques de corruption, il doit rompre avec ses vieilles habitudes. Autrement, ce sera la porte ouverte au discrédit de la démocratie et à la déliquescence de l’Etat. Avec ou sans Magloire Ngambia, Brice Laccruche Alihanga et Léandre Nzué.

 
GR
 

13 Commentaires

  1. Ange BOUSSAMBA dit :

    Je suis d’accord avec l’analyse que fait Roxanne Bouenguidi sur la situation qui prévaut à l’hôtel de ville de Libreville. Je voudrais proposer que l’on ramène Isidore Calixte Nsié Edang dans le jeu politique municipal. Rigoureux, intègre, sobre et discret, il ferait un bon maire pour notre capitale politique. Simple suggestion.

  2. Patrick Mapessi dit :

    C’est vrai que Calixte Nsié, conseiller municipal du 3ème arrondissement, est un technocrate connu pour sa rigueur et son sérieux. Mais depuis qu’il a été nommé comme Commissaire-membre de la Commission nationale de Lutte contre l’enrichissement illicite (Cnlcei), est-ce qu’il continue de siéger au Conseil municipal ?

  3. Patrick Mapessi dit :

    Il faut effectivement qqn qui ait l’éthique, le savoir, la pondération, le savoir-faire, le savoir-être, et le savoir faire-faire, comme le dit Roxanne Bouenguidi, mais aussi un minimum d’intellect. Calixte Nsié semble avoir ce profil.

  4. Gayo dit :

    Qui se ressemblent s’assemblent. On a un president affairiste, en réalité plus intéressé par le business que la direction d’un pays qu’il utilise juste pour s’enrichir. Quand on est un goudronnier, on ne peut que gouverner avec des goudronniers. Quand on sait que nos élites les plus compétents sont mis de côtés parce qu’ils sont incapables de dire oui a toutes les actions de la gouvernance approximative de Ali Bongo. Je pense aux anciens pedegistes comme le fils chambrier qui meme à l’Assemblée nationale a ete remplacé par un jeune ténébreux, dit-on parce que Ali Bongo et les pedegistes ont peur de l’affronter en 2023. Toutes élites capables de gouverner avec des valeurs sont au chômage au profit des opportunistes sans valeur intrinsèque comme Bilie Bi Nze, Matha, le General du Mapane, Alihanga et sa bande, Leandre Nzue, Nourreding, Sylvia, Arissani Karine, etc. Comment le pays ne va pas degringoler en termes de gouvernance et de valeurs morales

  5. Lafleur dit :

    Je suis d’avis avec Roxanne sur la problématique de gestion des administrations publiques et locales.
    Je pense que le Maire présumé coupable de détournement des deniers publics a selon la loi fondamentale gabonaise été élu par le conseil municipal, comme l’idylle de la capitale gabonaise. À ce titre, son remplacement à son poste juteux ne devrait pas se faire sur la base d’une nomination mais plutôt sur la base d’une élection.

    • Paul Bismuth dit :

      Le premier adjoint au maire est celui qui succède au maire en cas d’empêchement de ce dernier. Akassaga étant le premier adjoint, il a logiquement et, comme le veut le droit, succédé à Leandre Nzue. Le seul souci étant son passif lourd qui n’augure rien de positif pour la suite.

  6. Dumoullin dit :

    Co,ment s’étonner de ce qui se passe dans les sphères plus ou moins hautes, alors qu’au ras du sol, n’importe quel citoyen bénéficiant du moindre petit pouvoir, peut racketter au vu et au su de tous sans aucun risque (la route, les marchés etc) ?? C’est là qu’il faut commencer à faire le ménage; un ménage sérieux que le citoyen honnête constatera immédiatement lorsqu’il pourra sortir de chez lui le matin en voiture ou encore partir vers son échoppe sans se demander à quelle sauce il va être mangé par ces rapaces patentés. On veut que le moral des gabonais remonte un peu ?? voilà une vraie piste à exploiter.

  7. Lavue dit :

    Toujours un plaisir de lire Roxane. Un proverbe bien connu de chez nous dit que le poisson commence à pourrir par la tête. L’exécutif gabonais actuel n’a simplement le niveau de la tâche.
    A regarder de très près, quelle est la valeur réelle, la valeur intrinsèque d’un ALI BONGO ? Tout par de là. Comment peut-on avoir pour Directeur de Cabinet un Accrombessi? Voilà un Monsieur qui errait dans Paris comme éternel étudiant, garçon des courses qui finit, comme par miracle, à la tête du pays. Quel parcours avait déjà accompli NGAMBIA pour lui confier 6 ministères? Comment comprendre qu’un repris de justice (affaire BGFI) comme LACCRUCHE ait pu se retrouver Directeur de Cabinet du PR et diriger le pays en lieu et place du chef alors qu’un premier ministre existait? Et maintenant comment quelqu’un réputé caÎd sans aucun passé administratif reconnu peut-il devenir maire de la plus grande ville du pays? Ca en fait trop. Si on regarde bien les choses, le manque de niveau d’ALI combiné au militantisme aveugle, maboule et irresponsable des PDGistes sont les véritables causes de cette déliquescence de l’Etat. Faut pas chercher trop loin. Demain, c’est-à-dire en 2023, et je prends déjà pari avec vous, les PDGistes ne se gêneront pas de soutenir soit la campagne du grand handicapé physique et mental qu’est devenu ALI ou pire son rejetons de NOURREDINE, dont tout le monde sait qu’il n’a non seulement pas l’expérience pour un tel poste mais encore plus, plongerait le Gabon définitivement dans une dynastie. Nos parents qui sont au PDG portent une très grande responsabilité sur l’avenir du Gabon, à cause des petits bénéfices matériels qu’ils en tirent. Personne n’excelle dans les affaires comme on peut le voir ailleurs en Afrique, tout le monde est dans la rente et doit donc soutenir le régime coûte que coûte, tant pis pour les générations futures. Accrochés à la mamelle de l’Etat, ces compatriotes n’ont plus de dignité. C’est le PDG qui finira par détruire ce pays. Les BONGO utilisent simplement cet instrument que leur père a créé et continueront de l’utiliser tant que les opportunistes en grand nombre ne voudront pas qu’ils disparaisse, et ce malgré ces effets néfastes.
    Même s’il est dur de changer les choses, vaut mieux les comprendre avec l’espoir que le temps fera son effet.

  8. moundounga dit :

    Bjr. Très bon document de Roxanne BOUENGUIDI. Le juridique y est, les noms figurent, les thématiques de fonds sont là(passation des mâchée, cabinet PR, collectivités locales), et enfin les voies de sortie pour améliorer. Bravo, c’est bien. Mais il y a un mais que malheureusement la marraine du document a occulté ou fin d’occulter et qui est une véritable chape de plomb sur la gouvernance à Gabao il s’agit du fait originaire.

  9. AK dit :

    Scandales de detournements de milliards, c’est à ciel ouvert maintenant, le sport favoris du pouvoir PDG. Mais la démocratie,où l’avez vous vu dans une dictature? Indiquez nous où on peut la voir, nous accordons.

  10. Steeve dit :

    Si la racine est pouri, l arbre peut elle produire des fruits ?!
    A-t-on déjà vu un homme sans tête ?!
    Si un homme juste dirige sa maison , la maison se portera bien
    Mettez des hommes justes a la tête des de nos Etat et cette justice qui est en Lui il la communiquera a toutes la nation

  11. Meazzah dit :

    A l’unanimité nous disons un grand bravo à Roxanne BOUENGUIDI pour l’exactitude de ses propos. Une telle analyse ne peut que sortit du cœur de quelqu’un qui aime son pays.

    Je dis juste à tous ceux qui soutiennent ce régime d’incompétents, d’affairiste, d’opportunistes et de délinquants que vous devez quitter ce bateau. Demain personne ne viendra dire qu’il ne savait et ne voyait rien. Il n’y aura aucun pardon.

  12. Ho chi minh dit :

    Avec une telle incompétence ils espèrent (les Bongo)y rester encore pendant cinquante ans pour faire un siècle sans vergogne , c’est cela n’avoir aucun attachement avec son lieu de résidence.

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